Les planches-tampons de la teinturerie Vuillemin de Rouffach
Francis Vuillemin
Avec une partie du catalogue des planches restantes de nos ancêtres teinturiers, je poursuis et termine la chronique des teinturiers Vuillemin de Rouffach. Ces planches ont été récupérées par notre père, Henri Vuillemin, avant la vente de la maison qui abritait la teinturerie dans la rue de la Poterne et qui était occupée jusqu’en 1946 par Joseph et Marie, les deux enfants célibataires de Gustave Vuillemin, dernier maitre teinturier de Rouffach dont le lecteur trouvera ci-dessus les armoiries de maitre teinturier sur une planche-tampon et l’entête des factures de ce commerce ci-dessous.
Petit rappel au sujet des planches-tampons de teinturiers.
L’impression des étoffes de coton, laine, soie, lin, chanvre à la planche de bois sculptée en relief est un savoir-faire ancestral né au nord de l’Inde dans la région du Cachemire au moins 2000 ans avant notre ère. Elle s’est étendue en Chine et au Japon.
A la fin du 16e Siècle, la compagnie des Indes rapporte en Europe des cotonnades peintes et imprimées, dénommées Indiennes. Les importations seront interdites et pousseront des artisans européens à réaliser ces planches et imprimer des motifs sur les tissus.
En Germanie et en Alsace en particulier, de nombreux ateliers et manufactures voient le jour et les compagnons teinturiers véhiculent leur savoir-faire.
Ainsi à Rouffach il y avait trois teintureries. Mulhouse sera un très grand centre et les Indiennes de Mulhouse sont ‘’mondialement ‘’ connues. Le Musée de l'impression sur Etoffes relate cette aventure avec brio et mérite une visite fort intéressante car cet établissement a collecté une inestimable collection d’impressions de tissus.
L’impression directe à la planche-tampon et l’impression dite « au bleu de réserve » à la planche sont deux techniques utilisées par les teinturiers alsaciens avec la teinture à l’indigo donnant la couleur bleue tout à fait caractéristique. Auparavant, c’est le pastel qui donnait la couleur bleu pâle. L’impression, dite de réserve, consistait à enduire d’abord une toile avec une pâte résistante à la teinture puis on appliquait la planche-tampon même violemment avec une masse de telle façon que le motif apparaisse en blanc.
Cette technique d’impression de réserve à la planche et teinture à l’indigo est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2018. Le seul coupon de tissu, sauvé de la Teinturerie Vuillemin de Rouffach, illustre bien ci-dessus le résultat de cette technique.
Les teinturiers alsaciens produisaient avec de la teinture du faux Kelsch, appelé aussi Bettelkelsch ou kelsch des mendiants ou même Armelittekelsch (kelsch des pauvres gens) sur des toiles en coton ou en lin. Le vrai kelsch était, lui, tissé avec des fils de couleur.
Les planches à imprimer.
Les motifs sont esquissés et sculptés sur des planches épaisses de bois d’arbres fruitiers, souvent du bois de poirier, à l’aide de gouges et de ciseaux à bois. Au 18e siècle elles sont souvent serties de picots en laiton enfoncés dans le bois. Parfois ce sont des motifs métalliques plus importants qui sont insérés sur les planches et constituent à eux seuls les motifs.
Leurs dimensions sont variables, de l’ordre de 25 cm de long sur 15 cm de large et 4 à 5 cm d’épaisseur. Elles portaient un numéro afin de les retrouver et de les répertorier facilement.
Aux quatre coins, des picots métalliques dépassent la surface et permettent de mieux fixer la planche sur le tissu.
La planche 184 …
L’impression se faisait à la main de telle façon que le pouce et les autres doigts de la main se faisaient face. Le verso des planches montre les niches où allaient se placer les doigts.
Planche comportant uniquement des picots métalliques.
Quelques photos des planches restantes de la teinturerie Vuillemin de Rouffach.
La plus originale représente un hussard !
Des feuilles...
Des liserés de fleurs et de feuilles...
Très belle planche avec sculptures très fines et picots métalliques
Géométrique...
Petits tampons variés...
Beau tampon de coin et baguettes. Une brosse de nettoyage des planches...
Dernier tampon de coin bien fleuri...
Voici un exemple imagé d'une planche de teinturier et du résultat obtenu sur une étoffe. Il est emprunté à une publication du musée alsacien de Strasbourg rapporté par Wikipédia avec le titre Bleu de réserve.
Il est regrettable que nous n’ayons pas d’étoffes à motifs imprimés avec les planches dont nous disposons. Par ailleurs certaines planches de la collection ont été données ou perdues.
Je remercie mes frères, Jean-Claude et Christian de m’avoir donné les photos des planches en leur possession, ainsi j’ai pu mener à bien mes recherches et ce travail.
Conclusion.
Avec cet article qui porte sur les planches-tampons d’impression des étoffes que les descendants des teinturiers VUILLEMIN ont encore en leur possession, je termine la chronique historique publiée l’an passé dans les nouvelles histoires de l’Obermundat.
Qu’adviendra-t-il de ces pièces uniques et objets témoins d’un temps révolu dont la plupart sont du 18e siècle ? La question est posée.
Dernière photo prise il y a une centaine d’années à l’arrière de la mairie de Rouffach et en face de la maison qui abritait la teinturerie. Les descendants des teinturiers Vuillemin de Rouffach et de Colmar y sont représentés ; on aperçoit notre père Henri et son frère Paul porteurs de bérets, les cousins Georges et Jean et leurs parents respectifs.
Francis Vuillemin
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