tourelle d'accès à la tribune du jubé de l'église Notre-Dame de Rouffach ( avec le banc de communion et un luminaire, disparus...)
Dans une église, le jubé est une tribune formant clôture de pierre ou de bois séparant le chœur liturgique de la nef. Il tient son nom du premier mot de la formule latine jube domine benedicere, daigne Seigneur me bénir, qu'employait le lecteur avant les leçons de Matines.
Le jubé se compose de trois éléments : la tribune (le jubé proprement dit), la clôture (dite « chancel ») et le groupe sculpté de la crucifixion, comme sur les poutres de gloire encore visibles, notamment dans les église de Bretagne, et qui sont les origines des jubés.
De la tribune, on lisait l'Évangile et on prêchait; plus tard, la chaire lui succèdera dans cet dernier emploi.
La clôture a pour fonction d'isoler le chœur (réservé aux clercs et aux seigneurs prééminenciers). Les fidèles ne voient donc pas du tout, ou très peu, le maître-autel, caché par les arches et éventuellement le mur arrière du jubé.
La réforme liturgique, suscitée par le concile de Trente (1545-1563), a contribué à la transformation de l’architecture des églises. En effet, elle a voulu que les fidèles participent plus à la liturgie. Cela a entraîné entre autres modifications la suppression progressive des jubés , celle de la clôture, et dans les constructions neuves, le remplacement des églises à trois nefs par des églises à nef unique plus favorable à la participation liturgique.
Du jubé du XIVème siècle de Rouffach, démoli en 1718, ne subsistent que deux tourelles à l’entrée du chœur. Aucune image ni description précise ne nous sont parvenues à son sujet. A quoi pouvait-il bien ressembler? Seuls les contrats passés avec des artisans maçons pour sa démolition nous permettent de répondre, très partiellement, à cette question.
le jubé de la cathédrale de Breisach (vieux Brisach) photo G.M.
Le magistrat décide la démolition du jubé
Demnach für schön undt ahnständig befunden, dass das Letner in der Pfarrkirche hinweg gethan werden solle, welches durch Herren general Vicarium für rathsamb undt ahnständig erkhandt unndt weilen die frau MITTNACHTin 10 fl. darzue zuegeben sich erklärt undt sich demnach befindet dass etwelche Capitalien auf die Statt stehen, so lang nicht verzinst worden, indem vorhero alle Gefäll durch einen Stattschaffner eingezogen undt die Nothwendigkeit der Kirch durch Ihne ahngeschafft worden, doch dass in etliche Jahre kein Zins gegeben worde, so könnte man 3 Zins von soliche Capitalien darzue ahnwenden, worüber die Umbfrag geschehen.
# Ist erkhandt, dass solches erfahrenen Leuthen verdingen solle undt von bemelte Capitalien drei Jahren Zins von stattmittel darzue geben, die frauw MITTNACHTin bette, sie wolle Ihrer Versprechen nachkommen. So viel die 3 Zins ahngehet, hat solches H. general Vicarius approbiert undt guth geheißen.
7 September 1700 A.M.R. BB 75 Ratsprotocoll
Traduction:
Toutes les traductions de ce textes ont été un peu laborieuses surtout à cause du vocabulaire technique et peuvent paraître parfois maladroites ou incomplètes: nous restons ouverts à toute suggestion…et nous nous empresserons de corriger…
Après qu’on eut trouvé beau et convenable (?) de faire disparaître le jubé de l’église paroissiale, ce que le vicaire général a également reconnu convenable et souhaitable, et comme la femme MITTNACHT a déclaré vouloir donner à cet effet la somme de 10 florins et qu’il se trouve également que la ville dispose de capitaux dont les intérêts n'ont pas été touchés depuis plusieurs années […] on pourrait disposer de trois années d’intérêts pour cet usage, la question est posée à l’ensemble du conseil
(voilà un exemple de ces phrases à tiroirs et sans ponctuation dont les greffiers de l’époque étaient très friands… encore que celle-ci est plutôt courte puisqu’il n’est pas rare d’en trouver qui approchent ou dépassent une page entière ! )
On a donc décidé de sacrifier un joyau de l’art gothique, simplement parce qu’on avait de l’argent pour le faire et aussi parce qu’on avait trouvé une généreuse donatrice disposée à payer une petite partie des travaux !
La démolition du jubé créera des "vides" qu'on s'empressera de combler, à grand frais, de diverses manières:
Contrat pour la fourniture de deux autels par Anton KETTERER
Anno 1720 hadt man H. Anthoni KEDTERER, [1] Bilthawer
von Collmar verdingt die beÿde Altär der Muedter
Gottes und St. Johannes in der Pfarkirch zue machen
dem Abrÿss nach, so er hindterlegt und hat man ihme darfür
versprochen zue geben elff hundert Franckhen, und verspricht
solche zue stellen bis Michaeli 1721.
Anno 1722, den 24 ten. Mertzen, seindt obgemelte beÿdte
Altär auffgeschlagen wordten undt hadt ihnen völlig bezahlt.
Damahl das heillig Creütz Altar verdingt zue machen
mit Christus am Creütz, darauff ein Cron, zwen Engell
welche die Cron heben, undten die Muedter Gottes undt
S.Johannes, auch zwen Engell anstatt Liecht Stöckh, ver:
sprechen darfür zue bezahlen 90 Pfundt, 6 Schilling 8 Pfennig Tourn.
L’année 1720 est passé contrat avec Anton KETTERER, sculpteur de Colmar, pour la fourniture de deux autels, celui de Marie mère de Dieu et celui de saint Jean, dans l’église paroissiale, conformément au croquis qu’il en avait dressé et remis au Conseil. Pour cette réalisation on lui a promis la somme de 1100 Francs pour une livraison avant la Saint Michel 1721.
L’année 1722, le 24 mars, les deux autels commandés ont été livrés et montés et l’artisan a été payé en totalité.
A cette époque on a également passé contrat pour l’autel de la Sainte Croix sur lequel doit figurer le Christ en croix, surmonté d’une couronne (un dais en forme de couronne ?) portée par deux anges, en-dessous la Mère de Dieu et saint Jean, et également deux anges porte-candélabres. Le Magistrat promet de payer pour ce travail 90 livres, 6 schillings et 8 derniers tournois. (cet autel de la Sainte Croix se trouvait dans le chœur, au milieu, devant le maître-autel qu’il cachait en presque totalité !)
Contrat pour la démolition du jubé.
4 Février 1718. AMR BB 89/13
Contrat passé entre le très honorable et très érudit M. FREY, curé et très sages M. STRENG Schultheiss, MM. HEINRICUS, Martin HUNOLD, Sébastian WEINGANT et Simon MÜLLER représentants du très honorable Magistrat,
d’une part et
les Maîtres Jean BYSATZ le vieux et Jean BYSATZ le jeune, ainsi que Wilhelm BYSATZ, tous bourgeois et tailleurs de pierres à Rouffach
d’autre part
au sujet du percement du jubé dans l’église paroissiale, il a été convenu ce qui suit:
les Maîtres susnommés sont tenus de percer (démolir) les trois arcades centrales et de laisser intactes (sans dommages) les deux Körlen (on trouve plus loin Körlein : ce mot désigne-il des petits Chor, Chörlein, petits chœurs ou absidioles ou encore travées?) et de remonter la cloison située de chaque côté de la brèche ainsi percée et les cloisons (murs qui se trouvaient sur les trois ogives). Ils devront également réparer si nécessaire les Schnäckhen (les escaliers hélicoïdaux) des deux côtés, et sécuriser la circulation dans la galerie au-dessus des deux petits chœurs (absidioles) restants depuis ces escaliers.
Ils devront également confectionner deux ouvrages de pierre (vier steinen Bilder=statues?) placés aux quatre coins et au milieu (?)
Ils s’engagent par contrat d’effectuer ce travail dans le délai d’un mois au plus, dans sa totale perfection. Ils s’engagent à aider à l’enlèvement des plus grosses pierres et à les porter hors de l’église ; tous les autres déblais seront enlevés par les soins des corvées, le fer et le plomb que l’on trouvera lors de la démolition, ils devront soigneusement les récupérer et ce dont ils n’auront pas l’usage, ils devront le remettre à la fabrique de l’église.
Pour ce travail, la fabrique de l’église promet aux Maîtres 60 livres tournois, deux quartauts de blé à farine et deux Ohmen de vin, à quel prix ils s’engagent à effectuer leur tâche fidèlement et honnêtement, sans arrière-pensées (calcul, mauvaises spéculations)
...Über den Durchbruch des Ledners in der Pfarrkirch getroffen also, das sie, Meister, schuldig seÿen, die mittlere dreÿ Bögen aus zue brechen, die Stein davon so vil möglich unverbrochen und verschohnt auf den Boden legen, die beÿde stehn bleibende Körlen [3] unverletzt lassen und die Wand beÿderseiths des Durchbruchs mit den Wandten, so auff denen dreÿen Bögen gestanden, wider auff: und zuegemacht sampt den Spitzbögen, die Schnäckhen [4] beeder Seits wo nötig aus zue bessern, die Gäng von den selben auff die Körlen wohl versichern und alles, was in eim und anderem zue scheinbahrer Ziehrte dises Gebäws mit Anstellung vier Steinen Bilder an allen vier Eckhen und beÿden Miten versehen, welche Arbeith Sie, Meistere, versprochen innerhalb eines Monats frist in längstens in volligen Perfection stand zue Stellen, die grossern Stein die davon abgehen helffen abfiehren und zue der Kirch hinaus helffen verschaffen, den übrigen Raum werde man durch Fröner [5] hinaus fiehren lassen, das Isen und Bleÿ, so beÿm Abbruch dises Ledners sie erfinden werden sollen sie sauberlich zuesammen haben, und was sie nit brauchen dem Kirchmeÿer lieffern.
Für diese Arbeith, verspricht man von Seithe der Kirch ihnen Meistern 60 Livres Tournois, zweÿ viertel Mehlfrucht und zwehn Ohmen Wein zue geben, umb welchen Preiss Sie, Meister, vorangedeuchter Massen zue machen beÿ bydermann [6] Trew und Parole versprochen alles getrewlich und ohne Gefährte.
Beschehen den 4ten Februar 1718.
Que retirer de ce texte?
- d’abord le jubé comporte 5 arcades
- il y a deux escaliers hélicoïdaux (la « cage » de ces escaliers existe toujours)
- au-dessus de ces arcades il y a une galerie de circulation à laquelle on accède par les deux « Schnecken », escaliers hélicoïdaux
- les pierres sont scellées par du fer et du plomb
- au- dessus des arcades il y a une maçonnerie qui soutient la galerie de circulation, qui était vraisemblablement protégée et décorée par des ouvrages en pierre semblables à ceux qui ornent encore le dessus des tourelles
- en supprimant les 3 arcades du milieu, on supprime aussi le mur qui était derrière eux (mais il fallait conserver la cloison ou mur qui était derrière et au-dessus des deux arcades qu’on conservait).
On peut donc imaginer ces 5 arcs ouverts côté nef, avec au second plan, après une galerie voûtée de la largeur de la coursière supérieure, les mêmes 5 arcs, mais cette fois aveugles c.à.d.. murés , l'arc central étant juste percé d’une ouverture pour permettre l’accès du chœur aux membres du clergé, sacristains, servants, etc.
... comme l’est et l’était le jubé de l’église des Dominicains de Guebwiller… et ouvert jusqu’à la voûte du chœur, au-dessus de la galerie supérieure.
... et comme sur cette photo du jubé de l’église de Saint-Pierre le Jeune?
ou celui de l’église saint Guillaume de Strasbourg?
Et les deux arcades qui restent, puisqu’on n’en a démoli que trois, qu'en est-il advenu ?
Et bien, elles ont malheureusement subi le sort des autres, elles ont finalement été démolies elles aussi, par décision du Magistrat, au cours de la même délibération…
Über dises und nach disem ist von H.Schultheiss und Rath ordiniert wordten, dass die Köhrlein auch hinweg gebrochen werden sollen.
Et pourquoi a-t-on conservé les deux tourelles d’escalier: peut-être parce que l’une d’elle dessert également un escalier à vis qui permet d’accéder au grenier au-dessus du chœur… Mais après avoir démoli les travées du jubé, il fallait nécessairement combler les vides des deux tourelles restantes: c'est ce qui a sans doute été fait, avec des parties récupérées de la balustrade.
S'il est assez facile de reconstituer le premier plan de cette construction, celui de la façade, grâce aux amorces des gâbles encore visibles , il est beaucoup plus difficile d'imaginer le second plan, si second plan il y avait... c'est-à dire le "fond" de ce jubé qui devait avoir une profondeur suffisante pour supporter une coursière nécessairement ouverte sur le ou les escaliers d'accès. Ces ouvertures ont été refermées par des dalles après la démolition de l'ouvrage. Il ne reste plus de traces des départs des arches sur l'arrière des tourelles (s'il y avait un plan arrière...) , mais sans doute cette partie a-t-elle aussi été fortement remaniée pour redonner à l'ensemble une certaine harmonie. Au sol, couvert d'un dallage, il ne reste aucune trace visible.
Ou alors, faut-il suivre l'hypothèse de Hans REINHARDT dans son article La grande église de Rouffach dans Annuaire de la société d'histoire des régions de Thann-Guebwiller vol.12 (1977-78): "... la clôture se réduisait à un mur, décoré sur les deux façades d'arcades aveugles sous gâbles. les dalles fermant actuellement l'issue des escaliers sont les témoins du peu de profondeur d'une coursière qui devait surplomber du côté du chœur, soutenue par des encorbellements. Peut-être une sorte de chaire faisait-elle saillie au-dessus de la porte d'entrée, comme à Friedberg en Hesse, pour amplifier la tribune..."
le jubé de la cathédrale de Friedberg, vue côté chœur
C'est là peut-être la raison pour laquelle on ne trouve pas de trace de départs d'arcs sur la partie arrière des tourelles: il n'y en avait pas!
C'est ce qui expliquerait aussi qu'on n'ait pas démoli les deux tourelles: il "suffisait" d'abattre un mur avec les cinq arcs dont quatre aveugles, c'était sans doute une tâche moins malaisée et moins coûteuses que d'abattre le mur et les cages d'escalier qui, en fin de compte, n'étaient pas trop gênantes pour la vue sur le chœur...
le même jubé, vue côté nef
Toutes ces hypothèses n’engagent évidemment que leur auteur... Beaucoup ont rêvé devant les vestiges de ce jubé, tentant d'imaginer ce qu'il a pu être. Il ne reste aucune image, on en saura peut-être plus un jour à l'occasion de fouilles dans le chœur... Dieter GRAF dans sa thèse intitulée Die Baugeschichte der Marienkirche zu Ruffach en a proposé une intéressante reconstitution dessinée:
Essai de reconstitution du jubé, dans Die Baugeschichte der Marienkirche zu Rufach Dieter Graf 1964
Inaugural Dissertation zur Erlangung der Doctorwürde der Philosophischen Fakultät der Albert-Ludwigs Universität zu Freiburg i. B.
Contrat de Anton KETTERER. [7] pour la fourniture de nouveaux autels.
Verding zwischen Herren Schultheissen und E:E:
Rath der Stadt Ruffach an einem
so dann den kunsterfahrenen Herren Anthon
Katherer burger [8] Einwohner zue Collmar
Bildthawer andteren Theils über
Zwen Ältar in der Pfarkirche
alhier, an beidten grossen Saulen
Anfang des Chors anzuelegen.
Der einte solle das Frawenbildt
neben denen H.H. Dominicum und
Catharinam von Senensi und der andere
den H. Joannem Baptistam praesen:
tieren ; oben in denen Blatenn beeder
seiths Englen von gewundenen [9]
dobelten Sauhlen sowol in der
untere als oberen Seiten mit
Bilthnussen gleich dem Abrÿss ein:
gefasst ; in dem nietren Altar oben
die das Corpus des Frawen Altars
H. Joachim und des andere Corpus
Zachariam und auf beiden Seithen
dieser Altär zweÿ Biltnus von
5 Schuehe unten und oben von
vier Schuhe, ins Blatt diese Beÿdte H. aber, so neben
der Muetter Gottes Knyend seind
wegen Enge des Platz von 4 Schue
in der Hohe knyend in dem untern
Blat des H. Joannis Altar wirdt
dieses heiligen Postur von 5 Werckschuhe
sowol auch beide Heilige auf der beeden
Seiten von 5 Schuhe in der Höphe beidte
Altär aber auf der Seiten des Oberen
Corpores mit Laubwerkh ausgeziehret
so dann ha ter Meister an beede Altar
die Antependia Rammen zue machen
und mit Laubwerkh aus zu zieren ;
ferner auf jedem Altar vier Liecht:
stöck und auf jeden Altar ein Cruci:
fix zue machen und sollen jeder Altar
von Boden an in die Hohe von
8 bis 29 Schue hoch und auch jeder
12 Werkhschue breit sein. Dem H:
Joanni sin Schafflein beÿstellen, dem
H. Dominico ein Hund mit der Fackhel
im Mund, den beeden Englen
am Frawen Altar eine Crone über
die Mueter Gottes mit den Handen
haltend und an St. Johannes Altar
den selben Englen ein Wapen
St. Johannes hebend anzuefertigen
und sollen diese Altär a dato inner
halb zwei Jahr gefertiget und ge:
stelt sein und versprechen
die Herren Schultheuss und Rath ihme
Meister für diese seine Arbeit
1150 Livres Tourn. , als jetz einhundert
Livres und dan das übrige nach
und nach wie die Arbeit sich forde:
rets so dann diese Altar von Collmar
in ihrem Costen abzuehohlen und in
ihrem Costen mit etlichen Handlangeren
auch auf zu schlagen lassen
die Nahrung ertragen mag auch
das nöthige Eisen die Altar an zue
hefften herbeÿ zue schaffen ; diesen
Accord versprechen sie HH.
und Meister wahr und wahr…. cht und
vest zue halten alles getrewlich und
ohne Gefährde Ruffach
den 28. decembris 1719
Signatures : Antdon KETTERER, HUNOLT, CLOPP, STRENG, HENRICI SCHER… , SUMEREYSEN, VOGELGSANG, WEINGANDT, MULLER, SEITZ
Deux autels dans l’église paroissiale à placer contre les deux grandes colonnes à l’entrée du chœur.
Le premier autel doit représenter la Vierge Marie avec à ses côtés saint Dominique et sainte Catherine de Sienne. Le second doit représenter saint Jean-Baptiste.
Dans les deux panneaux supérieurs figureront des anges encadrés des deux côtés par les colonnettes torsadées doubles, conformément aux esquisses fournies…
(Les colonnettes torsadées sont une marque de fabrique de Ketterer.On les retrouve sur les autels latéraux de l’église paroissiale de Niederentzen, attribués à Ketterer).
autel A. KETTERER à l'église de Niederentzen, avec ses colonnettes torses (photo G.M.)
Sur la partie supérieure de l’autel du bas ( ?) de la Vierge Marie il y aura Joachin et Zacharie et sur les deux côtés de ces autels. Aux côtés de la Vierge Marie, il y aura deux statues d’une taille de 5 pieds en bas et de quatre pieds en haut…
Les parties supérieures des deux autels seront décorées de feuillages (Laubwerck). Le Maître devra réaliser les cadres de l’antépendium (le décor de la partie antérieure d’un autel, en métal précieux, pierre sculptée, bois peint, etc.) en feuillage.
Il devra fournir également pour chaque autel quatre candélabres et pour chacun d’eux un crucifix. Chaque autel devra mesurer du sol à son sommet de 8 à 29 pieds de hauteur et avoir une largeur de 12 pieds.
Saint Jean aura à ses côtés un agneau et saint Dominique un chien tenant dans sa gueule une torche allumée.
Les deux anges de l’autel de la Vierge tiendront dans leurs mains une couronne au-dessus de la tête de la mère de Dieu. A l’autel de saint Jean les anges, tiendront dans leurs mains un écu (ein Wappen ?) de saint Jean.
Ces autels devront être terminés et posés dans deux ans en partant de ce jour.
Le Schultheiss et Magistrat promet au maître pour ce travail 1150 livres tournois, payables ce jour 100 livres et le restant au fur et à mesure de l’avancement du travail. Ils s’engagent à prendre livraison à Colmar, d’en assurer le transport et la mise en place à leurs frais avec l’aide de quelques ouvriers. Ils fourniront également le fer nécessaire à l’ancrage des autels…
fait le 28 décembre 1719.
un autel attribué à Anton KETTERER à l'abbatiale d'Ebersmunster (photo G.M.)
une grille de chœur monumentale remplace le jubé disparu…
Anno 1724 den 10ten Martii ist durch hochwürdt: H:
Rector d’OLLIVIER [11] , H.Johann Paul GESCHICKHT Stattschaffner,
Johann Simon MÜLLER Kürchmeÿer als Deputierte
vom Rath, dem Meister Wilhelm KNÖRR, Burger und
Schlosser alhier verdingt wordten, das Eüssen Gadter
zue machen, welches den Chor von der Kürchen beschlüssig
soll machen, und soll soches Gadter lauth dem Abrÿss
verfertigen, die alten Thüren sollen im Standt bleiben, doch
solde auszuebessern und mit newen Schloss zueversehen
undt zue jedem Schloss vier Schlüssel zue machen.
Item oberhalb der Thüren, mit Grembs, Laubwerckh undt
Blumenwerckh, so breit das Chor ist, darnach oberhalb
dreÿ Bögen, worundter der midttlere von den andtern
soll erhöcht sein, solche dreÿ Bögen sollen aus undt in:
wendtig mit Laubwerckh undt Bluemenwerckh ausgeziehrt
sein . Von solcher Arbeit verspricht man ihme Meister
Schlosser, neben furnierung genuegsamen Eüssen
und Bleÿ, für den Macherlohn zue bezahlen 200 Thaler
odter 600 Pfundt Tourn. solche zue künftigen Martini zue
stellen.
Solcher Accord ist den 14ten Martii vor Rath eingelegt für gueth
angenommen undt prothocolliert wordten.
Den 25. und 26. October ist dises Gadter auffgeschlagen wordten
undt ist ohne die Thüren 22 Zendtner Eÿssen darzue ge:
braucht wordten.
le 10 mars 1724 a été confiée à Maître Wilhelm KNÖRR, bourgeois et serrurier de Rouffach par le recteur d’Ollivier, Jean-Paul Geschickht comptable de la ville et Jean Simon Müller marguillier, représentants du Magistrat la réalisation de la grille de fer qui ferme le chœur.
Et cette grille devra être réalisée conformément à l’esquisse fournie. Les anciennes portes devront rester en place, elle seront réparées et munies de serrures. Pour chaque serrure il sera fait 4 clés.
Au-dessus des portes il y aura des (alsacien grems = geräms) grilles (balustrades), décor de feuillages et de fleurs, dans toute la largeur du chœur. Il y aura trois arches dont celle du milieu sera plus haute, décorées à l’intérieur comme à l’extérieur de fleurs et de feuillages.
Pour ce travail on promet au maître serrurier, en plus de la fourniture du fer et du plomb 200 Thaler ou 600 livres tournois pour la main d’œuvre. L’ouvrage devra être terminé pour la Saint Martin….
Cette grille a été montée les 25 et 26 octobre et a nécessité, sans les portes, 22 zendtner (quintaux) de fer.
Travaux de dorure et de peinture.
le 2 novembre 1724, il a été confié à Johann Michel KÖPPELEN, bourgeois et peintre de Colmar la dorure et la mise en peinture de l’autel de la Sainte Croix.
1. Le corps du Christ sera peint couleur chair, le perizonum sera doré, tout comme les deux anges sur l’autel. Les deux anges qui portent la couronne seront peints couleur chair et leurs ailes seront recouverte d’or ou d’argent, et (le dessus de) la couronne dorée.
2. La grille du chœur sera peinte à l’intérieur comme à l’extérieur d’une peinture verte de bonne qualité, la décoration florale sera couverte d’or et d’argent, tout comme les bouquets de fleurs.
3. Tous les ornements de l’orgue, autour des tuyaux, autant au grand buffet qu’à celui du positif, seront dorés, les moulures (les socles ?) marbrées de bleu, les grilles peintes en vert et les quatre panneaux sous les grilles représentant les quatre évangélistes seront peints à la peinture à l’huile de qualité. Les panneaux intérieurs ( ?) représenteront des scènes de la Passion du Christ. Die rund Stablen ( ?) seront dorés, et le socle marbré de blanc et bleu !
Anno 1724, den 2ten november ist durch hochwürdth :H :
Rector d’OLLIVIER, wie auch H. STRENG Schultheiss, H.
Johan Paul GESCHICKHT Stattschaffner, Johann Simon MÜLLER
Kürchmeyer, als Deputierte vom Rath, H. Johann Michel
KÖPPELEN, Burger undt Mahler in COLLMAR verdingt
das Heilig Creütz Altar zue fassen undt zue mahlen, als
erstlich Christus Leibfarb, das Schamtuech [13] vergult wie
auch die zwen Engel auff dem Altar, die zweÿ Engel
so die Cron halten Leibfarb, sonsten die Fettig vergult und
versilbert, die Cron zue oberst vergult.
Zweidtens, das Gadter des Chors, aus undt inwendtig mit
guetter grüener Farb, das Bluemen Werckh alles vergult
undt versülbert wie auch die Blumenstöckh.
Drÿttens, alle Zieradten an der Orgell, neben den
Pfeiffen, so wohl an dem kleinen als grossen Werckh
soll wohl vergult werdten, die Gesimbser blaw marbiert,
die Gädter grüen gemohlt, die vier Blatt oder Velter
undten an den Gadtern sollen die vier Evangelisten mit
gueten Öhlfarben gemalt werdten, als auf der innen
Seithen, Figuren von dem Leÿdten Christi, die Rundt Stablen ver :
gult, der undter Boden weiss und blaw marbiert, von solcher
Arbeit aller haben die H. Deputierte ihme Mahler versprochen
200 Livres Tourn., sambt 6 Ohm. Wein, er soll auch solches
angenommen undt neben den Deputierten
underschrieben: Hans Michaël KÄPPELEN Mahler, d’OLLIVIER, Rector, GESCHICKHT Stadtschaffner, SCHERER, ETTSPIHLER, STRENG Schultheiss, MÜLLER Kürchmeÿer...
Anno 1725, den 12 Junii seindt Johann Michaël KÖPPELEN
Mahler in COLLMAR durch ihro hochwürth. H. Rector
d’OLLIVIER undt Johann Simon MÜLLER als Kürchmeyer die
beÿdte Altär der Muedter Godtes und S : Johanni verdingt
wordten zue fassen, alles Laubwerckh undt Zierathen zue
vergulten, der gantze Corpus wie auch die Bilter weiss
mit Bleÿweiss classiert, die Seüm der Kleÿdtung zweÿ
Zwerckhfinger breit zue vergulten, S : Dominicus undt Catharina
Senesisis mit schwartzen Mändtell, die Geheimnüssen
der Muedter Gottes Altar, mit gueten Öhlfarben zue:
mahlen, die Zierathen an den Antipentium [15] Ramen
zue vergulten. Undt versprechen sÿe H. Deputierte hier:
von zuebezahlen, nahmens der Pfarkürch 1000 Livres Tournois
die Bezahlung zue thuen, nach und nach, wie die Arbeit
würdt ververtiget werdten. Wie dan alles lauth Prothocol
vom obgemeltem Tag mit mehreren zueersehen ist.
Anno 1726, den 18 Febr. seindt gemeltem Mahler Michael
Kappelen durch H. Rector d’OLLIVIER, H. Paul GESCHICKHT
Stadtschaffner, Johann Simon MÜLLER Kürchmeyer und
H. Ursus SCHÄRER des Raths, alle als Deputierte verdingt
wordten, der gantze Corpus weiss mit Bleÿweiss classiert,
alles Laubwerckh, wie auch Bledtern und alle andtere aus:
gehawene Arbeit vergült, die Seümm der Kleidtung dreÿ
Zwerckhfinger breidt vergult, der Tabernackhel völlig
nach Proportion zue vergulten undt zue versilbern, undt ver:
sprechen sÿ im Namen der Pfarkürch darfür zue bezahlen
2000 livres Tourn : in 3 Termin, als auf Martini zuekünftig
800 Livres, auf Martini über ein Jahr 600 Livres und den Rest Martini über
zweÿ Jahr zuebezahlen, lauth Prothocol vom gemelten
En l’année 1725, le 12 juin, on a confié à Jean MICHEL KÖPPELEN les travaux de dorure et de mise en peinture des deux autels de la Vierge et de Saint Jean. Tout le décor de feuillages devra être doré et l’ensemble du Corpus tout comme les Bilder (les statues) devront être « classiert » au blanc de plomb (à la céruse), les ourlets des vêtements seront dorés sur une largeur de deux doigts. Saint Domique et sainte Catherine de Sienne auront de manteaux noirs. Die Geheimnüsse, les Mystères de l’autel de la Vierge seront peints avec de la peinture à l’huile de qualité, les décorations du cadre de l’antipedium seront dorés.
Il lui est promis la somme de 1000 livres tournois.
On a beaucoup de peine à imaginer un tel décor d’or, d’argent, de faux marbres, d’une exubérance si colorée et peut-être un peu tapageuse, dans notre église. Cette même église avait en plus conservé toutes ses peintures murales anciennes. L’orgue était encore dans cet état lorsque Jean André Silbermann l’a découvert en 1739, il en a trouvé les dorures en excellent état…
L’hystérie révolutionnaire à fait disparaître tout ce décor baroque dans un grand brasier allumé devant l’église, un jour de décembre 1793… l’orgue a survécu, l’organiste, un patriote sans doute, ayant eu l’heureuse idée de jouer la Marseillaise ! Quant aux grilles du chœur, nous ne savons rien du moment de leur disparition.
Gérard MICHEL mars 2018
[1] Anton KETTERER est l’auteur de 3 autels latéraux de Lautenbach ainsi que de la chaire de la même église. A Niederentzen se trouvent des œuvres de Ketterer : retable sculpté en 1725, statues. Il est également l’auteur du buffet et des sculptures de l’orgue Andréas SILBERMAN de Colmar (1732). Il a également œuvré à Ebersmunster où il est l’auteur de deux autels de la nef.
Né à Schönwald près de Tribert le 25 janvier 1692 et décédé à Colmar le 6 juin 1748. Vient en Alsace en 1716. D’un premier mariage il eut 5 filles qui eurent le peintre colmarien Jean Michel KAEPPELE comme parrain.
Il se marie une seconde fois, à Niederentzen ( !) le 10 septembre 1730.
Il réalisa ces deux autels latéraux pour l’église Notre Dame de Rouffach entre 1719 et 1721 : le bas relief de l’Assomption, provenant de ces derniers, fut vendu en 1881 et transféré à Schwendi dans le Würtemberg. (N.D.B.A.)
[2] Theobald FREY d’abord curé de Soultzmatt puis à Rouffach jusqu’à son décès en 1719
[3] Körlen et plus loin Köhrlein : faut-il lire Chorlein, kleines Chor ? De quoi s’agit-il alors ? une petite abside abritant un autel … ?
[4] die Schnecken : das Schneckengewinde des escaliers latéraux (les colimaçons)?
[5] der Fröner : wer Frondienst leistet. Frondienst : Dienstverpflichtung gegenüber der Herrschaft, unentgeltliche Diensleistung des Untertanen.
[6] Biedermann : vir bonus, honestus Ehrenmann, unbescholtener, zuverlässiger Mann (de bieder : rechtschaffen, ehrenwert)
[7] A.M.R. BB 90 du 28 décembre 1719
[8] Burger est raturé et remplacé par Einwohner : cette correction est-elle significative ?
[9] gewinden : torsadé. Les autels latéraux de l’église paroissiale de Niederentzen, attribués à Ketterer, présentent effectivement des colonnes torsadées
[10] A.M.R. AA 11 URBARIUM RUBIACENSIS CIVITATIS commencé le 28 août 1728
[11] « Franciscus David d’OLIVIER, 1720 Pfarrer in Rufach, scheint kränklicher Natur gewesen zu sein. Er liess den Dienst vielfach durch den Kaplan versehen, der deshalb in den Taufurkunden oft als Coadjutor unterzeichnet. Er starb am 18. Oktober 1737 erst 52 Jahre alt und wurde vor dem Chore neben Pf. ECKHART begraben. » Theobald WALTER Urkundenbuch der Pfarrei RUFACH 1900
[12] A.M.R. AA 11 URBARIUM RUBIACENSIS CIVITATIS commencé le 28 août 1728
[13] das Schamtuch : le perizonium, morceau d’étoffe servant à cacher la nudité du Christ sur la croix.
[14] A.M.R. AA 11 URBARIUM RUBIACENSIS CIVITATIS commencé le 28 août 1728
[15] das Antipedium : voile ou tapisserie pendu devant l’autel, soit de façon habituelle soit à l’occasion de fêtes.
tourelle nord du jubé de l'église Notre-Dame de Rouffach (photo G.M.)