Vierge à l'enfant, église N.D. Rouffach
Leopold Fischer, peintre (? - † Rouffach, le 26 février 1675)
Le registre paroissial de Rouffach, dans lequel sont enregistrées les « sépultures », entre 1595 et 1734, mentionne à la date du 26 février 1675 celle de Leopold Fischer, peintre, qui réalisa le panneau peint du maître-autel de l’Eglise Notre-Dame de Rouffach, représentant l’Assomption de la Vierge. Si l’usage courant désigne ces registres sous le nom de « registre des décès », les dates qu’ils indiquent ne sont généralement pas celles des décès, mais bien celle des sépultures, c’est-à-dire de l’ensemble des rites religieux qui accompagnent l'inhumation, et qui sont réservés aux chrétiens morts dans la communion de l'Église. Il en va de même des registres de baptême qui n'indiquent pas la date de la naissance mais celle du baptême, célébré généralement le jour même de la naissance, parfois le lendemain, exceptionnellement plus tard.
A.M.R. GG 10 1595 - 1734
26 (febr. 1675) obiit honestus vir L. Fischer, pictor, qui tabulas in majori altari parochialis ecclesie pinxit.
Le 26 février 1675, est décédé l’honorable (l’honnête homme) Leopold Fischer, le peintre, qui peignit le tableau (panneau) du maître- autel (l’autel majeur de l’église paroissiale
Nous avons évidemment cherché à retrouver une trace de ce peintre, dans le fonds d’archives anciennes de Rouffach. Et nous en avons trouvé qu'une seule, dans le compte-rendu d’une délibération du Conseil de la Ville du 12 mars 1669 :
Sodann ist mit Leopoldt Fischer, dem Mahlern, wegen des großen Plattes odter Taffel in dem Choraltar in alhiesiger Pfarrkhirchen accordiert worden, dergestalten, dass Er solch Platten mit der Bildnus unser lieben frawen himmelfahrt nach der Visierung, wie er dasselbige vorgelegt, zierlich mahlen und in bereitschafft stellen, dass selbige lengist biss auf das fest Mariae himmelfahrt fertig sein möge, hingegen aber Er alle farben, thuch undt rammen, undt das jenige, was darzue erfordert wirdt, in seinen Costen erkhaufffen und machen. Vor solche seine müehe undt costen, ist ihme zweÿhundert Pfundt in gelt, vier ohmen wein undt zweÿ fiertel frucht versprochen worden, welche summa ihme, dem Mahler, in dreÿ termin, als gleich paar 53 f. 5 baz. neben wein undt frucht, Sodann uf Pfingsten wider 53 f. 5 baz., undt den letsten termin, wann das Platt fertig, so thuet 53 f. 5 bazen bezahlt werden solle.
A.M.R. BB 53 12 mars 1669
Le Conseil charge Léopold Fischer de réaliser pour le maître-autel (Chor-altar) de l’église paroissiale, un grand panneau ou tableau (Platte, Tafel) représentant l’Assomption de la Vierge-Marie. Le peintre avait au préalable présenté un projet (Visierung) qui a été accepté. Le Conseil précise que l’œuvre devra être peinte « zierlich » : cet adjectif qui se traduirait aujourd’hui par délicat et gracieux, pouvait aussi signifier strahlend, glänzend, herrlich, c.à.d. rayonnant, brillant, somptueux…
Le travail devra être livré parfaitement achevé, pour la fête de l’Assomption, le 15 août 1669.
Toutes les dépenses, de peinture, de toile, de cadre, celles nécessaires pour les travaux annexes et toutes autres dépenses, seront à la charge du peintre.
Pour son travail et ses frais, il percevra 200 livres en argent (in Gelt), 4 Ohmen de vin et deux quartauts de grains (céréales). Cette somme lui sera versée en trois échéances : la première, ce jour-même, avec le vin et le grain, la seconde à la Pentecôte et la dernière lorsque le panneau sera achevé.
Qu’est-il advenu de ce tableau ?
Aujourd'hui, Il n’est plus à l’église, ça aurait été trop beau, et il aurait été le seul tableau représentant l’Assomption de la Vierge dans une église pourtant dédiée à Notre-Dame de l’Assomption…
Il ornait donc, depuis le 15 août 1669, le maître-autel de l’église. Remplaçait-il un tableau précédent, sur le même autel ? Rien ne permet, pour l’instant, de répondre à cette question. A-t-il disparu, comme bien d’autres œuvres, dans le « feu de joie » allumé devant l’église par les « patriotes », le 9 janvier 1794 ? Ou peut-être le retrouvera-t-on un jour, dans une collection privée ou celle d’un musée ?
Où Leopold Fischer a-t-il été formé ? A-t-il produit d'autres œuvres, à Rouffach ou ailleurs ? Le mystère demeure...
Gérard Michel