Dans l’article intitulé Soirées chaudes à Rouffach, publié le 23 juin 2021, je m’interrogeais sur ce que pouvait bien être la tradition de l’abent tannz, littéralement danse du soir, qu’une décision du conseil de novembre 1549, le mardi qui précède la fête de Saint Othmar, interdisait sous peine d’une punition exemplaire. J’ai retrouvé dans le même registre, quelques pages plus loin, une autre occurrence de cette expression.
Cette fois-ci encore, il s’agit de désordre nocturne, entre 20 et 21 heures, un dimanche, après que cette danse se fut terminée, plus exactement d’une rixe sanglante entre des individus qui justement, y avaient participé. Le greffier du conseil retranscrit ici la déposition de Hanns Weckerlin de Bebenhausen, le valet du tisserand, témoin de l’altercation. Celui-ci dit avoir vu les deux protagonistes, Jacob Rich et Conrad, se battre, sans qu’il puisse dire lequel des deux avait commencé. La scène s’était déroulée devant l’auberge Au Coq, la maison du gourmet-juré welche. Un moment, ils semblaient s’être réconciliés mais arrivés devant la maison de l’ancien ou du vieux barbier, (des alten Scherrers) Rÿch s’en est pris à Conrat et l’a frappé. Ce qu’ils se sont dit à ce moment-là, le témoin ne le sait pas. C’est alors qu’est intervenu Philip, le fils de la Thenglerrin [1] qui a frappé Conrat de deux coups. Arrive un certain Achtjahr, armé d’un couteau de tonnelier, qui demande : pourquoi as-tu arraché l’oreille à mon beau-frère ?
Le témoin n’en dira pas plus, et nous n’en saurons pas plus.
Finalement ce qui m’importe dans cette histoire c’est la référence à l’abent tannz, cette tradition sur laquelle je n’ai trouvé aucune mention et donc aucune explication dans les documents consultés. Peut-être un lecteur en saura-t-il plus ? S’agit-il, comme ici, d’un divertissement réservé aux dimanches ou soirs de fêtes, fête patronale par exemple, ou au soir de grandes manifestations, comme un concours de tir, où est laissé libre cours à la liesse populaire ?
Toujours est-il que ces bagarres, avant le couvre-feu, semblent être des scènes courantes de la vie nocturne quotidienne, au sortir des tavernes ou de réjouissances comme l’abent tannz.
La danse occupe de tous temps une place importante parmi les distractions offertes à la population : elle constitue un exutoire nécessaire après une journée de labeur, une thérapie de l’âme pour faire face à un quotidien difficile. Tanzen und springen, danser et gambader, dans le Tanzhaus de la place, sur les prairies de la Niedermatt ou sur une placette de la ville, pour se di-vertir ou se dis-traire, au sens littéral se détourner ou se tirer un moment hors de ses angoisses, de la peur de la nuit qui tombe et des inquiétudes pour le lendemain… Ajoutons à cela le vin qui devait couler à flots, - le vin serait un excellent antidépresseur -, il n’y a rien d’étonnant à ce que des bagarres, parfois sanglantes, éclatent…
La multiplication des règlements de police, les arrestations, les condamnations au pain sec et à l’eau dans les geôles de la tour Ste Catherine, rien n’y fera : les registres des protocoles des Conseils débordent de plaintes, et de décisions de justice, et les bourgeois qui siègent au Magistrat, les conseillers municipaux de l’époque, ont fort à faire pour régler des quantités d’affaires semblables…
Gérard Michel
Der schlosserin sun kundschafft, entgegen Jacob Richen dem Jungen
Hanns Weckerlin von Bebenhusen [2], der Weber
knecht, sagt das uff Sonntag zunachst vergang(nen) [Ulrici]
zwüschen acht und neun uren abents, sigen sie vor dem
Hanen oder welschen winstichers hus, bym abent tannz
gewesen und da der tanntz ein ennd gehept, hab er
gesehen das Jacob Rÿch unnd Lenntz Schlosser uber ein-
annder zuckt [3] / welcher aber zum erst zuckt, wisse
er nit / ob Er, der Rÿch, domals wund worden, wisse
auch nit, / aber gleich daruff sie friden gepotten worden
das der fridt gemacht haben sie ingesteckt unnd
furgangen do sie zu dessen alten scherrers hus kommen,
do hab Rÿch wider zu Ime Cunraten geschlagen / wie
sie aber miteinander geredt oder geworttet, wisse
er nit / do sig Philips der thennglerin sun zuge[…]
unnd zwen streich uff Connrathen geschlagen / daruff
Connrat gesagt ich bit (but) uch Recht ob kein Recht hie
sie / sagt er zum anndermal so will ich thun was
darzu gehört / do lieff [.] Acht Jar daher mit eim
Küeffer messer unnd sagt: warumb hast mÿm schweger
das or abgeschlagen / antwurt Cuntz ich hab uch
allen Recht botten / lassent mich daby blyben /
do hab Hanns Schrÿnner abermals fridd genomen/
wÿtter wiss er nit zusagen …
- [1] thenglerinn : denglerin de dengeln, battre les faux ou les serpes sur une enclumette de faucheur avec un marteau pour affiner la lame avant de l’affûter… Pour Denglerin Grimm donne également : femina squalida et sordida ?
- [2] Bebenhausen : Bebenhausen est un village de l'arrondissement de Tübingen dans la région du Bade-Wurtemberg.
- [3] zucken : jemand gewaltsam und schmerzhaft anpacken / häufig von Dingen, die zum Wurf, Stosz oder Hieb geschwungen werden, bes. von Waffen
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