" Sant Valentin bit got für uns zu Rufach" (vers 1480)
Au premier plan deux épileptiques, à l'arrière plan des membres de leur famille avec des offrandes. Au bas, les armes du prieur Johann Sansetti (1465-1506)
Dans sa Chronique (entre 1510 et 1530), Materne BERLER raconte comment fut fondé le prieuré saint Valentin de Rouffach et comment il devint rapidement un lieu de pèlerinage réputé pour la guérison de l'épilepsie. Materne Berler n'est pas historien, il rapporte ici un récit populaire, dont nous verrons dans un article ultérieur qu'il ne correspond qu'à une très lointaine réalité. Mais laissons nous charmer par une légende, bien fixée dans la tradition, maintes fois reprise par les folkloristes. Auguste Stoeber (1808 - 1884) poète et folkloriste alsacien, également théologien protestant, archéologue et historien, a donné de ce texte une version à laquelle nous renvoyons nos lecteurs dans Légendes d'Alsace, traduction de Paul Desfeuilles, édition scientifique Françoise Morvan, Rennes, éd. Ouest-France, 2010, 410 p.
Nous proposons à la suite du texte allemand de Berler une traduction, bien moins fleurie et poétique que celle que l'on trouvera dans l'ouvrage d'Auguste Stoeber...
Comment le chef de saint Valentin fut transféré de Rome à Rouffach par trois moines bénédictins
Wie das Houbt des heilgen Martyris Sancti Valenti ward brocht gon Ruffach von drien benedictiner Munch von Rom.
Zu den Zitten als man zalt von der Geburt Christi M und ein Jor [1] woren drig [2] andechtige und geistliche Munch Orden sancti Benedicti in dem Closter Casia gelegen in Franckrich, ein mil von eim Stettlin Castra Theodori,[3] an dem Wasser genant Marna, welche Munch ub sundrem Andacht mitt Verwilgung ihres Abbts zugen gon Rom zu erlangen Gnad und Ablabs [4], unnd visitiren die heilgen Stett. Also sy inkerten by Abbte des Closters der heilgen Frowen Braxedis [5], in welchem Closter litt der Liep Sancti Valentini und ein Zittlang genugsam zu Rom gewesen worent, und wider heim keren woltent, begerten sy und botten mitt grosser Begirt den Abbt deb Closters Braxedis umb das Haubt Sancti Valentini, welches innen geben ward und mit grosser Andacht hinweg getragen.
Also nun disse Munch heim kerten, begab [6] es sich das sy uff ein Nacht koment fur [7] die Statt Ruffach, welcher Stattporten beschlosssen wordent, unnd als sy frembde Gest worent [8], dorfftent sy nit ankloffen, sunder sy gingen uff den Buhel [9] oder Berck des Schloss Yssenburg gelegen an der Statt, und als sy von grosser Müde entschliffendt und Morgens hinweg woltent, umb gottlicher Ordnung unnd Willen des heilgen Sancti Valentini mochtend sy das Heiltum [10] nitt hinweg bringen, wie wol sye solichs offt understunden, unnd wen sy es etwen fer hinweg brochten, so kam es wider uff den vorgenanten Buhel. Zu letst gingen sy in die Statt und sagtent solichs Miracle den Bürgeren, unnd ward ein solches zu louffen |11] der Menschen und forab [12] derer die mitt dem hinfallenden Sichtag [13] beladen waren, welche von irer Krankheitt lidig [14] wurden, das fil Guttes dar kam. Also ward von den Inwonner der Statt ein Capell gebuwen mitt Verwilgung ires Herren und Bischoff von Strassburg uff den vorgenanten Buhel unnd gewihett in der Ere des heilgen Martyrer Sancti Valentini und Marie der Mutter Gottes, welch Statt Ruffach geben ward von dem Kunig Dagoberto sancto Arbogasto, und ist ein Eigenthum.
- mille et une année: 1001
- drei: trois
- Chateau-Thierry
- pour demander grâces et indulgences
- la basilique saint Praxède à Rome
- il se trouva que
- für die Statt = vor der Statt
- ils étaient des visiteurs, des hôtes étrangers
- la colline
- das Heiltum: la relique
- Zulauffen: une telle affluence
- et surtout ceux
- ceux qui étaient atteints de la maladie qui fait choir, l'épilepsie
- ils furent libérés de leur maladie, guéris
Comment le chef du saint Martyr saint Valentin a été rapporté de Rome à Rouffach par trois moines.
Au temps où l’on comptait mil et une année depuis la naissance du Christ, vivaient trois moines très pieux et très religieux de l’ordre de saint Benoit dans le couvent de CASIA (Chézy), à une lieue d’une petite ville nommée Castra Theodori, (Château-Thierry) au bord d’un fleuve nommé la Marne. Ces moines, qui avaient obtenu de leur abbé l’autorisation de se rendre à Rome pour y recueillir grâces et indulgences, visitaient la ville sainte. Ils s’arrêtèrent dans le couvent de la sainte femme Praxède dans lequel reposait la dépouille de saint Valentin. Après être restés un long moment à Rome, ils souhaitèrent rentrer chez eux. Ils demandèrent alors à l’abbé du couvent sainte Praxède d’emporter avec eux le chef de saint Valentin. L’abbé accéda à leur prière et ils emportèrent pieusement la sainte relique.
Alors qu’ils se trouvaient sur la route du retour, les moines arrivèrent à la tombée de la nuit devant les portes closes de la ville de Rouffach. Comme ils étaient des étrangers, ils ne purent pas entrer dans la ville et ils gravirent la colline sur laquelle se trouvait le château d’Isenbourg, non loin de la ville. Recrus de fatigue, ils s’endormirent. Le matin à leur réveil, lorsqu’ils voulurent reprendre leur route, ils ne purent déplacer la précieuse relique malgré de nombreuses tentatives. Et même lorsqu’ils parvenaient à la déplacer, elle retournait là d’où elle venait, sur la colline. C’était là un signe de la volonté de Dieu ! Ils finirent par redescendre vers la ville et racontèrent ce miracle aux bourgeois de la cité. Les gens accoururent en grand nombre, particulièrement ceux qui étaient atteints du haut mal, le mal sacré, celui qui fait choir, l’épilepsie. Et beaucoup furent guéris de leur terrible maladie. Avec l’accord de l’évêque de Strasbourg, les habitants de Rouffach érigèrent une chapelle sur la colline, en l’honneur du saint martyr Valentin et de Marie mère de Dieu. La ville de Rouffach avait été donnée par le roi Dagobert à saint Arbogast et est depuis une terre des évêques de Strasbourg.
Gérard Michel