Obermundat logo

Menu
  • Institutions
  • Justice
  • Médecine
  • Métiers
  • Paysannerie
  • Personnages
  • Quotidien
  • Religion
  • Topographie

Obermundat logo

Connexion
Connexion
  • Institutions
  • Justice
  • Médecine
  • Métiers
  • Paysannerie
  • Personnages
  • Quotidien
  • Religion
  • Topographie

Le destin d'une femme infidèle en 1558: l'"Urphede" d'Agnès, condamnée au bannissement

1558
Archives municipales de Rouffach A.M.R. FF 12/4
0
Détails
Catégorie: Justice
  • Urphed
  • Caution juratoire
  • Urphede
  • Bannissement
  • Exil
  • Magistrat
  • Bailli
  • adutère

Nous sommes en 1558... Agnès est l’épouse légitime de Hans WUEST. Ils sont unis par les liens sacrés du mariage et le couple a eu trois enfants dont il ne reste en vie que deux filles. Il y a un an et demi, l’époux quitte le domicile conjugal et disparaît sans laisser de traces. L’épouse, peu de temps après, se fiance et s'installe en couple avec Heinrich Clein, de Florimont. Il y a une quinzaine de jours, l’époux légitime est retrouvé, vivant dans un village proche. Mais ce qui aurait pu devenir le sujet d’une pièce de boulevard, tourne au drame:  la justice s’en mêle, prend évidemment le parti du mari trompé, Agnès est condamnée non seulement à la honte et à  la réprobation publique mais également à une peine de prison et au bannissement, assortis d'une Urphede.

Dans des articles précédents nous avons utilisé à plusieurs reprises le mot Urphede. De quoi s’agit-il ?

On traduit souvent Urfehde par « caution juratoire », un terme qui ne me satisfait pas et prête à confusion avec son sens actuel:

  • l'Urphede est d’abord le serment solennel qu’un condamné fait de ne pas se retourner contre les juges qui l’ont condamné, le bourreau qui l’a amené à ses aveux, les gardiens qui l’ont veillé, etc.
  • c’est aussi un serment solennel de respecter à la lettre les termes de la condamnation dont il a fait l’objet : par exemple, pour un bannissement, de respecter l’exclusion dont il a fait l’objet, de se rendre là où on lui a donné l’ordre d’aller, etc. Ce serment précise surtout que s’il devenait parjure il devenait hors la loi, que la loi ne le protégeait plus et que  la peine capitale lui serait immédiatement appliquée, sans autre forme de procès et sans grâce possible…

On retrouve ce terme à l’issue de toutes les procédures criminelles (sauf évidemment celles qui se terminent par une condamnation à mort…), en particulier dans toutes les condamnations au bannissement ou dans les cas, très rares, où la justice n’a pas réussi (à l’issue de la troisième séance de torture), à faire avouer l’accusé qui est alors « libéré » ou plutôt placé en résidence « surveillée » à son domicile…(avec souvent chaînes, menottes et barreaux aux fenêtres…) 

Traduction libre de l'Urphede d'Agnès:  

Le texte original ne comprend aucune ponctuation et pour la compréhension il a été nécessaire de couper quelques phrases trop longues...

Moi, Agnès, de Hirsingen, épouse légitime de Hans WUEST, bourgeois de ROUFFACH, reconnais et affirme publiquement par la présente, que, dans les années qui ont précédé, je me suis liée et engagée par les liens sacrés du mariage avec le susnommé Hans WÜST, mon cher époux, et que nous avons confirmé tous deux ce saint sacrement du mariage par une cérémonie à l’église selon les anciennes traditions chrétiennes, et vécu en ménage plusieurs années au cours desquelles sont nés trois enfants. Mais malheureusement, à mon plus grand regret, j’ai rejeté tout cela dans l’oubli, en particulier le salut de mon âme ainsi que  ma bonne réputation aux yeux de tous : il y a de cela environ un an et demi, le susnommé Hans WÜEST, mon cher époux, , m’a quittée et a quitté la ville et le domicile conjugal (par haine, pour l’amour du jeu ou pour d’autres raisons) et nous n'avons plus eu depuis de vie commune. Aussitôt après, dans le temps de la dernière Pentecôte, j’ai recherché un autre homme , je me suis fiancée et remise en couple avec Heinrich CLEIN de Blumberg. En faisant cela, j’ai jeté par mon comportement et ma débauche la honte publique sur mon bien aimé malheureux époux et sur les deux filles légitimes qui nous restent et ainsi j’ai péché contre la sainte et indivisible Trinité et contre toutes les lois et la justice. J’avoue et je reconnais qu’il y a à peine une quinzaine de jours, le maintes fois nommé Hans WÜST, mon époux, a été vu et reconnu à deux ou trois Miles d’ici où il vivait. Ce pourquoi, à cause de la légèreté de mon comportement et de ma mauvaise action, j’ai été jetée et retenue dans la prison de notre très gracieux prince et seigneur où j’ai attendu la justice et le verdict de notre gracieux seigneur (Junker = écuyer), Monseigneur le bailli…

J’ai fait le serment sur les reliques, devant Dieu tout puissant et ses saints, librement et sans contrainte, de quitter sur l’heure cette ville de Rouffach et la seigneurie de l‘Obermundat et de ne plus jamais revenir dans l’avenir dans la ville de Rouffach ou dans la seigneurie de l’Obermundat, d’y habiter ou d’y circuler, ceci avec le consentement de mon gracieux seigneur de Strasbourg, des conseillers et du bailli de Rouffach...

Je dois et je veux également ne jamais chercher à contester, à attaquer le jugement ou à me venger, de quelque manière que ce soit, de mon très gracieux seigneur de Strasbourg, de ses gracieux baillis, membres de ses conseils, sujets, amis et proches, de ma condamnation à la prison et de ce que j’ai enduré pendant mon séjour en prison.

S’il advenait, mais que Dieu m’en préserve, que je m’égare au point que je ne tiendrais pas et que je contreviendrais à l’un ou l’autre article de l’Urphed que j’ai jurée, mon très gracieux seigneur de Strasbourg ou le bailli, ou le magistrat de Rouffach auraient aussitôt le plein pouvoir de me considérer et me traiter comme une personne sans honneur, une parjure et une malfaitrice et rien ni personne ne pourrait m’aider ou me protéger, ni aide spirituelles ni temporelle, quels qu’elles soient et quels que soient leur nom…

Cette Urphed a été rédigée pour attester ce qui précède et comme je n’ai pas  de propre sceau, j’ai demandé à mon bien-aimé et bienveillant seigneur, Christoff von Ertmannsdorf, d’appendre son sceau au bas de cet écrit.

Donné le samedi après le jour de la  fête de saint Simon et Jude, les saints apôtres, où l’on compte quinze cent  et cinquante-huit années après la naissance de Christ, notre bien-aimé Seigneur.

Texte original, en allemand:

Urphed Agnesen, Hanns WÜSTen frauwen, und des von Ertmanβdorf sigel  1558 

Ich, Agnes von Hirsingen, Hans WUESTen, burgers

zu Ruffach eheliche husfrow, bekhenn und verjehe hiemit

offentlich, nachdem ich mich verruckter Jaren mit ermelten

Hans WÜSTen, meinen lieben huβwurt, inn stand der

heilligen ehe begeben und verpflichtet, auch wir beide

solches heilliges Sacrament mit dem Kirchengang,

alter christenlicher Odnung und gebrauch nach,

bestetiget mit einander etlich Jar hauβgehalten unnd

in werender ehe drÿ Kinder erporn und überkhommen

haben, daβ aber ich (leider) solches alles, Auch

sunderlich  meiner armen seelen heÿl und seligkeit,

deβgleichen guten gemeinen ruff und leumunden in

vergeβ gestelt, dann als gedachter Hans WÜEST,

mein lieben ehegemahell, ungeverlich bÿ

anderthalb jarn sich (uβ widermuth, spilens oder anderer

ursachen halben) von mir uβ dieser statt Ruffach

enteüssert und bitz anhar kein eheliche bÿwonung gethon,

hab ich alβbalt und nemblich umb Pfingsten nechst

verschinen, nach einem andern man getrachtet und mich mit

Heinrichen CLEINen von Blumberg ehelichen verlopt

und eingelassen, und nicht darmit gesettiget

gewesen, sunder erst im schein ehelicher werck, alle

unkeuscheit zu offenlichen schanden meines armen

gelipten Hauβwurts, und unser beider noch  leben=

den eelichen docter, geübt und getriben, mit

welchem ich mich gegen der heilligen untheilbaren

drÿfaltigkeit, und wider alle recht und billicheit

gesündiget haben, bekhenne und gesten muβ daβ

erst innerhalb vierzehen tagen, mehr genanter Hans

WÜST, mein Hüβwürt, ungeverlich bÿ zwo oder drÿ

mÿlen weggs von [hümen] bÿ leben, gesehen und

erkhant worden ist, dernhalben ich umb solcher

geübter lÿchtfertigkeit und missethat willen in

deβ hochwurdigen Fürsten, meins gnedigen Herren

von Straβburg gefengknuβ eingezogen und

enthalten worden bÿn (?) villicht der meynung da mein

gnediger Jungker der Amptman alhie daβ gepü=

rend ordenlich recht, von Oberkheit wegen gegen

mir furgenommen und geprucht haben wollte,

diewÿll aber solches recht mir, armen sünderin, zu

schwer hat fallen mügen, so hab ich hieruf frÿes

unbetrengts willens, einen lÿplichen Eÿd, zu Gott

dem almechtigen und seinen heilligen, geschworn mich

von Stund an, von und uβ dieser statt Ruffach und

Herrschafft Obern Mundat zuthuen, und fürderhin weder

inn der statt Ruffach noch inn der Herrschafft Obern

Mundat dheins wegs wider ein zukommen, ze wonen

noch zewandeln. Ich hab dann zuvor mein gnedigen

herren von Straβburg oder Irer f.g., Rädten oder

eins amptmans zu Ruffach gnedig erlaupung,

wissen und willen erlangt und uβpracht, [Ich]

soll und will auch diβ, mein gefengknus und was

sich dernhalben zugetragen, verloffen und begeben

hatt, weder gegen meim gnedigen Herren von

Straβburg, seine f.g. Amptleudten, Rath, Underthonen,

angehörigen und verwandten nimer mehr rechen,

anden[1] noch efern[2] noch solliches zugeschehen verschaffen

inn dheinem Wege. Were es aber sach, darvor

Gott sige, daβ ich an mir selbst so untheur wurde,

unnd diese mein geschworne Urphed in eim oder

mehr articulen nit hielte, sunder breche, so soll

alsdan mein gnediger Herr von Straβburg oder

seiner f.g. Amptleudt oder ein Rhat zu Ruffach, volle

müg und macht haben gegen mir zehandeln alβ

gegen einer erlosen, meÿneÿdigen Personen und

übeltheterin, darvor soll mich auch nichts schirmen

noch helffen, weder geistlich noch weltlich frÿheit,

wie die alle geheisen und wievil dern seindt,

dann ich mich dern aller, sampt dem Rechten,

gemeiner verzihung one vorgunde sunderung

widersprechende  deβgleichen auch der

velleÿnischen gutthaten, wÿplichen geschlecht zu furstandt

geordent, wissenlichen verzügen und übergeben habe,

alles getrewlichen und ungeverlichen, und deβ alles

zu warem Urkhundt hab ich (diewÿl ich eigens

insigels nit gebrauch) mit vleiβ erbetten den Edlen,

vesten, Christoffen von Ertmanβdorff, meinen gunstigen

lieben Jungkhern, daβ er sin Insigel, doch Ime

und seinen erben inn elweg one schaden, zu end

dieser schrifft gedruckt hatt, und geben uff

sambstag noch sanct Sÿmon und Judas der heilligen

zwölffpotten tag, noch christi unsers lieben herren

geburt gezalt funff zehen hundert fünnzig und acht Jar (1558)

[1] anden : vindicare, reprehendere
[2] efern: iterare, replicare, gannire, widersprechen, zanken,

Gérard MICHEL juin 2018

 

Article publié le 9 juin 2018 par Gérard MICHEL.

Recherche

  • Comment chercher ?
  • Voir tous les titres

Mots-clefs

  • sorcellerie 22
  • Johannes Remus Quietanus 21
  • Quietanus 14
  • Thiebaut WALTER 11
  • église Notre-Dame 11
  • Jean-Michel VOGELGSANG 11
  • Materne BERLER 11
  • Orgue 9
  • Jean Simon MULLER 9
  • Suntheim 8
  • Voir tous les mots-clefs

Newsletter

Recevez au maximum une fois par semaine la liste des derniers articles.

captcha 

L'auteur

Gérard MICHEL

Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.

  • Me contacter

Aller plus loin

Cette page contient des liens vers des outils et sites partenaires autour de la paléographie, l'histoire et l'Alsace.

Vous pourriez aussi aimer...

  • La Réforme touche Rouffach: Anabaptistes et Mennonites
  • Une sorcière à Soultzmatt en 1624: Anna CARLERIN, dite Schieleüglin, veuve de Gangloff BADER
  • 1558: Jacob BRUDER de Kenzingen est condamné au bannissement
  • Urphed de Diebold Schultheiss et Hanns Imelin de Hattstatt condamnés pour "fraudation" d'arbres-lisières.
  • Procès criminels et condamnations au bannissement

© 2023 Obermundat