Et si on regardait un peu en l'air ?
Il n'aura échappé à personne que l’église paroissiale Notre-Dame de Rouffach faisait l’objet d’importants travaux depuis le début de l'année 2022...
La première tranche de travaux est terminée et c’est désormais le chevet de l’église qui fait l’objet d’une restauration extérieure et intérieure. Les verrières du chœur sont progressivement remises en place après nettoyage et restauration et les nombreuses sculptures, également nettoyées et restaurées, ont retrouvé leur place d’origine. D’autres, trop abimées, ont été remplacées et seront patinées par les restauratrices pour les harmoniser avec la patine naturelle des anciennes.
Pour l’instant ces sculptures sont cachées en partie par les échafaudages et les filets de protection qui ont néanmoins permis de suivre le travail des tailleurs de pierre, sculpteurs-imagiers, restauratrices et verriers d’art...,
Côté Place du Marché aux Oignons: non, l'image n'est pas à l'envers!
photo g.m.
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Place du Marché aux Oignons: il n'est pas à l'envers, lui non plus! Est-ce le spectacle de la vie qui se déroule en contrebas qui horrifie ces deux personnages, au point qu'ils se masquent la vue et se protègent les oreilles? On notera que le passant ne verra jamais, depuis le niveau du sol, l'expression du premier personnage dont le visage est tourné vers le chevet... Que signifie ce cri sortant d'une bouche grande ouverte et ce visage déformé par la peur ou le désespoir?
Y a-t-il un message, quel pourrait-il être et à qui s'adresse-t-il?
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Des figures neuves et d'autres restaurées attendent de reprendre leur place au sommet d'un pinacle après avoir été patinées.
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Le musicien a repris sa place, côté Marché aux Oignons. La console au sommet du pinacle, nettoyée, a retrouvé la blondeur de la pierre des carrières du Strangenberg.
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Le décor sculpté de l'église Notre-Dame est particulièrement riche en figures fantastiques, comme cet animal, mi-chien, mi-griffon, qui semble à l'affut.. Il avait perdu la tête , le sculpteur lui en a sculpté une autre, chevillée et collée: on distingue encore la "greffe" à l'encolure ...
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Un autre avec des pattes griffues et des oreilles de cochon ! Que surveille-t-il ? Il semble prêt à s'élancer...
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Certaines parties de pièces, trop abîmées par les années et les intempéries, ne peuvent pas toujours être récupérées et seront refaites à l'identique. La "greffe" sera taillée pour s'adapter à la partie valide, puis chevillée et collée. Une concession à la modernité cependant: les chevilles ne sont plus en fer qui a tendance à rouiller et à faire éclater la pierre, mais en carbone! La règle d'or des restaurateurs n'est pas de refaire du neuf, mais de conserver au maximum l'ancien, ne fut-ce parfois qu'une petite partie.
Toutes les sculptures sont réalisées sur place. Si la pièce est très abîmée, elle est entièrement descellée et un bloc de pierre, soigneusement taillé par le tailleur de pierre est scellé, ici dans un pilastre qui coiffe un contrefort. C'est dans ce bloc de pierre, que le sculpteur dégrossira la forme, au burin pneumatique, avant de lui donner sa figure définitive. Puis c'est au tour des restauratrices d'intervenir, pour harmoniser la figure nouvelle avec l'ensemble.
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Et voilà ce qui est sorti du bloc de pierre:
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... un animal fabuleux s'attaquant à un homme...
Une multitude de créatures, fantastiques, diaboliques ou grotesques s'agrippe ainsi aux pierres de l'église, à une hauteur qui n'en permet pas toujours une lecture très nette. Certaines en parfait état, d'autres abîmées par les intempéries, victimes de l'usure du temps, d'autres vandalisées, victimes elles du fanatisme révolutionnaire... D'autres enfin, dans des endroits inaccessibles, hors de portée de vue...
On a souvent dit que nos cathédrales, avec les tympans des portails et les innombrables sculptures qui les animent, étaient un livre d'images destiné à instruire le peuple, dans la crainte de Dieu et le respect de ses commandements.
Mais les images du chevet évoquées plus haut, et celle du gable de la face Ouest sont-elles toutes supposées transmettre un tel enseignement? On a beaucoup glosé sur cette question et avancé souvent des interprétations plus ou moins fantaisistes. Il faut savoir accepter que nous ne pouvons plus tout comprendre de la symbolique médiévale, romane ou gothique, parce que nous en avons perdu une partie des. codes. Et puis, ne peut-on pas imaginer que certaines de ces images sont l'œuvre d'un artiste qui se libère des contraintes imposées par ses commanditaires et laisse libre cours à sa fantaisie? Faut-il nécessairement y trouver un sens ?
Ces artisans étaient des artistes accomplis, ciselant dans la pierre d'infimes détails dont ils ne pouvaient ignorer que personne ne les verrait sans doute jamais plus... Je suis toujours surpris par la multitude de détails minutieux taillés dans des figures culminant à 25 mètres du sol, qu'il est impossible de voir sans une paire de jumelles ou un téléobjectif puissant: le détail d'une boucle de ceinture, une bourse, la délicatesse d'une chevelure ou du drapé d'un vêtement ...
Alors, amis lecteurs, à vos jumelles et vos téléobjectifs, à la découverte de ce monde fabuleux qui peuple notre église ...
Pour terminer, une photo prise sur la tour sud, côté ancien cimetière:
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... le jeune homme et la Mort. Une figure rare qui représente un transi, une figure rare dans l'imagerie médiévale. Contrairement au gisant, qui représente un mort en position couchée et endormi, le transi le représente de façon très réaliste, en semi-putréfaction: dans celui de Rouffach on distingue parfaitement le squelette, les viscères et même les tendons des muscles. Une représentation qui oppose la jeunesse, la vie, à la mort et qui n'est pas sans rappeler les inscriptions figurant souvent sur les ossuaires: Ce que vous êtes nous l'avons été, ce que nous sommes, vous le serez.
Gérard Michel
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