Rencontre inattendue dans un noyer de mon jardin...
Il était de tradition en Alsace de planter des arbres fruitiers dans les vignes, le plus souvent en lisière pour délimiter les parcelles: ainsi on y trouve depuis toujours l'amandier que l'on repère à sa belle floraison au mois de mars : l'un des grands terroirs de Mittelwihr porte le nom de Mandelberg, la montagne des amandiers. La légende raconte que Charlemagne, en route vers l'Italie, fît une halte sur les hauteurs de Mittelwihr. Lorsque sa caravane reprit la route, d'étranges coquilles jonchaient le sol. Les gens les enfouirent sous terre, pour éviter tout mauvais présage, et quelque temps après on vit fleurir des amandiers, sur le Mandelberg!
La mécanisation et les nécessités de la production et des rendements ont fait reculer considérablement cette tradition: quelques amandiers fleurissent encore dans les vignes des coteaux environnants de Rouffach, à Westhalten en particulier. On trouve également encore dans quelques parcelles le pêcher de vigne ou le néflier.
Mais l'arbre que l'on rencontrait le plus, il y a quelques décennies encore, c'est le noyer: l'alliance de la vigne et du noyer était d'ailleurs une constante culturelle en Alsace, c'est d'elle que sont nées les fêtes d'automne alliant noix, vin nouveau et lard... Si dans sa vigne, le vigneron trouvait sous le noyer l'ombre pour une courte sieste et le repos de son cheval, le noyer servait surtout pour la production de l'huile de noix.
A une époque où la cote du vin d'Alsace avait considérablement baissé, le viticulteur pouvait être tenté de pallier la mévente de sa production de vin par la vente d'une partie de sa production d'huile. Et on laissa pousser les jeunes noyers germés des noix oubliées dans les parcelles, et c'est ainsi que, en quelques années, les noyers envahirent notre vignoble, au point que le Magistrat de la Ville fut obligé de prendre des mesures drastiques pour revenir à une situation équilibrée des deux cultures!
Arrachage des noyers dans les vignes
Requête présentée par le magistrat à l’effet d’obtenir la permission d’arracher les arbres noyers dans les vignes, le 28 janvier 1754
A Monseigneur PINEAU Chevalier Baron de Lucé, chevalier conseiller du Roy en ses conseils, maître des requêtes ordinaire de son hôtel, Intendant de Justice, Police et Finance en Alsace.
Renvoyé au Sieur JUNCKER, bailli à Rouffach, pour vérifier et nous faire part de ses observations et son avis.
A Strasbourg, le 28 janvier 1754 Signé : LUCÉ
Depuis plusieurs années l’on s’aperçoit que les propriétaires des vignes s’avisent d’y planter des noyers, de façon que le nombre des arbres de cette espèce s’est tellement accru que les vignes paroissent estre plus des forêts que des vignes. Comme ces noyers, par les branchages qu’ils produisent causent un dommage considérable, tant aux propriétaires des fonds sur lesquels ils sont plantés qu’aux voisins, et que de notoriété ils empêchent la production de toutes les vignes couvertes par l’ombre des branchages ….
signé Zwibel, Klopp, Knechtlin, Dieterich, Treÿer, Huontz, Kotterlé, Weingandt, etc.
Réponse de LUCÉ:
La ville fera fort bien de faire arracher les noyers qui sont dans les vignes qui lui appartiennent et à l’égard des noyers plantés dans les vignes des particuliers, il faut tâcher d’engager ces derniers à les arracher de même, en leur faisant connoître l’avantage qu’ils en retireront
Fait à Strasbourg le 27 février 1754
Une croyance alsacienne dit qu'une femme qui veut garder son mari doit de garder en son soulier senestre une feuille de gauguier cueillie la nuit de la Saint-Jean!