Le Haut-Mundat ou Obermundat, est l’une des seigneuries qui composent la gigantesque nébuleuse que constitue le Saint Empire romain germanique, Heiliges römisches Reich deutscher Nation, un agglomérat d'une nuée d'états, électorats, principautés, archevêchés, comtés, domaines de chevalerie, villes libres ou abbayes d’Empire, dont certains n’étaient que de minuscules territoires, entre les mains de princes laïcs ou ecclésiastiques.
L’Alsace elle-même se morcelle en une infinité de territoires enchevêtrés. Moins morcelée que la Basse Alsace, la Haute Alsace est partagée entre quelques grands seigneurs et de puissants dignitaires ecclésiastiques :
- la maison des Habsbourg
- les seigneurs de Ribeaupierre
- les seigneuries ecclésiastiques sont celles de l’abbé de Murbach (vallée de Guebwiller et de Saint Amarin), celles de l’abbé de Munster et celles de l’évêque de Strasbourg (Mundat Supérieur et Rouffach).
- les comtes de Wurtemberg
L’Obermundat est l’une de ces seigneuries ecclésiastiques, une terre affranchie détachée de la juridiction des comtes royaux et donnée comme terre affranchie (emunitas, mundatum) au siège épiscopal de Strasbourg et que les évêques possèdent comme seigneurs temporels. Au fil des démembrements successifs, l’étendue de ces possessions s’est considérablement réduite : au début du dix-huitième siècle, il est composé du bailliage de Rouffach, de celui de Soultz et de la prévôté d’Eguisheim. Rouffach avait été donné aux évêques de Strasbourg au milieu du 7ème siècle, le territoire de Soultz intègre le Haut Mundat en 1015 et Eguisheim sera rattaché au Haut Mundat en 1225.
Dans les observations précédant son inventaire des titres des bailliages, Duboys note en 1758 (A.D.H.R.):
L’Obermundat,[…] consiste dans le bailliage de Rouffach, dans celui de Soultz et dans la prévôté d’Eguisheim. Il était autrefois bien plus considérable qu’il n’est aujourd’hui ; en effet, suivant une description de l’Obermundat du 14ème siècle […], le don que le roi Dagobert a fait à l’évêché de Strasbourg s’est étendu à tous les lieux suivans, scavoir : la ville de Rouffach, le village de Westhalden, la ville de Soultz, le bourg de Jungholtz, le village de Rimbach-Zell, la ville de Ste Croix, le village d’Ungersheim, la ville d’Eguisheim, les villages de Hüseren, Voegtlinshoffen et Morschwiller, quelques hommes et quelques droits à Hattstatt, le village de Hartmanswiller et celui d’Orwiler, le bourg de Soultzmatt, la vallée de Sultzmatt consistante en Osenbach, Danviler et Vingolsfelden (Winzfelden), les villages de Gundolsheim, de Pfaffenheim, de Gueberschwihr, de Zellenberg, de […], de Benwir et la ville de Neuburg en Brisgau, ainsi que quelques droits à Meyenheim…
[…] Les endroits du détail susdit qui sont sous-lignés, ne sont plus aujourd’hui de l’Obermundat… (en 1758)
Au moyen des démembrements des dits endroits, l’Obermundat ne consiste plus que dans le bailliage de Ruffach, qui renferme le bailliage de Ruffach proprement dit et la prévôté d’Eguisheim et dans le bailliage de Sultz.
Le baillage de Ruffach est composé de la ville de Ruffach, du bourg d’Eguisheim, des villages de Gebershwir, Gundolsheim, Morschwir, Orschvir, Pfaffenheim, de celui de Sultzmatt avec la vallée du même nom et de ceux de Westhalden et de Vettolsheim.
Le bailliage de Sultz est composé de la ville de Sultz et du village de Vuenheim.
Laissons Duboys raconter l’histoire de la fondation de l’Obermundat, au milieu du septième siècle :
Au défaut du titre de la donation qui sans doute expliquerait le motif d’icelle, il faut se contenir de ce que la tradition nous apprend à son égard et de ce qui se lit dans certaines histoires de l’abbaie d’Ebersheimmunster, sçavoir : que Sigebert, un des fils du roi Dagobert second, lequel demeuroit ainsi que le roi son père dans le château d’Isembourg à Rouffach, étant allé à la chasse et aiant poussé jusqu’à l’île de Novientum (: dans laquelle est située aujourd’hui l’abbaie d’Ebersheimmünster et dans laquelle il existoit desja un couvent bâti par saint Materne en l’honneur de saint Pierre :) résolut de passer la nuit dans ce couvent, dans lequel il entra avec les siens et y fit plusieurs désordres et dégâts, faisant manger à ses chevaux les grains qui étaient sur les greniers et accablant d’insultes les moines, lesquels passèrent la nuit dans l’église où ils remirent dans les mains de Dieu et de saint Pierre la vengeance de l’injure qu’ils recevoient ; que le lendemain, Sigebert fut attaqué et tué par un sanglier et transporté mort au roi on père, qui eut recours aux prières de saint Arbogast, qui gouvernoit l’Eglise de Strasbourg ; que celui-ci ressuscité Sigebert et par là excita la reconnoissance du roi son père, qui pour la témoigner donna au dit évêque et à son évêché l’Obermundat ; que de là aussi le couvent de Novientum prit le nom […] d’Ebersheimmünster...
Cette légende est racontée à Rouffach sur le retable du maître-autel de l'église Notre-Dame dont l’exécution fut confiée aux ateliers WEY de Colmar et à l’artiste sculpteur munichois J. MAIER. Il fut consacré le 28 octobre 1900 par Monseigneur Adolphe FRITZEN, évêque de Strasbourg.
Pierre Paul Faust en fait la description dans sa conférence sur l'Histoire de l'Eglise Notre-Dame de Rouffach au XIXème siècle, donnée vendredi 26 janvier 2001 à la salle paroissiale de Rouffach:
Ouvert aux grandes occasions, l’autel présente quatre panneaux sculptés et polychromés illustrant la légende de St.Arbogast, évêque de Strasbourg.
- Le panneau de gauche nous montre St Arbogast méditant sous le grand chêne de la forêt de Haguenau, tandis que son ami St. Déodat s’occupe du jardinage. C’est la rencontre du spirituel et du matériel.
- Le deuxième tableau représente l’élévation de St. Arbogast au siège épiscopal de Strasbourg, suprême hommage à ses vertus.
- La troisième scène est plus mouvementée. Nous voyons St. Arbogast sur les lieux du terrible accident de chasse qui coûta la vie au jeune prince Sigbert, fils du roi Dagobert II. Le saint, par son intercession va ramener le jeune prince à la vie. En bas à droite gît le sangler meurtrier.
- Le dernier panneau illustre la donation de Rouffach au saint évêque en remerciement du prodige qu’il vient d’obtenir. Le roi Dagobert remet la charte à Arbogast au pied du château d’Isenbourg que l’on voit au fond.
Un panneau semblable, racontant la même histoire, monochrome et moins richement décoré, est visible à la collégiale Saint-Martin-et-Saint-Arbogast de Surbourg, oeuvre du sculpteur Lamm.
Bibliographie:
- Pierre Paul FAUST Histoire de l'Eglise Notre-Dame de Rouffach au XIXème siècle 2001
- Duboys Inventaire des titres des bailliages, Tome 8 dans A.D.H.R. 3G Evêché de Strasbourg 1758
- Rodolphe REUSS L'Alsace au dix-septième siècle : au point de vue géographique, historique, administratif, économique, social, intellectuel et religieux, Émile Bouillon (Paris), 1897-1898