Un juge brise le bâton de justice au-dessus d'un condamné enchaîné (Neues Rathaus Hannover)
Parmi les charges distribuées lors de l'assemblée annuelle du Magistrat du "12ème jour", vom zwölften Tag, c'est à dire le jour de l'Epiphanie, douzième jour après Noël, figurent les charges des Boten, Poten ou Potten, que l'on traduit généralement en français par "sergents-jurés". Il s'agit d'une fonction très importante dans la vie de la Ville: ils sont les intermédiaires entre la bourgeoisie de la Ville et l'autorité représentée par le Bailli, le Schultheiss ou le Magistrat dont ils diffusent les ordres, les décisions prises. Le mot est le même que Bote, le messager, celui qui est envoyé pour diffuser les informations et également les collecter, porter les convocations et les invitations, distribuer les lettres et autres documents...
Il est un officier de la ville, et à ce titre il porte un signe qui symbolise son autorité, ils "portent les bastons", ein Stab, c'est à dire un bâton. On retrouve le même objet dans les tribunaux: celui qui préside le tribunal porte le "Gerichtsstab", le bâton de justice, qui lui confère l'autorité et le droit de justice. (d'où le nom actuel bâtonnier: jusqu'à la Révolution française, le bâtonnier était le chef de la Confrérie des avocats. Il détenait un bâton qui symbolisait sa charge.). Lorsque le tribunal prononçait une peine capitale, il était d'usage de rompre "la baguette de justice", de rompre ce bâton et d'en jeter les morceaux au sol...
Le Schultheiss possédait également un Stab, qu'il confiait à un conseiller du Magistrat lorsqu'il était obligé de s'absenter de la ville pour quelques jours:
Herr Schultheiss referiert er seye willens nacher Strassburg zu reysen, kome vor Sontag nit wider, hatt dem Achtjahr (Hans ACHTJAHR) den Staab anvertraut… (A.M.R. BB 39)
Dans le document, il est dit que les Boten étaient exempts: ils étaient effectivement exempts de certaines obligations comme les jours de corvées et les tours de garde, et ils bénéficiaient également de certains aménagements fiscaux.
Ils sont au nombre de quatre:
der Herrenpott qui est au service du bailli ou des représentants comme le receveur et le greffier du bailliage
der Ratspott qui est attaché au Magistrat
der Kirchpott qui est attaché à l'Eglise
der Einungspott qui est chargé du contrôle des amendes et des infractions
Extrait de l’Urbaire de la ville de Rouffac de l’année 1580 [1].
On estably dans la Ville de Rouffac
quatre sergens jurés ou valets
de ville, entre lesquels le Conseil,
suivant l’ancien usage, s’en choisit
un préalablement pour estre le
Sergent du Conseil [2]. Ensuitte le
Baillif parmy les trois en prend
un pour mon gratieux Seigneur
qui est destiné pour le chasteau
et pour le Baillif [3] ; des autres
deux il y en a un qui est estably
pour l’Eglise [4] et le quatrième pour
la recepte des amandes [5] . Et les trois,
à l’exception du Sergent du Conseil,
portent les bastons, et tous les
quatre sont exempts, mais le
Sergent de son Altesse le Prince
a, à chaque Quatre Temps [6], une corde
de bois et un chariot de foing.
On confie à ces trois les clefs ... / ...
des prisons et chacun aura soing
de garder la prison pendant un
mois.
Que cet extrait a esté fidèlement
tirré de l’Urbaire de la Ville cy dessus
allégué, est attesté à Rouffac, le
13ème 8bre 1708. Signé J.P. SEITZ
greffier, avec paraphe.
Traduit d’allemand en français
par moy soussigné, secrétaire
interprète au Conseil Souverain
d’Alsace, fait à Colmar le 10ème 9bre
1708. Ant. ZAIGELIUS ...
[1] Cet Urbaire de 1580 est très souvent mentionné. Les archives de Rouffach en conservent de nombreux extraits, fidèlement recopiés et parfois traduits en français, mais l’original a malheureusement disparu.
[2] Ratspott
[3] Herrenpott
[4] Kirchpott
[5] Einungspott
[6] Quatre Temps est ici la traduction de Quatember, c'est à dire quatre temps de l'année partageant l’année en 4 saisons. Chacun de ces Quatre Temps est une période de trois jours, les mercredi, vendredi et samedi, pendant laquelle il est demandé aux fidèles de prier et de jeûner. Ces journées rythment la vie non seulement spirituelle de l'année mais aussi le quotidien temporel: les marchés, le versement des rentes et des salaires, le recouvrement des Kerbhöltzer, dus aux commerçants et artisans, etc.
Un dicton permettait de se souvenir des dates des Quatre Temps:
…Nach Asch, Pfingst, Creutz und Lucia, gedenk der Quatemberzeit…
après la Pentecôte, le Jour de l'invention de la Sainte Croix (le 14 septembre), après la sainte Lucie (le 13 décembre) et après le premier dimanche de Carême.
Gérard MICHEL juin 2018