Deux lépreux se voient refuser l'entrée dans une ville.
Enluminure du XIVème siècle.
Rouffach possédait autrefois trois hospices : l’hospice du Saint Esprit, fondé en 1270, l’hôpital Saint Jacques, fondé en 1290, et la léproserie, dont l’histoire est restée jusqu’à présent peu étudiée. Une rue de Rouffach, à l’Est de la ville, parallèle à la Rue de la Gare, porte aujourd’hui le nom de Rue des Bonnes Gens, la rue des lépreux. Elle rejoint à angle droit la Rue du Vieux Moulin. Le moulin dont il s’agit est aujourd’hui disparu, c’est l’ancien moulin de la Lauch, voisin d’un moulin à chanvre ou d’une fosse destinée au rouissage du chanvre. La maladrerie de Rouffach aurait donc pu se situer à proximité du confluent de la Lauch et de l’Ombach, le ruisseau qui après avoir traversé toute la ville, en sort tout près de la porte de Froeschwiller, pour se diriger vers l’Est.
La léproserie n’est pour le malade qui y séjourne qu’un asile, qui fournit un toit, le chauffage en hiver, un peu de nourriture et un mobilier sommaire, souvent laissé par un malade décédé. Il y est relégué plus que soigné : les archives de Rouffach n’ont pas permis de trouver, dans l’état actuel de nos recherches, la trace de soins pour soulager les malades et on peut raisonnablement penser l’essentiel des soins prodigués dans les léproseries étaient d’ordre spirituel, par la présence d’un prêtre, des offices religieux, des prières.
Le lecteur trouvera ci-dessous un extrait du Registre d’audiences et sentences du Magistrat 1570-1573 ( A.M.R. A / BB 8) qui évoque l'admission à la léproserie de Morand Banwarth. Il s'agit d'un court extrait qui permettra cependant au lecteur de découvrir quelques aspects de la vie dans une maladrerie: il pourra se reporter à un article plus complet sur obermundat.org en cliquant sur le lien Lèpre, lépreux et léproseries à Rouffach
La léproserie "de la rue des Bonnes Gens", sur le plan de Sebastian Münster
Transcription du texte original :
Rath gehalten uff Zinstag nach Lucie et Othilie Anno LXXI (13 décembre)
Ein ersamer Rath hat Morandt Bannwarten, Hansen Banwarts Burgers alhie Sun, so zu Colmar für unrein unnd malzig erkanth worden, inn das Gutleudt-Huss angenommen, doch Im allein Huss-und Herberg zu geben, unnd denn Geligen, sunst git man Im kein Pfrundt, dwÿl er nits darin bringt, mag er sich mit dem Allmüsen samlen erneren.
Traduction :
Un (honorable) conseil a accepté d’accueillir à la léproserie (dans la maison des Bonnes-Gens) Morand Banwarth, fils de Hans Banwarth, bourgeois de Rouffach, lequel a été reconnu impur (unrein) et malade de la lèpre (malzig).
Mais comme il n’apporte aucun bien à la léproserie, on ne lui accordera que l’hébergement et le couchage et il devra s’assurer sa nourriture par la collecte des aumônes…
Notes et commentaires :
Le document précise que Morand a été reconnu lépreux : la personne suspecte d’être atteinte est souvent désignée par la rumeur publique ou une dénonciation.
Cette rumeur conduit à l’arrestation, au domicile du suspect, ainsi qu’en témoigne un document de 1506 conservé aux archives municipales de Rouffach, intitulé …Wie man Maltzen besehen soll… , (de la manière dont il convient d’examiner un lépreux).
Le malade n’est cependant pas, tout au moins à Rouffach, conduit tout de suite à la léproserie: à la demande du Magistrat, il est d’abord examiné par une commission d’experts comprenant un ou plusieurs médecins, des chirurgiens barbiers et quelques autres témoins, représentants du Magistrat. Ces commissions siègent à Colmar, Strasbourg ou Fribourg et à l’issue de l’examen du malade, délivrent un certificat attestant sa maladie (malzig, unrein) ou sa bonne santé.
Pour être admis à la léproserie, le malade doit y apporter son « trousseau» mais aussi un capital qui lui permettra de bénéficier d’une prébende, die Pfründt, une rente qui lui sera versée régulièrement et lui permettra de subvenir à ses besoins tout le temps que durera sa présence. (habituellement, entre quarante et deux-cent livres pour une prébende complète)
Or Morand Banwarth ne peut pas bénéficier de cette rente puisqu’il ne dispose pas, apparemment du capital nécessaire : il dépend de la générosité publique et est contraint à la mendicité.
Gérard Michel
Pour une information plus complète sur la vie hospitalière à Rouffach du Moyen-Âge à la période contemporaine le lecteur pourra se reporter aux ouvrages de François Boegly
Histoire de la maison Saint-Jacques
chez Jérôme Do. Bentzinger,
tome 1, 286 p., 2005, tome 2, 291 p., 2007 et tome 3, 2013