Famille réduite à la mendicité Grav. Joost Cornelisz Droochsloot vers 1600 / 1650
Les archives municipales de Rouffach conservent un échange de courriers, entre la Ville de Rouffach, l’évêque de Strasbourg, seigneur de l’Obermundat et plusieurs autres instances au sujet d’une pénurie de céréales, et de l’importante hausse des prix du blé, seigle, orge et avoine... Sont également touchées, dans une moindre mesure, d’autres denrées comme le sel, le beurre et le suif, Anken und Unschlitt.
Ces produits de première nécessité sont devenus rares et leur prix les rend inaccessibles. La famine menace et le peuple gronde.
Le quartaut de blé est à huit livres stebler, le seigle dépasse 7 livres, l’orge est à 6 et l’avoine à plus de trois livres, des sommes jamais atteintes jusqu’alors.
Dans un premier temps, les autorités locales, le grand bailli de l’Obermundat, Hans Christoff von Rambstein , Schultheiss et Conseil de Rouffach se sont enquis, de porte à porte des maisons et des cours, des réserves disponibles chez les bourgeois et les gefreiten, privilégiés de la cité.
Cela sans grand succès : on pouvait se douter que ceux qui détenaient des réserves n’allaient pas en faire état ! Il ne se trouverait à Rouffach, selon les résultats de la visite d’inspection, pas plus de 300 quartauts disponibles, y compris les réserves des greniers de l’ordre teutonique et celles de la Cour du grand-chapitre !
A bout de ressources, le Magistrat demande l’autorisation à son Seigneur, de faire appel à une aide extérieure, et c’est ce qu’elle fera auprès de divers destinataires de ses courriers, dont le lecteur trouvera le détail après la première lettre de la Ville à l’évêque de Strasbourg.
Au bas de la première lettre, figure un Post Scriptum de Hans Christoff von Rambstein, grand bailli, qui glisse insidieusement à son évêque que dans la Ville voisine de Soultz, qui se heurterait aux mêmes soucis, le peuple se serait pris aux réserves de céréales en fracturant les Kornkästen et en pillant le grain.
En agitant ainsi le spectre d’une flambée d’émeutes populaires, le bailli joue un argument qui devrait peser dans les décisions de l’évêque : en politique, il est des vagues qu’il est sage de prévenir pour les éviter… quoi qu’il en coûte !
La réponse de Saverne à ce courrier du 26 avril sera expédiée le 2 mars. L’évêque y rappelle qu’il n’était responsable ni de la hausse des prix des céréales ni de leur pénurie, mais qu’il s’agissait des effets d’une punition envoyée par Dieu tout puissant :
„ … wiewoll wir nun solche theürung nit verusacht, sonnder durch zuschickung unnd straff Gottes dem Almechtigen seÿ…“
Mais, dans sa grande générosité toute paternelle, il allait donner des ordres … aus gnediger und vatterlicher meinung alsbaldt bevelch geben… pour que soient livrés à la ville de Rouffach 100 quartauts de blé et cent autres de seigle prélevés dans ses réserves de Oberehenheim, Obernai. Et comme il pense que cette livraison serait sans doute insuffisante pour satisfaire les besoins de Rouffach, il a pris contact avec Wilhelm Münch von Wilsperg qui disposerait de réserves et serait prêt à livrer 200 quartauts de seigle, au cours actuel et à payer en argent comptant.
Un autre courrier appelle à la générosité du grand chapitre et de son économe, Hans Diebolt Bittlinger, au nom de E.F.G. , umb einen pilligen Werth, nach kauff und Lauff pour livrer des grains des réserves de Sélestat ou de Châtenois et la promesse de prières pour que Dieu tout-puissant leur conserve la prospérité et bonne santé … in glücklichem, friedsamen wolstandt und aller gesundheit lang gefriste…
Le courrier suivant, émanant du bailli et Magistrat de Rouffach est adressé à Jacob Pfaffenlapp von Still, Juncker … fürstlichen strasburgischen Rath…und lieben Schwager… réaffirme que le mal qui afflige Rouffach est une punition divine … aus verhencknüss und straff des Almechtigen…
La lettre à la commanderie de l’ordre teutonique de Fribourg évoque elle aussi la juste colère divine …aus ungezweivelten Gottes gerechten Zorn… La Ville de Rouffach demande que les autorités fribourgeoises donnent à la Commanderie de Rouffach et à son économe, Jacob Anshelm, qui disposerait de réserves, les instructions nécessaires pour que lui soient livrés … umb den pilligen Werth… cent quartauts de grain, à un prix juste (bilich = rechtmäßig, gerechtfertigt, recht).
A la suite de l’intervention de la commanderie de Fribourg, celle de Rouffach, par courrier du 29 avril 86, assure de la disponibilité d’une quantité de grain non précisée dans les réserves de la maison de l’ordre à Rouffach … des Ordenshaus Kasten… La livraison se fera …umb getreuliche Bezahlung… contre paiement loyal, fidèle à l’engagement !
L’ordre teutonique de Rouffach veut bien obéir à ses supérieurs et être charitable, mais point trop n’en faut, charité bien ordonnée commence par soi-même !
La Ville de Rouffach s’inquiète évidemment du prix excessif qu’il faudra payer pour ces céréales, un prix auquel il faudra ajouter les frais d’acheminement et les frais de douane, … den schweren Zoll…, en particulier ceux qui leur seront imposés à leur passage à Illhaeusern, où seront arrêtés et taxés les bateaux navigant sur l’Ill avec leur précieux chargement… da man als dan Ilheüsern den streitigen Zoll antreffen muss… Et le Magistrat de Rouffach demande à son Seigneur d’intervenir pour qu’ils libérés de ces frais supplémentaires…
Ce qui fut fait le 12 mai 86, par un laissez-passer de l’évêque qui autorise le passage de deux cents quartauts de seigle venus d’Obernai par voie d’eau, exempt de droits de douane : … so langt an alle und jede, was standts oder würden dieselbige sein, hiemeit unser freundtlich und genedig gesinnen, obgedacht anzahl früchten ann Iren Zollstetten ungehindert und zollfreÿ fürfahren und passieren zu lassen… quels que soient le rang et les titres de ceux qui voudraient s’opposer au passage de ces marchandises et imposer un droit de douane !
Cette lettre, comme les autres, rappelle la souffrance et les angoisses du petit peuple de la Ville et en appelle avec insistance à la générosité de leur prince et Seigneur.
Quel résultat auront ces démarches ? Pour l’instant les documents consultés ne donnent pas encore de réponse, mais il est vraisemblable qu’elles aient abouti à la livraison des marchandises promises, au prix fort, sans doute.
En période de crise, la spéculation bat son plein et profite toujours à ceux dont les greniers débordent…
Affaire à suivre…
A.M.R. AA5 f. 168 v. et suivants
Avertissement:
Les abréviations E.F.G. et I.F.G. recouvrent respectivement : eure fürstliche Gnaden et Ihre fürstliche Gnaden
Theurung der frucht in Anno 1586
Und zu wissen, demnach das Jahr 1586 in obern
Elsass umb und umb, auch in der Statt, an aller
Leibs Nahrung, sonderlich und anfangs an Ancken, Unschlitt,
Salz, und Früchten eine besondere Steigerung und Theure
gewesen, dass aber in sonderheit nach Ostern die liebe
Frucht, Weisen, Korn, Gerst und Habern hefftig ufge-
schlagen und vertheürett worden, als dass deswegen
grosser Mangell und Hungers Noth, auch Clag und Beschwerden
des gemeinen armen Mans mit besagter uftheuer
gewesen, dan ein Viertell Weißen über acht Pfund Stebler,
Rogken über 7 Pfundt, Gerst 6, Habern das Viertell über
3 Pfundt, nie erhörter Massen gegultten. Darumb Vogtt,
Schultheiss und Rhatt alhie, an St. Marx Tag, von einem Hoff
und Hauss zum andern, so woll der Freien als Burgern,
umbgehen, und allen Vorrhatt an Früchten überschlagen,
und erkundigen lassen, wie sich auch, laut der Ver-
zeichnüssen schmalen Vorrhat befunden, hernach alspald (?)
gemeinen Wesen und Burgerschafft zu gutem sich umb
Früchten beworben, und nachfolgende Schreiben
ausgehen lassen, dan neben dem die Frucht, ob speci-
ficierter Massen so hoch, theur und lieb gewesen,
hat man sie auch kummerlich umbs bargelt über-
kommen mögen
Schreiben an unser gnediger Fürsten und Hern von Strassburg
Hochwürdiger Fürst, gnediger Herr….
…. könden wir aus Notturfft und bewegten Ursachen
Underthenig nit pergen, demnach es dies, von der
Erndt her, verschienen Jahr mit aller Leibs-
narung und sonderlich dem lieben Korn, hieher-
umb beÿ dem gemeinen Man schmall und
kummerlich genug gestanden, dass aber in-
sonderheit […] ein Zeit her unnd etliche Wochen
(ungezweivelt aus Straff und Schickung des
Almechtigen) dieser gemeiner Landtsortt
an Früchten ein besonder hoher Ufschlag unnd
Theurung einfallet, also das auch nit allein
ein vierthell Korn oder Weißen uf fünf oder
sechss gülden, die Gerst uf vier, der Haber
uf zwen Gülden und mehr gerhatet, und ver-
theüret, sonder wer auch von gemeinem Volk
zu alsoviel weniger oder mehr Geltz kommen
mag, die Früchten darumb schwerlich feil haben
und überkommen kann, daher ein hohes Clagen,
und Mangell beÿ dieser E.F.G. armen
Burgerschafft und allethalben einfallet, und
wir von Ampts wegen nit underlassen könden,
in alhiesiger E.F.G. Statt ein gemeine Erkun-
digung, Besichtigung und Uberschlag, was doch
von Früchten in alles noch vorhanden sein
möchte, fürnehmen zulassen, da wir über
alle Zuversicht und Hoffnung befinden, dass ein
…/…
gar gerings, unnd nit über 300 Viertheill in alles,
sowohl im Teutschenhaus, hoher Thumbstifft oder
andern freien Höffen und Burgerheüser in Ver-
rath ist, welches gegen solcher commun, frembden
und teglicher Abzug wenig erschießen mag, dor-
umb wir mit Fleiss den Sachen nachgedacht und
keinen nähern Weg gewist, dan E.F.G. als
unser hohen Oberkeit solchen schweren Mangell
und Clag, underthenig zuerkennen zugeben folio 170
als mit dero gnedigem Vorwissen wir ohne das
handlen sollen, und derowegen gegenwerttige
unsere Amptsangehorige Burgermeister unnd
liebe Mitrathsfreündt E.F.G. oder dero lobliche
Räth dessen alles underthenig weitleüffiger
Zu berichten, und umb mügliche zuwegpringung
Eine Anzahl Früchten auszusenden, belangt
dem allem nach an E.F.G. unser underthenig
gantz hochfleissig Ansuchen unnd Bitt, die ge-
ruehen zu erhaltung gemeiner E.F.G.
Underthanen unnd getreuwen armen Burger-
schafft, unns hierinnen die Handy gnedig
zubieten, und wo E.F. G. in dero benach-
partten Emptern, Schaffneien und Gepiet
einiche Früchten in Vorrhat haben, uns und
gemeiner Statt und Herschafft dieselbe
um den gepürenden pilligen jetzo hohen
Werth, dessen E.F.G. wie underthenige
…/…
friedigung zuthuen willich, gnediglich fürstrecken
zulassen oder uns sonst beÿ einem erw. Thumb
Capitull oder sonst beÿ andern Ort und Enden darumb
gnedig verholffen und befürderlich zu sein,
wie wir nit zweiveln E.F.G. daselbst oder auch
beÿ unserm gnedigen Herrn von Bolweyler Landt
Vogten Görgen von Landtsperg zu Zabern als
weilandt des von Hoeggitz Dochterman unnd
mit Erben so zu Ensisheim nach ein stattlichen
Vorrath haben sollen, oder andern Ortten thuen
könden, da es aber auch beÿ denen Fehll
sein soltte, wie wir nit wissen, ob und was
der Enden zubekommen, so bitten wir doch
umb genedigen Rath unnd Bescheidt, wie der
Sachen unnd dem bedürftigen armen Mann
E.F.G. Underthanen alhie zu helfen unnd
obs E.F.G. nit zuwider, dass wir beÿ anderen
Benachpartten, wie und wo wir fieglichst könten
Oder möchten ansuchten, dan gendiger Fürst
unnd Herr soltte in diesem dem gemeinen
Mann nit geholffen, noch fürgesetzt werden,
were zubesorgen dass aus Hungersnott
unnd Ungedult, eine grossere Gefahr dafür
Gott sein wolle, wie theils vermerckt württ
erfolgen möchte, welches E.F.G. wir von
wegen obangezogener gemeiner Notturfftigkeit
unnd Clagens [..] gehorsamb nit verschweigen könden
E.F.G. Gott dem Allmechtigen zu beharlicher
guter Gesundtheit und freundtlicher fürstlicher
Regierung auch uns deroselben zu gnaden
underthenig befelhendt, und umb gnedige tröst-
liche Erclerung pittendt
… datum den 26. Aprilis A° 86
E.F.G.
Underthenig gehorsamb und dienstwillige:
Hans Christoff von Rambstein, Oberamptman
Schultheiß und Rath zu Ruffach
Post Scripta
Gnediger Fürst und Herre, nach Verrichtung der
Sachen und gefertigem diesem underthenigen Schreiben,
ist E.F.G. Vogt von Sultz zu mir dem
Oberampttman kommen, und mir gleichmeßige hohe
Beschwerden, Clag und Begern von wegen E.F.G.
Underthanen und Burgerschafft zu Sultz auch für
pracht, mit soviel fernerm Bericht, dass sich
albereit etliche beÿ Inen angeregter gefehrlichen
Einreißung und Öffnung der Kornkästen, wo kein
Hilf erscheinen wolle, vernhommen lassen und hoch-
lich zu befähren seie
Dans la même liasse, figurent les documents suivants :
Il s’agit de courriers envoyés par la Ville de Rouffach aux différents destinataires susceptibles de lui porter secours en lui livrant des céréales ou en appuyant ses demandes : le grand chapitre de Strasbourg, l’ordre teutonique à Fribourg en Brisgau, l’officialité de Spire, etc.
(les pièces 14, 15, 18 et 19 (en italique) figurent dans la liasse mais n’ont pas de rapport avec le sujet)
- 2 mars 86: Volgt Ir F.G. Erclerung daruff an die Statt
de Johann Bischoff zu Straßburg und Landtgrave zu Elsaß
den ersamen, unsern lieben getreuwen Schultheiß, Burgermeister und Rath der Statt Rufach
- 26 avril 86
Oberamptman Rambstein, Schultheiß und Rath zu Rufach
den hoch und ehrwürdigen, durchleichtig, hoch und wolgebornen Fürsten Herren Thumbdechant unnd Capitul hoher Stifft Strassburg
- 26 avril 86
Vogt, Schultheiß und Rath der Statt Ruffach
dem edlen, vesten Jacoben Pfaffenlapp von Stil, fürstlichen straßburgischen Rath, unserem freündlichen lieben Schwager und günstigen Junckern
- 26 avril 86
Vogt, Schultheiß und Rath der Statt Ruffach
dem Ehrwürdig, gestreng und edlen Herrn, Christoph, Thumb von Newburg, Theutsch Ordens Commenthur zu Freyburg, unserm besondern günstigen lieben Herrn
- 29 avril 86
réponse du même
dem edlen, festen auch fürsichtigen und weisen Herrn Vogt, Schultheiß und Rathe der Statt Ruffach, meinen besonders lieben Herrn und Freunden.
- 6 mai 86: Schreiben an unsern gnedigen Fürsten unnd Herren vonn Strasburg
- 6 mai 86: Schreiben an dem edlen, vesten, Wilhelm Münch vonn Wilsperg, unserm besondern günstiger lieben Junckern
- 9 mai 86: Schreiben an Doctor Beat Moÿsen, fürstlichen bischoflichen speirischen Officialen
- 8 mai 86: Ein offen Patent Schreiben, geben und beschehen zu Ruffach
- 9 mai 86: Schreiben an die Statt Breÿsach
- Den ersamen weÿsen unsern lieben getreüwen Burgermeister und Rath der Statt Ruffach
de Johann évêque de Strasbourg
- Dazu I.F.G. ein Zoll Freyung für die Statt geben
- Urkundt in Nammen der Statt, was aufs wollfheilst die Früchten gegolten, établi par le Kirchenmeÿer et le Gewerffer
- Unverzogen Recht an Gericht zu Bültzheim
- An die Statt Freiburg Peter Sigelin belangt (lépreux et léproserie)
- 24 mai 86: Des Junckhern vonn Wilspergh Schreiben an die Statt alhie
- 31 mai 86: Doctor Beat Moÿses (Speÿer) Schreiben an die Statt
- 23 mai 86: Der Statt Ensisheim Schreiben an Schultheiss und Rath Ruffach, au sujet de l’épouse d’Augustin Ellerbach brûlée pour sorcellerie et d’effets personnels que la Ville de Rouffach aurait conservés !
- 3 juin 86 : Folgt die Antwurdt daruff (réponse de Rouffach à Ensisheim
Gérard MICHEL
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