Saint Urbain bas-relief n° 23 rue C.I. Callinet
Le vin a une importance considérable dans l’économie de Rouffach dès le haut Moyen-Âge et il participe à la richesse et à la renommée de la ville. C’est une source de revenus pour le peuple, c’est une source de richesse pour les bourgeois et surtout pour les nombreuses cours appartenant à de riches abbayes parfois lointaines qui perçoivent les revenus des terres qu’elles possèdent à Rouffach, ainsi que pour le seigneur de la ville, l’évêque et les chanoines du grand chapitre qui perçoivent la dîme en vin.
Une des sources principales qui permet de retracer l'histoire de la viticulture à Rouffach, est là encore les registres des sessions du magistrat qui nous renseignent sur les dates des récoltes, bien plus tardives qu'aujourd'hui, les règlements des vendanges, les travaux des vignes, etc.
On y rend compte des années de mauvaises récoltes, de vignes ravagées par le gel, la grêle, d'années de précipitations incessantes ou de grande sécheresse qui ruinent les espoirs de récoltes, phénomènes météorologiques dévastateurs toujours présentés dans les textes comme une punition divine, comme dans le document qui suit:
Vendanges de l'année 1628
trad.: Après que Dieu Tout Puissant nous eut envoyé au printemps dernier des pluies et de neiges abondantes dans les montagnes, les eaux se sont amassées en si grande quantité que de mémoire d’homme on n’en avait jamais vu autant. Ici, autour de la ville, les flots ont submergé le Hoffacker, l’Ombach et la Lauch ont débordé et le niveau est monté en ville autour de l’abattoir, (ancienne boulangerie Bielmann, actuelle boucherie Kolifrath) au point que l’on ne pouvait plus venir de la rue des Prêtres qu’en circulant à cheval.
Dans l’ensemble il n’y a pas eu de véritable hiver, peu de gel mais beaucoup de jours de pluie.
Vers la saint Jean-Baptiste il y eut quatre semaines de pluies froides incessantes, si bien que la vigne eut du mal à fleurir et une grande partie des fruits fut perdue. Tout annonçait une mauvaise vendange. Cependant, comme les températures de septembre et de début octobre ont été assez douces, les raisins ont commencé à gonfler et dans les expositions chaudes même à mûrir. Mais après trois fortes gelées blanches successives dans la semaine qui précède Saint Luc l’Evangéliste (18 octobre), la vendange ne donna qu’une récolte très faible et un vin si aigre que de mémoire d’homme on ne se souvenait pas d’en avoir connu un semblable… Les vignes du piémont produisirent un peu, mais celles des coteaux, vidées de leur jus par les gelées, ne donnèrent que très peu, en particulier le cépage Olber …
Beaucoup n’ont produit dans 6, 8 ou 10 Schatz de vignes qu’à peine un Ohm. de vin et on n’a pas pu livrer 20 Fueder de vin à la cave dimière.
A.M.R. BB 39 f.181 verso Raths Prothocoll Anno Christi 1628
Herbst Anno 1628
Nachdeme der allmechtige Gott verschinen
freÿ Jahrs uns vil und strenges Regen, und
schneewetter in den gebürgen geschickt, auch
die Wasser allenthalben so starck angeloffen
alß mans beÿ Manß zeiten erdenckhen mögen,
sonderlichen aber alhie umb die Statt ein solches
Wasserwerckh gewesen daß ja gar der Hoffackher [1]
mit Wasser bedegt, die Ohnbach und Lauch allent//
halben außgeloffen und sich das Wasser in der
Statt beÿ dem Schlaghauß dermassen geschwelt,
daß man auß Pfaffengassen nit gehen, sondern mit
Rossen reiten miessen, auch sonsten in gemein
schlecht gewintert, wenig gefrist: dabeneben aber
viler naßer Regen Tag geben, besonders umb
Johannis Baptistae in 4 Wochenlang bestendig
solche nasse Zeit und bestendige kalte Regen
gewesen daß der Wein an der Reben schwerlich ver//
pleÿhen mögen, inmassen dann auch erfolgt, daß der
…..ben an Reben vast mehrern theils abgefallen
und es sich mit den Reben gar schlecht ansehen lassen,
weiln sie gar spodt verpleÿt und im Auguste in
Berge noch Saamben gefunden worden / alß hatt
es kein andere anzeig nit gewinnen wöllen, alß
zu einem schlechten Herbst, zwar weiln der September
und anfangs Octobris zimblich. temperierten
Wetters, haben die Trauben zimblich zugenomben
und in heÿßen böden beginnen zu weÿchen. Nachdeme
aber unversehens in der Wochen vor Luca Evangelista [2]
dreÿ starcker Reiffen nacheinander
eingefallen, also daß man ……………………Montag
vor Lucae anfangen herbsten mießen, also ist darauß
erfolget daß ein gar saurer und vast kleiner Herbst
worden, deß gleichen kein Mann gedacht noch sich
erindert von seinen Voreltern ein solchen gehört
zu haben, dann in den Boden Reben, daß jenigst noch
vorhanden geweßt, durch den Ruffen außgesaugt,
in Berg Reben aber vast kein Wein zu hoffen gewesst,
und zu deme die Trübel, sonderlich das OLBER ge//
wechs kaumb halb auß gewachsen gewesen, und
hatt man den Reiffen biß über das Krottenfieslen
gespürth. Es hatt mancher in 6.8. oder 10 schatzen
im Berg kaumb ein Ohmen Wein gemacht, [3] und
hatt man nit 20 fueder [4] Zehentwein alhie gemacht.
Notes:
[1] hofacker, m. zu einem Bauern- oder Herren Hofe gehöriger Acker. (Grimm)
1) Der zu einem Bauerhofe eigentümlich gehörige Acker.
2) Der zu einem Herrenhofe gehörige Acker, im Gegensatze des vorigen. (Adelung)
[2] Saint LUC : 18 octobre
[3] Un Schatz valant à Rouffach 3,99 ares (Hanauer) et un Ohmen 50,27 litres, cela fait un rendement de 1,25 à 2,00 hectolitres de vin à l’hectare !
[4] Un Fueder vaut 1005,44 litres
D'autres années ont été tout aussi catastrophiques, produisant de faibles récoltes d'un vin qualifié de saur, aigre ou acide, imbuvable, mais qui sera bu quand-même...
Hiver 1709:
trad.: Dans notre région, les vignes, autant celles des coteaux que celles des vallées, tout comme celles de tout le pays, ont toutes gelé, et on n’a produit, ici et dans tout le pays, pas le moindre Ohme, pas la moindre mesure de vin. Les champs des céréales d’hiver ont tous été labourés et on y a ressemé de l’orge. Le peu qui avait survécu fut infesté par les maladies. Cependant il y eut, Dieu soit loué, une abondante récolte d’orge et de toutes sortes de fruits. Les vignes, quant à elles, ont toutes, sans exception, été coupées.
A la suite de cela les prix ont fortement augmenté: le quartaut de blé coûtait 20 livres, le méteil 16 livres, l’orge valait 12 livres, un Ohme de vin rouge valait 9 livres, le blanc 7 livres, le vin blanc vieux également 9 livres.
A.M.R. AA 11
Hiver 1739:
trad.: En 1739, le premier novembre, l’hiver s’installa avec des températures très basses qui sévirent jusqu’en avril 1740 : on pensait que, autant dans les vignes que dans les champs tout allait être gelé et anéanti. Le Rhin et le Main étaient gelés au point que presque partout on pouvait les traverser avec des charrettes et des voitures. Dans beaucoup d’endroit des gens sont morts de froid et beaucoup ont eu le nez et les mains gelés. C’était un hiver si froid que l’on pensait au printemps que les vignes étaient gelées : elles ne commencèrent à percer qu’au mois de mai… Une très grande quantité de vieux pieds ont gelé, davantage sur les coteaux que dans les vallées et la plaine. Mais ceux qui ont survécu ont bien percé en mai…Mais comme l’été qui suivit fut en grande partie froid, les vignes ont fleuri tard et poussé lentement.
Cependant comme l’année précédente avait produit beaucoup de vin, le vin a toujours été disponible et comme la vigne portait des raisins en quantité l’on comptait sur de bonnes vendanges. Mais les raisins étaient encore verts et on espérait une belle arrière-saison pour leur permettre de mûrir. Mais le 6,7,8 et 9 octobre, ainsi que les jours suivants, il fit très froid et il y eut des gelées si fortes que ces raisins verts gelèrent complètement, et perdirent tout leur jus. Ceux qui étaient un peu plus mûrs donnèrent cependant un peu de moût, mais si aigre. Il n’y eut pas de récolte d’Ölbern, de Elber, de Edtle, ni de rothe Gewächs (le cépage rouge) sur les collines : ils avaient gelé et ne rendirent pas de jus.
Le vin de 1739, de mauvaise qualité, se vendit 6 livres tournois l’Ohme et 10 livres le rouge, le vin vieux de 1738 10 livres pour le blanc et 15 pour le rouge et était tout à fait agréable. Le vin nouveau, (celui de l’automne 40) lui, était aigre comme il en existe peu, et personne n’en demanda…
A.M.R. AA 11
La vigne n'était pas seule à souffrir des intempéries: les mêmes registres rendent compte des désastres causés par le gel, la grêle, la sécheresse, ... dans d'autres cultures, celle des céréales en particulier, blé, seigle, orge et avoine..... Ces produits de première nécessité devenus rares, leur prix les rend inaccessibles. La famine menace et le peuple gronde, comme ce fut le cas en 1586 où Rouffach dut faire face à une flambée du prix des céréales…
Gérard Michel
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