Un hôpital au Moyen-Âge
(document kleio.org Alltagsgeschichte des Mittelalters)
Vers 1180, Guy de Montpellier (1160-1208) fonde l'ordre des Hospitaliers du Saint-Esprit et de la confrérie du Saint-Esprit dont la vocation est d'accueillir tous les déshérités de la vie, les enfants abandonnés, les pauvres et les malades. L’ordre se répandit rapidement dans toute la chrétienté, surtout en Italie et en France, avec près de 800 maisons. En Allemagne, il y en eut beaucoup moins, une dizaine, surtout en Allemagne du Sud : le premier et le plus important d’entre eux était situé en Alsace, à Stephansfeld, fondé vers 1210, au sud de Brumath. En 1270 est fondée une filiale de Stephansfeld, l’hôpital du Saint Esprit de Rouffach, que l’on appellera altes Spital, le vieil hôpital, pour le distinguer du neues Spital, le nouvel hôpital, l’hôpital saint Jacques, cité pour la première fois en 1311.
L’établissement de Rouffach comportait plusieurs bâtiments : la chapelle, l’hospice séparé de l’hôpital par le passage de l’Ombach, des bâtiments annexes servant de logement, le moulin à farine et sa boulangerie sur le même Ombach et une cour dimière dans la rue Ullin. Au XVIème siècle, l’hôpital possédait toute l’actuelle rue des Bouchers, de nombreuses maisons dans la ville, une part des revenus de l’Isenburg ainsi que des terres et des propriétés qui s’étendaient bien au-delà des limites du Mundat.
Le XVIIème et le XVIIIème siècle furent une période de déclin et en 1791 l’hôpital ainsi que la petite église furent vendus à un particulier : l’hôpital du Saint-Esprit avait cessé d’exister…
Aujourd’hui, il ne reste de ce vaste ensemble que le nom de la ruelle qui en longeait un des côtés, la ruelle du saint Esprit. Tout le reste a disparu ou a été profondément restructuré.
Peu d’archives anciennes de l’hospice du saint Esprit de Rouffach ont été conservées, transférées au fil du temps vers l’établissement de Stephansfeld, dispersées et perdues pour la plupart.
Les archives municipales de Rouffach conservent cependant un document rare qui permet, indirectement, de pénétrer dans le quotidien d’un hôpital de la première moitié du 15ème siècle : il s’agit d’un procès-verbal consignant les dépositions d’une quinzaine de bourgeois de Rouffach, de membres du Conseil, du curé de la paroisse et même de l’abbé de l’abbaye saint Grégoire de Munster, appelés à témoigner dans une procédure opposant Schultheiss et Magistrat de la Ville à Jos. von BADEN, Maître de l’hospice du Saint Esprit de Rouffach.
De quoi s’agit-il ? De tensions et désaccords entre les deux parties, mais on ne saura rien de plus et on ne saura pas le fin mot de l’affaire : nous laissons au lecteur le plaisir de deviner, au fil de la lecture des différents témoignages, ce qui a bien pu se passer…
Mais surtout, la lecture attentive des témoignages successifs lui fera découvrir une multitude d’indices qui, mis bout à bout, lui permettront d’imaginer ce que pouvait être la vie quotidienne d’un hôpital du Moyen-Âge…
Hôpital du Saint Esprit Rouffach A.M.R. AA9, 1460
Commentaires sur le texte :
Déposition de Diebolt SCHEFFER, le tailleur, plus de (ob) 60 ans
- il se souvient qu’il y a cinquante ans, il y avait dans l’hôpital quatre lits, que des malades (Siechen) y étaient étendus, qu’il s’y trouvait des chaises et qu’une Kellerin [1] les veillait et les soignait.
- il y avait un Maître, il s’appelait Bechtolt von PFORTZHEIN et il y avait avec lui un « Herr » de l’Ordre (du saint Esprit) qui s’appelait « der toub Her HANNS » (toub = sourd)
- à cette époque là, il y a de cela 52 ans, les malades étaient soignés, nourris, lavés (mit zwahen[2]) « so die genesen wollten » .[3]
- les volets « die Laden » étaient ouverts, de telle sorte qu’on pouvait voir les malades et que des personnes pieuses pouvaient leur rendre visite.
- lorsqu’on voulait administrer le saint sacrement (mit dem heiligen Sacrament) aux malades, c’était l’église Notre Dame qui les administrait et les maîtres de l’hospice suivaient (derrière le malade défunt)
- on se servait d’un brancard spécial qui comportait des pieds ouvragés (mit getreygten Stollen) et d’une toile (un linceul) dans laquelle on portait le malade jusqu’à sa tombe
- les « Spittalherren » suivaient en cortège la dépouille du défunt jusqu’à la tombe et leurs cloches sonnaient également (celles de la chapelle de l'hôpital).
- il avait entendu dire qu’on avait trouvé de l’argent chez des malades défunts et le bruit courait alors que l’hôpital ne les avait pas hébergés pour rien...
Note: Le petit nombre de lits, pour un hôpital, ne doit pas surprendre: l'usage était de coucher à plusieurs dans un même lit, comme on peut le voir sur la miniature reproduite ci-dessous.
Pestiférés soignés dans un Hôtel-Dieu, fin XVème siècle
Ce que BECHTOLT avait dit, son successeur Wernher NORTWIN l’a épété, en particulier :
- le portillon de la cour de l’hospice qui donne vers l’Ombach et (aussi celui qui donne) vers l’avant était ouvert de jour comme de nuit
- de même il dit que les « Winleyttern » étaient toujours fermées par une chaîne. Il évoque également die großen Ladbaum inwendig in der Kilchen. Winleytter ou Weinleiter (également Schossel ou Schrotleiter) désigne die kurze, starke leiter, mit der Weinfässer geschrotet werden, une échelle courte et solide qui sert à charger et décharger les barriques de vin. Quant à Ladbaum, il s’agit d’une longue pièce de bois utilisée dans le chargement des chariots… Dans un inventaire de l’église de l’ordre du Saint Esprit nous avions déjà été intrigués par la présence insolite de ces deux objets enchaînés entreposés à l’intérieur d’une église, sans trouver de véritable réponse.
Ce qu'a dit Diebolt SCHEFFER son frère Thoman l’a dit également...
Déposition de Peter WECKLIN le vieux, âgé de plus de soixante ans
- il y a environ cinquante ans, on a apporté un malade sur une charrette. A la porte de l‘hospice, près de la maison de Keiserlin, on a détaché le cheval. Les Kellerin ont accueilli le malade et l’ont transporté à l’intérieur de l’hospice. On a mené le cheval à l’intérieur, dans la cour de l’hospice, et la charrette est restée à l’extérieur. Le cheval lui, resta avec le malade et ne fut jamais rendu.
- il sait que l’hôpital était tenu ouvert de jour comme de nuit
- il avait aidé un certain Hymelin, qui avait assassiné un homme, à se réfugier à l’intérieur de l’hospice, il pensait qu’il y serait à l’abri dans la cour. Mais le Maître de l’hospice avait dit que la cour n’était pas un refuge, puisqu’une route la traversait de part en part. C’est ainsi que ce Himeli fut jugé et condamné selon la loi.
Déposition de Clevi RETTICH
- il a vu de nombreuses fois des malades allongés dans l’hospice
- il y a vu un brancard appartenant à l’hospice
- il dit avoir entendu (!) qu’il devait y avoir une rue qui traversait de part en part (...und gehort hab dass ein durgonde Stross dadurch gewesen sin solle...)
Déposition de Peter KILWART 70 ans
- il a vu lui aussi dans l’hôpital, les lits et les malades qui s’y trouvaient étendus
- il a vu qu’ils étaient soignés par les « Spittal Botten » [4]
- il a vu que les nobles de SCHOENAU, d’autres nobles ainsi que des bourgeois honorables donnaient généreusement aux malades
- il s’y trouvait un prébendier « Pfründer » qui s’appelait Henny KUNIG „hab er gesehen die Siechen uf Stüle haben zu Ire Notdurfft und der Siechen also da gewartet sig“
Déposition de Clewi OCHSENBACH, 70 ans
- il dit avoir vu les lits, le brancard, avoir vu aussi de nombreux malades étendus
- il dit qu’on les soignait et qu’on faisait pour eux tout ce qu’il était possible, das Best geton
- il dit aussi qu’on les accueillait : en particulier l’un d’eux qui devait partir à la guerre (?) sonder wurde einer im velde geschlagen n’avait aucun endroit où aller : le Maître de l’hospice l’a envoyé chercher avec sa propre charrette et fait conduire à l’hospice où, avec ses « Botten » il l’a soigné du mieux qu’il pouvait.
Déposition de Henne WARMHALT le vieux, lui aussi âgé de 70 ans
- il dit en tous points comme ont dit Diebolt et Thoman SCHNYDER, au sujet des lits, des malades, du brancard et qu’il n’avait jamais rien entendu d’autre sinon que la cour de l’hôpital était ouverte de jour comme de nuit et qu’il y avait une rue qui la traversait de part en part.
Déposition de Hanns BRUN, lui aussi âgé de 70 ans
- il dit n’avoir jamais rien entendu d’autre que la cour de l’hôpital était tenue ouverte de jour comme de nuit par tous les Maîtres de l’hôpital, bitz an Her JOSEN
- il dit que tous les malades étaient accueillis et soignés par les « Spittal Boten », qu’il y avait des lits, que les volets étaient ouverts, ce que Diebolt et Thoman SCHNYDER avaient déjà dit auparavant.
- il dit de Claus PORTNER (un des Meister de l’hôpital ), qui était un homme très pieux : lorsqu’il passait à table il demandait aux Kellerin si les malades avaient mangé. Si la réponse était oui, alors il se mettait à manger à son tour. Si la réponse était non, il refusait de manger avant que les malades soient servis et qu’ils aient mangé. Quand ils étaient servis, alors seulement il mangeait..
Déposition de Bertsch HOCK, lui aussi âgé de 70 ans...
- il dit qu’il a vu quatre lits et des malades qui y étaient couchés
- il dit qu’il y avait un Maître de l’hospice, nommé Claus PORTNER, il avait une Kellerin qui filait, assise avec les malades et qui les soignait.
- des gens passaient continuellement dans la cour et personne n’en était empêché...
Déposition de ERHART, der Bott, lui aussi âgé de 70 ans
- il dit que son défunt père était décédé à l’hospice, du temps où BECHTOLT était Maître à l’hospice. Auprès de lui (BECHTOLT) il y avait « ein Herr » un religieux (?) muet (touber Mann), nommé Herr Hanns. Son père (celui de Hanns ?) fut admis à l’hospice et n’y resta pas plus d’une nuit et y mourut. L’hôpital prit tout ce qu’il possédait et il ne lui resta absolument rien de son père, tout revint à l’hospice. Il dit aussi qu’il avait vu dans l’hospice plusieurs lits et des malades qui y étaient allongés et qu’on les soignait, comme ont dit les autres...
Déposition de Ullin TENTZLIN
- il dit qu’il se souvient qu’il y a quarante ans et plus, sa mère soignait les malades de l’hospice. C’est la raison pour laquelle on lui loua la maison qui se trouve en face de celle de Hennslin ZIMMERMAN et elle lui fut laissée toute sa vie durant sans qu’elle eût à en payer de loyer. Elle devait soigner les malades et l’hôpital lui fournissait repas et boisson ainsi que la maison où elle habitait et qui appartenait à l’hospice...
Déposition de Hans von Fribourg
-
il déclare avoir vu des malades dans l’hôpital, trois ou quatre, et des Kellerin qui les soignaient et que des gens honorables de la ville portaient de la nourriture aux malades et des lits (là où le verrier avait fait démolir une partie et avait construit son échoppe ?).
Déposition de Hanns BUMAN
- il déclare se souvenir parfaitement que trois ou quatre lits étaient placés là et il avait vu des malades qui y étaient couchés et que le Spittal Bott (le valet de l’hospice) soignait. Il y avait aussi des chaises sur lesquelles les Kellerin étaient assises et veillaient sur les malades et il avait vu qu’elles leur donnaient à manger. Il dit aussi que les volets étaient ouverts et que d’honorables bourgeois venaient offrir leur aide à l’hospice...
- il dit aussi qu’à cette époque des malades étrangers avaient été envoyés chez certains Maîtres de l’hospice pour y être reçus et que ces Maîtres avaient refusé, en disant que les bourgeois gardaient les malades dans leurs maison aussi longtemps qu’ils possédaient quelque chose et qu’au moment où ils n’avaient plus rien, l’hôpital devait les recevoir. Mais l’hôpital les refusait car ceux qui les entretenaient alors qu’ils possédaient quelque chose devaient aussi les entretenir maintenant qu’ils n’avaient plus rien. A la suite de cela, il fut dit aux gens dans la ville que personne ne serait hébergé à l’hospice plus d’un jour ou d’une nuit.
- pour ce qui était de la cour de l’hôpital, si elle était ouverte ou non et s’il y avait un passage qui la traversait, il n’en savait rien...
Déposition de membres du Magistrat
N. SCHNELL :
- il dit les mêmes choses que les frères Thiebolt et Thoman SNYDER ainsi que Henne WARMHALT.
- il est question de « die QUEST » [5] mais le texte de la déposition reste très confus...
Hans RULIN
- il est toujours question de cette Quest
- il a vu et entendu dire que cette Quest (quête) a eu lieu (?)
Déposition de Walther KUSSPFENNIG
- Nous, Hans RUDOLFF, abbé de Munster dans le val Saint Grégoire, attestons par cette lettre que ce jour, en date de cette lettre, a comparu devant nous l’honorable Arbogast KEFFER, sergent messager du Magistrat de Rouffach qui à la demande du prévôt, du Burgmeister (ou alors s’agit-il des maîtres des tribus ?) et du Magistrat de la ville de Rouffach, nous a informés de tensions, désaccords... entre Jos. von BADEN, actuel Maître de l’hôpital du Saint Esprit de Rouffach et les prévôt, Meister et Magistrat précédemment cités. Il sollicite notre arbitrage (?) et demande le témoignage (l’intervention) de notre Kammerer [6] de Munster, l’honorable Walther KUSSPFENNIG.
- Nous, Hans RUDOLFF, abbé de Munster, avons fait venir devant nous le sus-nommé Walther (KUSSPFENNIG) et nous l’avons prié de dire toute la vérité dans cette affaire, ainsi qu’il y est tenu par son obéissance à notre ordre et à Saint Benoît, en toute impartialité (sans intention de nuire ou de favoriser) et par la seule volonté de la vérité et celle de Dieu...
- Le sus-nommé Walther (KUSSPFENNIG) nous a dit qu’il savait, alors qu’il „in der Zitt als er an geleit sige zu Ruffach “, qu’il y avait en ce temps là un Maître à l’hospice du Saint Esprit qui se nommait BECHTOLT.
- De ce dernier, il avait appris qu’il avait eu un prédécesseur Maître de l’hospice, qui s’appelait Claus LEO. Quand un malade venait dans l’hôpital en hiver, ce dernier le faisait monter (so neme er In hinuf) dans sa « chambre ».
- Ce même BECHTOLD avait fait installer dans l’hospice un autel pour les malades (Siechen) qui étaient hébergés à l’hospice afin qu’ils puissent voir le Saint Sacrement depuis leur lit et qu’il y avait à cette époque quatre couchages dans l’hospice. Si l’autel était consacré ou pas, il ne le sait pas. (cet autel, autrefois extérieur, existe toujours, aujourd'hui inclus dans l'actuelle propriété Walter, anciens locaux de la Sogest. D'après le témoignage du curé Schifferstein, cet autel n'aurait plus été en service depuis bien longtemps, en 1460)
- Il sait aussi, de l’avoir entendu dire par les « Spittalherre » de Ruffach, que si un malade « Siechen » pauvre et étranger venait à Rouffach, le maître (de l’hospice) était tenu de l’accueillir avec des égards (avec bienveillance, gütlich) et de faire pour lui ce qui était en son pouvoir.
- Si ce malade vient à décéder, tout ce qu’il possède revient à l’hospice et le Maître de l’hospice doit lui prodiguer les derniers sacrements et ses obsèques doivent être célébrées à l’église Notre Dame. Le maître de l’hospice doit donner un schilling au croque-mort et il ne doit rien d’autre ni au clergé de l’église ni au croque-mort. Dans le cas où c’est un malade natif de Rouffach qui décède, le Maître de l’hospice ne doit rien à l’hospice.
Fait le mardi qui suit le jour de Pâques 1460, avec le sceau de Hans RUDOLFF, abbé de Munster.
Déposition de Heinrich SCHIFFERSTEIN, curé de Rouffach
- il a été informé par le prévôt et le Magistrat de Rouffach qu’il y avait des tensions (etwas Spenn) entre eux, prévôt et Magistrat et les Maîtres de l’hospice du Saint Esprit, au sujet de l’hospice (Spittalschafft) ....
- le prévôt et le Magistrat de Rouffach l’ont prié de témoigner de tout ce qu'il avait pu voir et entendre à ce sujet :
- il se souvient très bien qu’il y a quarante ans et même plus longtemps, il y avait en permanence des malades (Siechen), pauvres et misérables dans l’hospice du Saint Esprit de Rouffach (im Siechhus) qui touche au ruisseau (le long de l’Ombach). [7]
- des personnes circulaient et passaient devant les malades (Siechen) et distribuaient des aumônes, du pain, du vin, du lait, des fromages, du beurre (Ancken) et des soupes.
- il a également vu et connu dans le dit hospice, une religieuse de l’ordre du Saint Esprit que l’on appelait « la lombarde » (die vom Lamparten) qui s’occupait beaucoup et souvent de ces malades (Siechen und krancken Menschen).
- il a également vu les lits à sangles (Spanbedt) sur lesquels étaient étendus à cette époque là les malades (die kranken und siechen Menschen) et qui avaient été construits pour eux.
- près de l’hospice (by dem Siechhuss) il y avait un autel sur lequel on célébrait autrefois (vor Zitten) des messes pour les malades
- il a entendu un maître de l’ordre de Steffansfeld, appelé NORTWIN, natif de Rouffach, que Dieu lui soit bienveillant « gnedig », dire devant lui et devant de nombreux autres témoins qu’il y avait autrefois une cuisine dans laquelle se trouvaient des fourneaux maçonnés dans lesquels on faisait la cuisine pour les frères, les prêtres de l’Ordre, pour le personnel et aussi pour les pensionnaires de l’hôpital qui y étaient hébergés (die denzumal im Spittal daselbs kranck und siech lagen). La cuisine existait toujours mais les marmites (die Häfen) avaient été enlevées.
- il y avait à Rouffach un curé qu'il avait connu, qui s’appelait Mangolt MENTZLIN, prêtre - que Dieu lui soit bienveillant - qui, pour le salut de son âme avait fondé une messe anniversaire de décès,...
comme il est écrit ci après :
Mangolt MENTZLIN, prêtre, curé de Rouffach a fondé une messe anniversaire pour lui-même et pour Peter MENTZLIN, un prêtre, pour le salut des âmes de son père, de sa mère et de tous ses ancêtres, pour une livre bâloise, qui doit servir pour la table, pour le repas (?) (das zu Tisch dienen sol) du maître de l’hôpital du Saint Esprit de Rouffach, les frères de son couvent et particulièrement pour les prêtres qui célèbrent (chantent et lisent) la messe anniversaire, et qui sera partagée entre les prêtres et les malades (Siechen). Si cela n’était pas le cas, si cela n’était pas fait ainsi, c.à.d. si cet argent ne devait pas être utilisé pour célébrer des Vigiles ou des messes, la somme d'une livre de l’année devait être donnée à l’œuvre Notre Dame de Rouffach (an unser Frowen Buwe zu Ruffach). Cette somme d’une livre provient de (gat ab von…) la maison du défunt Clevin KEISERLIN, le barbier, située entre la maison des bains et l’hôpital du Saint Esprit, et cet anniversaire tombe le jour qui précède la Saint Calixte, et sa fondation est inscrite dans le grand livre des messes de l’hôpital qui se trouve maintenant à Steffansfeld.
"Pour confirmer mes dires et attester de leur vérité et de leur impartialité (nÿemand zu Lieb noch zu Leide), j’ai apposé mon sceau personnel au bas de ce document.
Fait le jeudi seizième jour du mois d’avril 1460"
(JE dans cette dernière phrase désigne Heinrich SCHIFFERSTEIN le curé de Rouffach qui termine ainsi son témoignage.)
Il est assez étonnant qu'un vieil habitant de Rouffach, un Rettich de surcroît, ne connaisse que par ouï-dire l'existence d'une rue, à deux pas de l'église Notre-Dame, qui traversait l'hôpital de part en part. Et en plus, il n'est pas le seul! C'est cette ruelle, ou ce passage, qui semble être à l'origine des dissensions entre le Maître de l'hospice et le Magistrat de Rouffach. L'insistance des témoins à rappeler que ce passage était libre et ouvert à tous et à toute heure, devient rapidement suspecte au fil de la lecture du texte, en même temps que naissent de sérieux doutes sur l'objectivité de ces mêmes témoins. De même, chacun d'eux, ou presque, témoigne des soins bienveillants dont bénéficieraient généreusement les malades. Alors, quels soupçons pèsent sur l'hospice, et que s'est-il passé en réalité?
Il semble également qu'il y ait eu un ou plusieurs incidents dans l'accueil de malades "étrangers", notamment au sujet de la durée de leur séjour...
L'autel extérieur érigé pour être vu par les malades alités, de l'autre côté de la ruelle et de l'Ombach, ne serait plus en usage depuis longtemps aux dires du curé Schifferstein, les marmites des cuisines ont disparu... ces indices ne seraient-ils pas le signe d'une situation de laisser-aller que les autorités de la ville souhaitent redresser?
Gérard Michel
Notes:
[1] Kellerin:
- die mit der Wirtschaftsverwaltung betraute Nonne in einem Frauenkloster
- Haushälterin oder Dienstmagd in einem frauenlosen Haushalt (meist eines Geistlichen)
- Wärterin für Kranke (insbesondere Wöchnerinnen) und Kinder
- Bedienstete einer Schankstätte
- Ehefrau eines Kellers
[2] Zwache, twache, f., eigentlich bade Zuber zu zwagen, et zwagen = baden und waschen.
[3] genesen , heil davon kommen.
[4] Der Bote :
- Bote, Läufer, Gesandter
- Tagsatzungsabgeordneter, Vertreter in der Abgeordnetenversammlung
- Briefträger
- bevollmächtigter Stellvertreter des (Gerichts- bzw. Grund-) Herrn einer Partei (vor Gericht)
- Fürsprech
- Vertreter, Vormund
- Zeuge, Bürge
- Gerichtsbote, Büttel
- Dienstbote, Knecht
[5] Quest dans Grimm : queste,m. f. gewinn, franz. quête, ehemals queste vom lat. quaestus: wir arme Menschen wollen viel lieber ein jeder im selber seinen Vorteil, Gewinn und Questen erwählen. quest oder bettelquest (theil 1, 1731 nachzutragen), das Almosensammeln, die Bettelei der Mönche: mit der quest umb ziehen
[6] Kammerer :
- Vorsteher einer fürstlichen Kammer, Schatzkämmerer
- einer, der Dienst bei der Person eines Fürsten versieht
- in Glossen (eines der vier alten Hofämter?)
- höhere Hofwürde (in verschiedenen Territorien)
- Titel: kaiserlicher Kämmerer
- Einnehmer, Verwalter, Vorsteher
- Vorsteher eines Amts, bei einem Bischof, einem Dom oder Stiftskapitel, einem Kloster, bei einer religiösen Bruderschaft, beim deutschen Orden…
[7] on utilise ici deux mots : Spittal et Siechhuss et on précise que ce dernier borde l’Ombach. Ces deux mots désignent-ils le même bâtiment ou est-ce que Siechhuss est un des bâtiments du Spittal ou de l’hospice, celui qui reçoit et soigne les malades ?
Pour le plaisir de la lecture,
voici la transcription du témoignage de Heinrich Schifferstein, curé de Rouffach (déjà mentionné en 1407 comme curé de Rouffach et encore en 1463 comme confrère dans la Reitbruderschaft) :
Ich, Heinrich Schiferstein, kilchherre zu Ruffach, bekenn offenbar das die
erbern und wissen Schultheissen und Rate zu Ruffach an mich bringen
lossen haben, wie der Meister des heiligen geistes zu Ruffach und sÿ
etwas Spenn undereinander haben / also von der Spittalschafft
wegen so sy meÿnen erzuhalten schultig sig, sonder alle sin vorfaren
…/…
bis uf in gehalten, mich ernstlichen gebetten, sovil mir davon zu wissen
sige, desshalben gesehen und gehort hab, inen des Urkund und Kuntschaft
zu geben, wann nu die Worheit allzit zufurdern ist, und nyemands
zü versagende…
… das ist also harnach geschriben stat:
… Item des ersten, das mir wol in ge-
dechtniss ouch gesehen hab vor vierzig Joren und lenger, das stetes siechen
und kranck arme ellend lut im Spittal des heiligen Geistes zu Ruffach
gelegen sint im Siechhuss daselbs uf der Bach stosset uf den weg auch
das menglich die da uf und ab für (= vor, devant) die Siechen gangen sint Inen Ir
almussen geben haben und mit geteilt so denn in Brot, Win, Milch, Kess, Angken
und Suppen. / Item ich hab auch gesehen und bekannt ein Regelswester im
obgenanten Spittal, irs ordens des heiligen geistes, genant die vom lamparten,
das die den selben siechen und krancken menschen, dick und manig male ge-
ambachtet[1] hand zu ire notdurft / Item ich hab auch gesehen die Spanbeth
da die krancken und Siechen menschen vor Zitten inn gelegen sindt und fur Sy
gemacht worden sint, ussbrechen und abtun zü beiden sitten / Item da by dem
Siechhus stat ein altar, da man vor zitten denselben Siechen mess uf geton
hat / Item ich hab gehort von einem obersten Meister zu Stefsfelt, Irs ordens,
genant der Nortwin von Ruffach burtig, dem gott gnedig sy, der geseit hat in
gegenwurtigkeit vil lut auch min, wie das vor Zitten, ein küchin gewesen sÿ,
darinne zwen Eren Hefen vermuret worent, darinne man kochte für die Bruedern,
die priestere des Ordens und für das gesinde auch für die Spittalschafft der
Siechen, die dennzumal im Spittal daselbs kranck und siech lagen. Die Kuchi
stat noch da, aber die häfen sint uss gethon / Item ist mir zu wissen
das vor Zitten ein Kilchherre zu Ruffach gewesen ist, den ich auch leben ge-
sehen und erkant habe, genant her Mangolt Mentzlin, priester -dem gott gne-
dig sig- der umb siner Selen heil willen ein Jorzitt besetzt hat, dem Spittal
vorgenant und der Spittalschafft daselbs, inmossen als hienach geschriben
stat : Item her Mangolt Mentzlin, priester, kilchherre zu Ruffach, hat
besetzt und geordnet ein Jorzit für sich und her Petter Mentzlin ein priesters,
sins vatters, siner muter und aller siner vordern selen heyl willen, eyn
Pfunt geltz bassler muntz, das zu tisch dienen sol, einem Spittalmeister
des heiligen Geistes zu Ruffach und sinen Conventbrudern und besonder
den priestern die an dem Jorzitt mess singen oder sprechent so man das
Jorzitt begert under die priestere als obstat, das pfundt geltz geteilt sol
werden und auch under die Siechen die in der Spittalschafft siech und
kranck ligen, glicher teil mit geteilt sol werden, und wer sach dass das nit
beschehe und in solcher mass und ordnung nit begangen wurde mit Vigilgen
und Selmessen, so sol das pfundt geltz des Jors fallen an unser frowen
buwe zu Ruffach. Das pfunt geltz des jors gat ab Clevin Keiserlins seligen huse
des Scherers gelegen zwischent der vordern Badstuben und dem egenanten
Spital, und sol das Jor Zit begangen werden uf den nechsten tag vor kalixti.
Das Jorzit ist ingeschriben in Ir gros Messbuch im Spittal, doch so ist es
gon Steffsfelt hinab komen und zu gezugknus dieser sage, dass das wor
sige, nÿemand zü lieb noch zu leide, so hab ich nun eigen Insigel gehenckt
zu ende dieser geschrifft / Geben uff donrstag, in dem sechtzenhendesten
tag des Abrellen, Anno domini 1460
[1] Dans Grimm : ambacht = amt et dans Althochdeutsches Wörterbuch , ambahten : persönliche Hilfsdienste leisten, dienen,
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