Les anciens de Rouffach appellent cette rue la Ihlengàss ou Ihlagàss, Ihlagassla, ce qui pourrait faire référence à die Eule, la chouette. Il existe dans plusieurs villes allemandes des Eulengassen, rue des Chouettes. Mais ces Eulengassen pourraient très bien avoir été d’abord des Ulengassen dont la prononciation aurait glissé vers Ihlengassen lorsqu’on a perdu le sens originel de Ulen ? Cette confusion du son « i » et du son « ü » est d’ailleurs très fréquent dans l’allemand ancien…
Mais pourquoi aurait-on donné à une rue le nom d’un oiseau ? Toutes les rues et ruelles de la ville ancienne étaient certainement habitées par ce rapace nocturne, familier des granges et des greniers. Alors pourquoi cette rue-là, justement ?
En plus, ce serait la seule rue ancienne de Rouffach à porter un nom d’oiseau, si l’on excepte l’impasse des Canards, mais ceci est encore une autre histoire…
On désignait bien autrefois des maisons par un nom d’animal, représenté par une enseigne apposée sur la façade de la maison, à une époque où peu de gens savaient lire et auraient pu se repérer d’après les numéros des maisons : das Haus zum Bären, zum Sittikus, zum Helphanten, zum Einhorn, etc… la maison à l’ours, au perroquet, à l’éléphant, à la licorne… Mais aucune de ces maisons n’a donné son nom à sa rue…
Peut-être faut-il chercher ailleurs…
On trouve dans de nombreuses localités allemandes des Ulen Gassen. Une recherche dans les dictionnaires allemands anciens du 18ème et 19ème siècle donne pour le mot Ulen des définitions concordantes :
dans Versuch einer allgemeinen teutschen Idiotikensammlung de Friedrich Carl FULDA de 1788 on trouve : Ul en vieil allemand désigne ein Gefäss, ein Hafen, un récipient, un pot et Ulengasse serait donc une Häfnergasse, une rue des potiers…
dans Althochdeutscher Sprachschatz oder Wörterbuch der alt hochdeutschen Sprachen de Eberhard Gotlieb GRAF de 1834 on trouve comme étymologie de Ulengasse: issu de Ula = Topf et donc Ulengasse = Töpfergasse, weil Ulner (Töpfer) dort wohnten., rue des potiers, parce que des potiers y travaillaient…
Voilà donc une ouverture intéressante : rue Ullin, rue des potiers… Encore faudrait-il pouvoir prouver que dans cette « rue des potiers » habitaient effectivement des potiers… ce qui n’est pas encore fait.
Mais ça reste tout de même une hypothèse séduisante…
Gérard Michel mai 2018