Les expressions en usage à Rouffach, en 1893, sur le thème Süffa, baafra, berschda , bibbsa...
par Henri (Heinrich) MENGES, pédagogue et dialectologue, (Betschdorf 9.6.1859 † Strasbourg 1.2.1913).
Après des études à l’École normale de Strasbourg, Henri Menges fut nommé à l’école agricole de Rouffach, où il se lia d’amitié avec l’historien Thiébaut Walter . Bon connaisseur du dialecte dans ses variations bas-rhinoises et haut-rhinoises, il collabora assidûment au Wörterbuch der elsässischen Mundarten de Martin © et Lienhart ©. Membre du comité central du Club Vosgien, Menges prit une part active à la rédaction du Jahrbuch für Geschichte, Sprache und Litteratur édité par la section Histoire et Littérature du Club Vosgien. Des ouvrages précieux pour l’histoire de l’Alsace, dans lesquels figurent notamment plusieurs publications de Thiébaut Walter.
Dans l’édition de 1893, celui de la neuvième année, j’ai repéré un article d’une quinzaine de pages de Henri Menges en rapport avec les elsässischen Mundarten, les parlers alsaciens consacré aux expressions en usage à Rouffach sur le thème « trinken, betruncken sein, Gewohnheitstrinker », boire, être ivre et être ivrogne.
Dans son introduction, Henri Menges résume son objectif :
On peut certes déplorer profondément la consommation abondante de boissons alcoolisées, si l’on en considère les conséquences physiques, morales et sociales. Mais on peut aussi envisager la chose d’un autre point de vue, plus distancié, du point de vue linguistique, voire, j’oserais presque dire, d’un point de vue poétique.
Qu’il me soit permis ici de tenter une telle approche. À l’aide du dialecte de Rouffach, je veux réunir quelques expressions haut-rhinoises qui se rapportent à la boisson et à tout ce qui s’y rattache. Elles sont toutes en usage à Rouffach, mais, bien entendu, pas seulement là : on les trouve aussi dans d’autres localités. Je me limite toutefois à les présenter selon le dialecte de Rufach. (trad. g.m.)
Le lecteur pourra consulter l’article dans son intégralité. Pour cet article, je me suis contenté de relever quelques-unes de ces expressions, sans les traduire sinon elles perdraient toute leur saveur, et sans les transcriptions en alphabet phonétique et en allemand « standard » que propose Menges.
Bonne lecture et G’sundheit...
Ça, c'est aussi de l'histoire, et ces expressions font partie de notre patrimoine...
Gérard Michel
boire… trinken
trinken / süffa /
da süfft‘si noch d’gurgel àb
ar süfft’si zum a Narr, ar süfft’si hinterfihr / verrückt, zu tod
baafere
mer han üss’m Drachder g‘baafert
berschda , da kànn drinke wie a Berschtabinder
schwächa
ein‘s löschen (lescha)
d’Gurgel nätze , d’gurgel schwanga
kumm, mer wann ein‘s klopfe / ein’s kläpfe / ein’s g‘schnall pàcka
drüddla
zirpfla, bibbsa: ar hàtt schù da morga niechterlings eins gebibbst
être ivre… betrunken sein
ar hàtt a Fàhna
ar hàtt a Sàwel, a hàtt a Schleppsàwel
ar hàtt d’sundigless àà, ar hàtt d’r Sontigrock
ar esch gedaïft
ar hàtt a Àff
ar hàtt a Kritzer (ein Streichhöltzchen)
ar esch güet uff g’legt, ar esch àlert, ar esch rich g’nüe
ar esch nimm niechter
ar hàtt scho diaff in‘s glàs g’lüegt
ar schbiihrt
ar hàtt gnüa, ar hàtt si Sàch
ar esch wedder Soldàt
ar esch b’soffe
ar hatt eine setza
ar hàtt in d’r Ewerbihn, em eewera Stock, ar hàtt em Hefft
at hàtt beese Wii trunke
ar weisst nimm äbb er e Bu oder e Maïdla esch
ar esch mied imm G’sicht, ar màacht a G’sicht, ar màacht a G’sicht wie ne g‘chtochene Gaisbock
ar lüegt ewerzwarch, ar màcht Aüke wie ne Kàtzeroller wo uff’m a Soïmàge huckt
ar màcht Aügge wie ne Hààs im e Streckla
ar seeht nimm züe da Aügge üssa, ar brengt d’Aüggs Deckel nimm uff
da brücht ke Làtarn, ar hàtt heiter imm Hirn!
ar hàtt a schwara Koppf
ar hàtt d’r Tschabber uff d‘r Sitt
ar hàtt a Kàmrààd, a esch zàlwander
ar hàtt a schwaari Zung, ar hàtt a lààmi Zung, ar kàt d’Zung nimm lepfa, ar bringt ke Wort me üssa
ar find’t s’Müül nimm
ar hatt glààda, er hàtt guat g’lààda, ar hàtt schreks g’lààda
ar hàtt a Kischt
au retour du bistrot…
ar messt d’Stross, d’Stross esch’m z’schmàl
ar geht iwerzwarch, ar geht quer
ar daüdelt, ar hàtt’s Ekaliber verloore
ar kààt uff kä Bei meh stehn
wenn d’r ecka net g’seh waar, wär er durre khumme
ar find’t d’Dihr nimm
da find’t s’Schliesseloch nemm oder ar miestikt a Trachter hà
ar hàtt Stolla àm Bei
ar hàtt rundi Àpsatz
ar hàtt a Dàmpf, a Dampfle, a gott’s jammerlicha Dàmpf (liewer a Dampf àss Fiewer !)
a esch benaawelt
ar hàtt a Dermel
ar hàtt a Brand, ar hàtt i g’fiirt
ar hàtt heiss imm Kopf
ar esch Daïg
ar hàtt a Düddel, a Düddele
ivrogne, poivrot Gewohnheitstrinker ...
d’r Lump, d’r Schnàps Lump, a Jackeslump
a Süffer, a Vollsüffer, a Volleegel,
a Dràwerloch, a Biggerla märder, a Grimmerla Märder, a Miserla Märter
ar laart d’r Wii nit in d’Schüe
ar drinkt gaarrn
ar kàt kä voll und kä laar Glàs saa
A Rouffach on disait également :
Wa m‘r Wàsser drinkt, se gits blauï Gedaarm
Une anecdote, authentique, pour terminer :
Il y a plus d’un demi-siècle, comme toutes les petites localités de l’époque, Rouffach comptait son lot de personnages hauts en couleur. On se plaisait souvent à rire, parfois gentiment, parfois un peu moins, de leurs habitudes singulières et de ces petits travers qui faisaient d’eux des figures locales inoubliables.
Un rouffachois, célèbre en son temps et que nous appellerons Albert, revenant à Solex de sa tournée vespérale habituelle dans quelques brasseries de Rouffach où il avait bien levé le coude, s’encastra dans l’arrière d’une 2CV, pile entre les feux arrière. Il expliqua aux gendarmes qu’il avait bien vu les deux feux mais, pensant qu’il s’agissait des feux de deux vélos, il avait essayé de passer entre les deux… Da hàtt Nawel kàà… L’affaire s’est terminée sans mal, mais l’anecdote se répandit et fit rire toute la cité…
Source:
Rufacher Ausdrücke für die Begriffe: trinken, betrunken sein, Gewohnheitstrinker...
le lecteur pourra trouver sur Internet cet article et l'intégralité de la publication, en cliquant sur le titre ci-dessus. Il pourra trouver sur le Web beaucoup d'alsatiques, en particulier ces annuaires du Club Vosgien et des ouvrages de Thiébaut Walter, scannés et édités par des universités ... américaines! Ce texte de H. Menges figure dans les publications de l'université de Los Angeles!
