Raffinage du salpêtre, Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, 1768.
Westhalten, un peu d’histoire…
Westhalten, cité pour la première fois dans une charte en 1103, était auparavant partagée entre la ville de Rouffach (3/5ème) et Soultzmatt, (2/5ème). Un petit cours d’eau traversait le village et séparait la Stattseite, partie appartenant à la Ville de Rouffach et à l’évêque de Strasbourg, de la Thalseite, partie du côté de la Vallée appartenant à Soultzmatt et au chapitre de Lautenbach.
En 1788, les habitants déclarèrent Westhalten commune autonome et élurent leur propre assemblée, mais le village n’obtint son titre de commune qu’en 1818.
Lorsque, avant la Révolution, un document évoque Westhalten, le nom du village est toujours suivi de la mention Stattseite ou Thalseite … Les affaires concernant la partie rattachée à Rouffach sont instruites et jugées par Rouffach.
Stattseite ou Thalseite ?
C’est le cas de cette affaire dont l’objet est la construction d’une « barraque », logement et atelier d’un salpêtrier à Westhalten. Mais de quel côté, Ville ou Vallée ? C’est là qu’interviendra un troisième protagoniste, la Confrérie des Tireurs de Westhalten qui eux avaient déjà fait l’unité !
Le salpêtrier occupait un logement à Westhalten, côté Rouffach, qu’il doit quitter à la requête de la propriétaire. Il est devenu nécessaire de construire un nouveau local pour le logement et l’activité du salpêtrier : en mars 1769, le Bailli Juncker ordonne au prévôt de Westhalten, la construction la nouvelle « parraque » et logement du salpêtrier sur un emplacement, hors le village, se trouvant au-devant de la maison des Tireurs, dans la partie « contre le Rhin »
En août 1773, il est décidé que la nouvelle construction se fera à l’extérieur du village, côté Vallée, sur le Schützenplatz, le champ de tir : les « frères » de la confrérie des tireurs des deux parties du village ont décidé en commun et à l’unanimité de réunir sous le même toit le nouveau logement et atelier du salpêtrier « pour la production de salpêtre au service du roi » et un nouveau local pour la compagnie des Tireurs, l’ancien étant vétuste et exigu.
Le lecteur courageux lira, s’il le souhaite, les diverses ordonnances échangées lors de cette affaire, en évitant de s’embourber
dans les méandres du jargon administratif en usage chez les bureaucrates de l’époque (déjà !)
Le salpêtre, nitrate de potassium, provient des sels minéraux présents dans les eaux souterraines Ces eaux souterraines chargées de ces sels, peut remonter par capillarité dans les vieux murs humides et se déposer à leur surface, formant une couche de poudre blanchâtre.
Depuis le Moyen-Âge, et sans doute depuis l’Antiquité, cette poudre était récoltée par grattage des pierres ou des briques sur et au bas des murs de lieux humides et sombres, vieilles constructions, caves, étables, écuries… Ajoutée au sel, elle servait de conservateur pour la salaison des aliments. Encore aujourd’hui, c’est ce mélange, le sel nitrité, hantise des médecins et diététiciens, qui donne à nos « Knack’s » et notre charcuterie alsacienne leur si belle couleur rose !
La poudre noire ...
Mais l’utilisation la plus importante, était la fabrication de la poudre noire, la poudre à canon, mélange de soufre, de charbon de bois et de salpêtre. Après la Révolution française et les troubles qui la suivirent, les besoins en munitions étaient immenses : les besoins impérieux de cet ingrédient donnèrent lieu à une véritable chasse au salpêtre avec réquisition, souvent brutale, chez les particuliers. Les murs étaient grattés, la terre gorgée de salpêtre, au pied des murs était recueillie pour en extraire, après lessivage et purification, le précieux nitrate.
Jean-Michel Vogelgsang auteur d’un Journal rédigé sous la Terreur résume bien le climat qui régnait dans la ville en 1793 / 94 : …on fouille tous les coins et recoins de la ville… les révolutionnaires ont trois préoccupations majeures : la chasse aux émigrés, les céréales et le salpêtre…
Le premier traitement était réalisé dans la hutte ou cabane du Pulvermacher, fabricant de poudre, appelé également dans les comptes du Magistrat Salbeter Sieder, littéralement cuiseur de salpêtre.
Le monopole du salpêtre…
Vu son importance stratégique, la production et le commerce du salpêtre ont été l’objet de réglementations strictes et devinrent un monopole jalousement protégé, comme celui des taxes sur la chasse et la pêche, l’exploitation des mines, que l’évêque de Strasbourg Egon de Fürstenberg défend âprement, en 1682, contre les prétentions de la couronne de France…
Et à Rouffach ?
Rouffach avait certainement sa « barraque ». Les comptes du Magistrat mentionnent les dépenses et recettes du salpêtrier, mais les archives ne m’ont pas permis, pour l’instant, de découvrir l’emplacement. En théorie, elle devrait se trouver en périphérie de la Ville, même si le salpêtre n’est pas, seul, explosif. Mais apparemment, le salpêtrier était également fabricant de poudre…
Peut-être dans la ruelle baptisée Zieghüssgässle, rue de l’Arsenal ? Un arsenal dans une zone habitée, j’ai des doutes ! Peut-être, plus vraisemblablement près de la maison du Tir et des Tireurs, Schießhauss, attenante au Schießrain ?
Les compagnies d’archers, arbalétriers et arquebusiers…
Tout cela nous rappelle la vitalité des Confréries d’archers, arbalétriers et arquebusiers qui animaient nos villages et nos villes, compagnies de tir « sportif », ouvertes à tout bourgeois et fils de bourgeois de bonne moralité. Ces compagnies participaient régulièrement à des compétitions amicales les opposant à d’autres compagnies, souvent loin de chez eux et les tireurs se retrouvaient après l’exercice pour des moments de convivialité dans leur « club-house ». Mais cela se passait au « beau seizième siècle » : en cette fin du 18ème siècle, période très instable, les compagnies de tireurs avaient sans doute plus l’esprit à la défense des remparts de leur ville ou des fossés de leur village qu’à une compétition sportive, même si l’enjeu en était un bœuf !
Gérard Michel
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Archives municipales de Rouffach, A.M.R. A / DD 28 :
Construction d’une baraque de salpêtrier au village de Westhalten.
Copie de l’ordonnance au bas de la requête présentée à Monseigneur de Blair, conseiller d’Etat, intendant de justice, police et finances en Alsace, par Anne-Marie Wurth, veuve de Valentin Jenny, vivant bourgeois laboureur de Westhalden.
4 décembre 1768
Nous, conseiller d’Etat, Intendant d’Alsace, aiant aucunement égard à la demande et y faisant droit, ordonnons que le salpêtrier actuellement établi à Westhalden, dans la partie dépendante de de Rouffach sera tenu d’évacuer à l’époque du 1er mars prochain la partie de la maison qu’il occupe appartenante à la suppliante sauf au prévôt du dit lieu, à moins que la fouille des terres de toute la communauté ne soit achevée à la dite époque, à loger le dit salpêtrier dans la partie dépendante de Soultzmatt, conformément à l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 juin 1766 et à lui faire construire la barraque prescrite par le dit arrêté pour lui servir d’attelier et ce sur la place qui sera indiquée à cet effet par le Sieur Bailly de département auquel nous ordonnons que le dit Prévôt s’adressera à cet effet ; ordonnons en outre, à peine par le dit Prévôt d’en être personnellement responsable, que le loyer du logement actuellement occupé par le salpêtrier sera payé à la suppliante par le dit salpêtrier jusqu’à l’époque du 1er mars et que celuy de l’emplacement qui lui tient lieu de barraque le sera par le Bourgemaître en exercice à dire de l’expert qui sera nommé par le dit Bailly de département.
Fait à Strasbourg le 4ème décembre 1768
Signé à l’original : de Blair
11 mars 1769
Vu par nous, François Leopold Juncker, Bailly des Ville et Baillage de Rouffach, commissaire en cette partie, l’ordonnance de Monseigneur l’Intendant du 24 décembre 1768 par laquelle il est ordonné entre autre chose que conformément à l’arrêt du Conseil d’Etat du 8ème juin 1766, il sera construit dans la commune de Westhalten, sur le côté de Soultzmatt, une barraque de salpêtrier pour luy servir d’attelier, et ce sur la place qui serait par nous indiquée, et attendu que par les vériffications que nous avons fait faire il résulte que la dite barraque pourrait s’établir plus commodément que par tout ailleurs, sur la place qui forme un emplacement hors le village audevant de la maison des tireurs dans la partie vers le Rhin.
Nous, Baillÿ et Commissaire surdit, avons ordonné qu’à la diligence du Prévôt de Westhalten, il sera incessamment procédé à la construction d’une parraque de salpêtrier pour luy servir d’attelier, conformément au dit arrêt du Conseil d’Etat sur l’emplacement hors le village se trouvant audevant de la maison des tireurs audit Westhalten, dans la partie contre le Rhin, apeine pour ledit sieur Prévôt d’en répondre en son propre et privé nom pour quel effet nous l’avons authorisé à se procurer les matériaux nécessaires pour la dite barraque et à payer les frais de la construction sur le mémoire des ouvriers qui sera par nous ratiffié à charge de luy en être tenu compte, suivant qu’il sera par nous réglé en fin de cause
Fait le onze mars mil sept cents soixante neuf
Signé à l’original : Juncker
Pour coppie collattionnée et conforme aux originaux
Signé : Probst fils, greffier ès affaires du département
14 décembre 1773
Il est ordonné au sieur Gall, receveur des deniers patrimoniaux de cette ville de payer à Valentin Schreiber, bourgemaître de Westhalten le somme de cent trente livres seize sols pour les trois cinquièmes de celle de deux cents dix huit livres compris dans l’adjudication du 1er aoust dernier faite pour raison du logement et attelier du salpêtrier au dit lieu, le tout authorisé par les ordonnances de Monseigneur l’intendant transcrit cy dessus et des autres parts, laquelle somme il portera en dépense de son compte qu’il a à rendre et luy sera allouée en rapportant les présentes quittances
Fait à Rouffach le 14ème décembre 1773
Signé à l’original : Juncker, Ketterlé, Baur et Bilger
Collationné et trouvé conforme aux pièces représentées par le soussigné greffier notaire à Soultzmatt le 16ème décembre 1773
Burger, greffier
12 août 1773
Heüt dato den zwölften Augst tausend siben hundert dreÿ und siebenzig, Vormittag, erscheinen vor dem Thahlschreibern des Thahls Sultzmatt, die erhrsamen Valentin Schreiber als diesjähriger Schützenmeister zu Weshalten, wie auch die Scheibenschützen zu ernantem Westhalten, sowohl der Statt als Thahlseithen, welche ins gemein und jeder von ihnen, insonderheit für sich und alle ihre Nachkommen Scheibenschützen zu ernantem Westhalten, declariert und angezeigt wie dass ernanter Thahlschreiber aus Verordnung Ihro Gnaden Herrn Herrn Baron de Blair, Intendant im Alsass den 1en dises lauffenden Monats die Adjudication au rabais oder wenigst bientendem, einer neü zu erbauenden Salpeterhütte und Werkstatt zum Salpeter für den Dienst des Königs zu sieden vorgenommen, auff dem Schützen Platz, außerhalb dem Dorff zu stellen und zu erbauen, da der Schützen Gesellschafft alda stehendes Häusslein sehr alt und auch zu klein, haben sich die Schützenbrüdern sich zuvor unterredet und mit einander über eingestimmet, die neü zu erbauende Salbeterhütte zu machen zu übernemmen, damit das Schützenhaus mit der Salpeterhütte Werkstatt miteinander mit Zeigmauren gemacht überein stimmet wie in vorstehendem Versteigerungs Procès-Verbal die Bedingnüssen mit mehrerem zu ersehen und in der Ratification derer Herrn von Ruffach und Sultzmatt ahngemerckht, wann auch die Scheibenschützen Brüdern gemeltes Gebaü böldest zu stellen und für ewig in gutem Standt in allen begebenden Fällen zu unterhalten, also das die haubt Gemeinden Rufach und Sultzmatt zu keiner Zeiten von keinem Salbetersieder wegen einiger Logierung noch Hütte in nichstem ersucht werden mögen wegen denen zweÿ hundert achtzehen Livres so die Westhalter Schützengesellschafft empfangen und bekommen, beÿ Vermeidung aller entstehenden Kosten und Schaden, zu Sicherheit wesen die Schützenbrüdern zu Westhalten sowohl ins Gemein als in Besonder von jetzt ahn für alle künfftige Zeiten für sich und alle ihrer Nachkommen versetzen und verpfänden neben der general Versetzung der Schützengesellschafft allen Zünfften annoch in Spene und par Privilege gemelt ihr oben im Dorff gelegen Schützenhausgebäu, Platz und allen Zugehörten mitRecht und Gerechtigkeiten, ohne dass die General der Special Verpfändung oder diese jener einigen Abbruch thun mag, mit Renonciation allen hierwider strebenden Gericht und Rechten… sonderlich denen Beneficien Divisionis Discussionis und Fidejussionis so ihnen erclärt worden, zudeme solle der Statt Ruffach und Gemeind Sultzmatt als denen Haubtorthen jeder eine Collattionierte Abschrifft hiervon umb mehrer Sicherheit Willen eingelieffert werden.
So beschehen und abgelesen zu ernanten Westhalten, vorermelten Tag 12ten Augstmonat 1773. Dessen zur Wahrheit, der Schützenmeister mit denen Scheibenschützen sich in Gegenwarth H. Schilling Schultheiß und einem Geschworenem, auch zweyen Gezeigen und Thahlschreibern unterschrieben und unterzeichnet haben, als befinden sich in der original Minutte unterschrieben:
Valentin Schreiber, Johannes Brun, Johann Jacob Pfihl, Joseph Hügel, Blasi Sutter, Michael Gress, Martin Burgenat, Blasi Meistermann, Johannes Müller, Antoni Brun, Andreas Weber, Joseph Friess, Mathias Huntziger, Antoni Weber, Lucas Wüschlin ist mit einem Ring mit einem Creütz unterzeichnet, ferner unterschrieben Ludwig Weibel und Michael Köhler, weiter unterschriben im Nahmen der Gemeind Westhalten ./. Schilling Schultheiß, Johannes Daller, Theobald Dettwiller als Zeig, Blasius Braun als Zeig, Ludwig Weibel und Burger, Thahlschreiber mit Handzug. ./.
Collationniert
Burger, greffier
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