Ci-dessus, le portail de la collégiale Saint Thiébaut de Thann
Jean-Michel VOGELGSANG, prêtre rouffachois, est l’auteur d’un Journal dans lequel il témoigne des événements qu’il a observés dans sa ville tout au long des années de Terreur. Prêtre réfractaire ou non-jureur, à la Constitution civile du Clergé, promulguée en juillet 1790, Jean-Michel Vogelgsang est contraint à la clandestinité : la vie d’un prêtre réfractaire, s’il est dénoncé et retrouvé, se termine souvent sur l’échafaud. Dès lors, il vivra caché, fuyant d’une maison amie à une autre, ou terré dans la maison familiale, dans l’actuelle rue Poincaré, caché sous le plancher du grenier. Il poursuivra cependant son ministère, visitant les malades et administrant les mourants, se déguisant parfois en femme pour ne pas être repéré…
Portail ouest de Rouffach: les voussures et consoles vides et une fausse gargouille décapitée...
A la date du 9 décembre 1793, Jean-Michel Vogelgsang, nous offre un des très rares témoignages sur ce qu’était le grand portail ouest de l’église Notre-Dame de Rouffach avant que la folie des patriotes rouffachois ne décide sa destruction :
… un chef d’œuvre qui n’avait de pareil que celui du portail de la cathédrale de Strasbourg et qui représentait le Jugement dernier...
... le matin, tous les maçons et tailleurs de pierre avaient été convoqués au pied de l’église. On leur donna l’ordre d’arracher et de briser toutes les sculptures, toutes les croix, représentations des saints et tout ce qui avait trait à la religion catholique. A dix heures du matin trois ouvriers maçons s’affairaient à briser les sculptures du grand portail, un chef d’œuvre qui n’avait de pareil que celui du portail de la cathédrale de Strasbourg et qui représentait le Jugement dernier. Une grande quantité d’autres précieuses statues, qui se trouvaient à l’intérieur de l’église et en particulier dans le chœur furent également saccagées. Le cimetière avait été, deux jours plus tôt, transformé en un immense champ de ruine. Les habitants de Rouffach avaient mis en lieu sûr les pierres tombales et les croix des tombes familiales. Mais tout ce qui n’avait pas été emporté ou n’avait pu l’être fut réduit en morceaux. Il était question d’aménager un nouveau cimetière devant la porte de Froeschwiller.
L’après-midi les gardes nationaux procédèrent à la démolition des 10 autels de l’église, qui, bien qu’étant en bois et non en pierre, étaient tous de magnifiques chefs d’œuvre de la sculpture. Les grandes statues, portées par trois ou quatre hommes, furent placées devant l’église où le capitaine des soldats les tourna en dérision, leur posant des questions, crachant sur elles ou les frappant au visage... voilà jusqu’où allait le blasphème...
B.N.U. Strasbourg cote MS 858 (réserve) et collection privée
La façade mutilée de Notre-Dame de Rouffach:
Les gens de Strasbourg étaient-ils moins patriotes que ceux de Rouffach ? … les tympans de la cathédrale Notre-Dame et celui de Saint-Pierre le Jeune ont traversé sans dommage la Révolution… Et ceux de Sainte Foy de Sélestat, de Saint Martin de Colmar, Saint Léger de Guebwiller, Saint Thiébaut de Thann, ont été épargnés ou moins touchés par l'hystérie dévastatrice d'une poignée de patriotes trop zélés …
Le tympan de la cathédrale de Strasbourg
La population de Rouffach suit avec beaucoup d'intérêt les travaux de restauration des façades de l'église Notre-Dame et redécouvre la blondeur initiale de la pierre des carrières du Strangenberg qui a servi à sa construction. Les voussures du portail ouest ont été soigneusement débarrassées des mousses, de la crasse et des déjections de pigeons qui les avaient noircies. Le travail d'extrême précision des restaurateurs a permis de redonner son éclat au délicat entrelacs de feuillage qui orne ces voussures, les consoles et l'encadrement de la porte et même de retrouver des traces d'une polychromie ancienne! Mais ce nettoyage n'aura pas permis de retrouver le moindre vestige du riche décor sculpté ancien, définitivement perdu...
Liens vers Jean-Michel Vogelgsang Journal d'un prêtre sous la Terreur:
Cliquez sur l'un des liens suivants:
- première partie (1792)
- seconde partie (1793)
Gérard Michel