Les ruines fumantes, le lendemain, à l'aurore...
(photo extraite de la plaquette éditée pour le 60ème anniversaire du C.C.St.Arbogast Rouffach)
s’Bangala vu Ruffàch...
Avant la placette de la rue du Tir...
Les plus anciens de la Ville se souviennent d’un évènement qui aura marqué leur enfance : l’incendie du « Bangala », le «club-house» du Cercle Catholique Saint Arbogast de Rouffach, le C.C.A.R., parti en fumée en 1951, dans la nuit du dimanche 19 août, dernier dimanche de la Kilbe. Les locaux du Cercle Catholique et quatre appartements furent totalement anéantis par un violent incendie, parti d’une charrette de grains entreposée sous le porche d’entrée. Quinze personnes se retrouvèrent ainsi sans logis.
19 août 1951: l'incendie du Bangala
Sous le porche de la façade qui donnait sur la Weidengasse était entreposée depuis quelques jours une remorque chargée d’orge appartenant à un agriculteur de Rouffach. Selon les premières constatations, ces céréales n’auraient pas pu prendre feu spontanément : elles ne pouvaient avoir été allumées que par une cigarette jetée par un passant, peut-être un geste délibéré, une hypothèse qui n’est pas écartée par les enquêteurs.
Il était minuit et demi lorsque des passants remarquèrent les flammes s’échapper de la remorque. A cette heure-là, comme c’était le dernier soir de la kilbe, il régnait encore sur la place des fêtes, près de l’église, une grande animation.
Aux cris d’appels au feu répondit rapidement le hurlement strident de la sirène. L’équipe de premier secours du corps de pompiers local fut rapidement à pied d’œuvre. Les soldats du feu branchèrent les premiers tuyaux sur les bouches d’incendie, espérant ainsi pouvoir étouffer les flammes avant qu’elles ne se propagent à la maison. Mais la pression de l’eau de la canalisation dans les tuyaux déployés sur plus de 150 mètres s’avéra insuffisante pour faire face au feu et les flammes se propagèrent rapidement à la charpente de la maison, trouvant dans la charpente sèche de la maison ancienne une proie facile.
Photo Journal l’Alsace 1951
Le corps des sapeurs-pompiers de Rouffach, sous le commandement de Camille Monath, se trouvait là devant une situation nouvelle. Pour y faire face, on mit en œuvre, dans le lit de l’Ombach à l’endroit où le ruisseau se jetait dans la canalisation, deux motopompes auxquelles s’ajoutera plus tard une troisième, de l’hôpital psychiatrique. Douze lances s’attaquèrent au brasier qui s’était étendu sur près de 1000 mètres carrés, tandis que des pompiers, avec l’aide de bénévoles du voisinage, tentaient de mettre à l’abri le mobilier des locataires de la maison. Il fallut deux heures d’efforts pour circonscrire l’incendie. Ce n’est que vers trois heures, que le clairon sonna le rassemblement. Un piquet de garde d’une dizaine de soldats du feu resta sur place jusqu’au matin.
Le service d’ordre avait été assuré pendant toute l’intervention, sous le commandement de l’adjudant Criqui. Etait présent également sur les lieux Monsieur le Maire et Conseiller général Freismuth.
Cette catastrophe a touché quatre familles : M. Raymond Muller, organiste et ses deux sœurs, Mme Kopp-Larras avec trois enfants, les époux Alfred Wittmann avec deux enfants ainsi que les époux Georges Amrein avec également deux enfants.
La municipalité s’est chargée aussitôt de reloger ces personnes sinistrées.
En plus des quatre logements, la grande salle du Cercle Catholique a été gravement endommagée par les torrents d’eau déversés sur la charpente, au point qu’une reconstruction totale sera nécessaire. L’ensemble des dégâts a été estimée à 12 millions de francs, dont seule une petite partie était couverte par les assurances.
Au courant du dimanche après-midi M. le substitut Zambo du parquet de Colmar, ainsi que le juge d’instruction Bourgon se rendirent sur les lieux du sinistre.
Une souscription au profit des sinistrés...
L’incendie de Rouffach a précipité quatre familles dans le malheur. Elles méritent notre compassion et notre soutien. Dès les premières heures du lundi, M. Gerst, secrétaire général de la préfecture de Colmar, s’informa de l’étendue des dégâts et M. Bozzi, sous-préfet de l’arrondissement de Guebwiller se rendit à Rouffach sur les lieux du sinistre en compagnie du Maire Freismuth.
L’administration municipale de Rouffach décida de lancer une souscription au profit des familles sinistrées. Cette souscription rapporta un total de 35.290 francs qui furent redistribuées aux familles. Parmi les nombreux donateurs, l’Union chorale Sainte Cécile de Rouffach qui offrit sa part de la recette, 13.790 francs, d’une audition donnée à l’église par les Petits chanteurs de la Manécanterie Sainte Marie du Havre ! L’Asile de Rouffach, actuel C.H.S., offrit également 16.600 francs.
Le Ministère de l’Intérieur mit à la disposition du préfet de Colmar un crédit de 200.000 francs en vue de l’attribution de secours aux quatre familles sinistrées.
(traduit et adapté d'un article du journal L'Alsace paru après l'incendie de 1951)
Ce que l’on sait de l’histoire de cette maison…
La tentation est grande de penser que cette place vide, à quelques pas des remparts et anciens fossés de la Ville, était celle qu’occupait autrefois la maison des Tireurs de la Compagnie des archers, arbalétriers et arquebusiers de Rouffach. Mais rien n’est moins sûr. Cette compagnie est très ancienne, on en trouve les premières traces dans les archives en 1539 mais elle remonte sans doute à plus loin. Le terrain où ils s’exerçaient au tir et concouraient au « tir à la butte » étant vraisemblablement toujours le même, le fossé de la ville qui partait de la porte de Froeschwiller jusqu’à la Windeck, leur poèle ou « club-house » se trouvait certainement à proximité. Mais où ? Je n’ai pas de réponse à cette question, pour l'instant.
François Boegly, dans sa patiente recherche sur la topographie du Rouffach ancien, a reconstitué l’histoire de l’Armenhaus, la Maison des Pauvres, qui devint la maison du cercle catholique, disparue dans l’incendie de 1951.
Selon François Boegly, cette maison aurait été construite en 1680 par Jean Ulrich Schneider dont le fils, Melchior Schneider la vendit aux époux Boll en 1734.
En 1851, la propriété est vendue aux demoiselles Anne-Marie et Elisabeth Probst qui la lègueront chacune leur moitié indivise à la fabrique de l’Eglise, Elisabeth en 1854 et Anne-Marie en 1855. L’acte officiel de cette donation, en 1862, précise que cette maison devra « …servir, à perpétuité de refuge, pendant le jour, aux enfants pauvres de Rouffach, qui y recevront gratuitement la nourriture avec le concours des personnes charitables de la ville. Si cette œuvre de bienfaisance cessait d’exister, la Fabrique emploierait les revenus de l’Enclos en distributions d’aumônes par le Bureau de Bienfaisance… ».
Le curé Stoecklé, nommé en 1846 à Rouffach où il exercera jusqu’à son décès en 1871, sera, avec « des demoiselles de bonne famille » à la tête de cette œuvre de bienfaisance qui accueillera jusqu’à 80 enfants pour trois repas par jour ainsi que de pauvres invalides hors d’état de travailler et de gagner leur vie.
En 1920, les sœurs de Niederbronn qui assuraient l’intendance de ce petit « orphelinat » depuis 1855 ne pouvant plus subvenir aux besoins matériels de l’institution, elle finira par s’éteindre. En novembre 1919, le vicaire René Ziegler envisage la création d’un Cercle de jeunes gens qui réunirait la jeunesse catholique de Rouffach.
En 1921, ce Cercle Catholique dont les réunions et les premiers entraînements de gymnastique avaient jusque-là eu lieu dans la grande salle du restaurant « Au château d’Isembourg » que son propriétaire, Fridolin Kientz, avait mis à disposition, s’installa dans ses nouveaux locaux, les bâtiments de l’ancien « orphelinat ».
L’aventure du Cercle Catholique Saint Arbogast était en marche, et se poursuivra avec une brillante section de gymnastique, mais aussi de l'athlétisme avec course à pied, lancers et haltérophilie, du théâtre, une batterie-fanfare et même un orchestre symphonique!
De dr. à g., les athlètes Steinbrunner Ernest, Jaeger Antoine, Muller Lucien, Walter Théo.et Hoel Albert
photo extraite de la plaquette éditée pour le 60ème anniversaire du C.C.St.Arbogast Rouffach
Et le poêle de la Compagnie des Tireurs ?
Cette compagnie, et leur maison, existait déjà en 1539 et vraisemblablement bien avant.
En 1718, la maison des tireurs est reconstruite et mise en état (Mémoire AMR EE 3/4)
En 1745 : elle est ravagée par un incendie causé par la foudre «… einen wunderbarlichen Feuerstrall… »
En 1749, elle est reconstruite, on y autorise, selon l’ancien usage, à servir du vin, et à y jouer aux quilles et aux dés… (AMR EE 3)
Tout cela ne « colle » pas avec l’histoire de la maison du Cercle catholique, dont les premiers bâtiments ont été construits en 1680 et semblent être restés à l’usage d’habitation, une ferme avec dépendances.
Mais alors où se trouvait-elle, cette maison de la Compagnie des Tireurs ? Pour l’instant, pas de réponse…
Le champ d’exercice des tireurs de la ville sur lequel se trouvait vraisemblablement également leur poêle, était le canton de fossé qui va de la Froeschwillertor, porte Est de la ville, à la Windeckgass. Ce terrain porte dans les documents le nom de Schießrain, fossé et talus de tir, et il se trouvait «sous» les maisons récentes qui bordent, à gauche côté ville, l’actuelle rue Charles-Marie Widor, anciennement Naegelgrabenweg.
Gérard Michel.
Sources et remerciements:
- une plaquette imprimée par le CCAR à l'occasion du 60ème Anniversaire du Cercle Catholique saint Arbogast, le 22 novembre 1981, aimablement prêtée par Remy MOYSES
- les recherches de François BOEGLY sur L'Orphelinat du Curé Stoecklé, précieuses sources sur l'histoire des maisons de Rouffach, confiées amicalement par leur auteur
- le dossier M5 /J1/ n° 128 /011 sur l'incendie du 20 août 1951 et M2 37 /13 Acta betr. Wohltätigkeitssache: Armenhaus, des Archives municipales de Rouffach, communiqué par Thérèse RUEFF archiviste de la Ville de Rouffach.
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