Ce panneau bleu planté au bord de la route des Cerisiers qui mène à Rouffach indique l'emplacement d'un ancien moulin à eau transformé en maison d'habitation. Ce moulin, la Hummelmühle, le moulin Hummel, était alimenté par un cours d'eau appelé improprement Vieille Thur et plus souvent canal des Douze moulins. Ce canal tire son eau de la Thur et poursuit son cours sur une trentaine de kilomètres avant de se jeter dans la Lauch. Il alimentait effectivement 12 moulins: Ungersheim, Reguisheim, l'Obermühle et la Untermühle de Meyenheim, la Schröepfermühle de Munwiller, et un second également à Munwwiller, la Hummelmühle de Rouffach, le moulin de Biltzheim et le moulin de Niederhergheim, la Tauefersmuhle de Herrlisheim et la Mattenmühle (source: Marc Grodwohl). Il manque le douzième ...
Au cours d'une recherche récente dans les fonds des archives municipales de Rouffach, je suis tombé sur un dossier (A.M.R. FF 46) portant le nom de ce moulin, qui m'a permis d'en savoir davantage sur les origines de cette maison et d'où elle tire son nom.
Plutôt que d'ennuyer le lecteur avec du discours inutile, je le laisse découvrir par lui-même l'histoire de la création de ce moulin, en lisant quelques extraits du dossier qui le concerne. Une fois n'est pas coutume, les textes sont en français, dont j'ai soigneusement conservé l'orthographe originale, en bataillant avec le correcteur d'orthographe de Word qui voulait à tout prix rétablir la bonne orthographe.
Je ne m'étendrai pas sur les chicanes qui sont à l'origine d'une affaire qui explique l'épaisseur du dossier, une affaire due à "quatre malveillans de la communauté" qui auraient fait pâturer leurs bêtes sur un pré appartenant au meunier du lieu! L'affaire se terminera au Conseil souverain d'Alsace, après plusieurs suppliques adressées aux conseillers du Roy, Maîtres des requêtes ordinaires de son hôtel, Conseiller au grand Conseil, Intendants de justice, police et finances en Alsace, successifs... et avec l'arbitrage de François Joseph Christophe d'Aheville, bailli du Marquisat de Bollwiller et autres lieux...
Nous sommes en 1717...
Il s'agit de plusieurs suppliques, rédigées par le suppliant, le Sieur Hummel et par les autorités de la Ville, bailli et Magistrat...
Supplique du prévôt, Magistrat et maitres des tribunes et jurés de la ville de Rouffach, à Monseigneur D’Angervilliers, conseiller du Roy en ses conseils, maîstre des requêtes ordinaires de son Hostel, intendant de justice, de police et finances en Alsace.
- … pour augmenter les revenus de la Ville, ils achetèrent en 1696 un terrain de la consistance d’environ un arpent, situé dans le ban de Rouffach, joignant le ruisseau dit Ture, pour y construire un moulin. Ce moulin étant bâti, ils le laissèrent en suite à titre de bail emphytéothique à Jacques Humel, meunier, avec une petite place de terre commune aboutissant sur la rigole de ce moulin, moyennant un canon annuel de douze résaulx de grains metell. Ce bail a eu son exécution et le meunier paye exactement le canon jusqu’en 1717, temps auquel, parceque quatre malveillants de la communauté ont intentés action contre les suppliants au Conseil souverain d’Alsace pour estre dit que touts les pâturages et biens communs (dans lesquels ce petit terrain faisoit nombre) qu’ils avaient laissé à titre d’emphythéose…
Autre courrier au même :
- … en l’année 1696, ils avoient achepté un journal de terre propre à y plandre (sic) un moulin, lequel ils avoient cédé à Jacques Hummel, avec un petit terrain commune qui couchoit derrière la rigol, pour et moyenant douze résaulx de grain en metail, laquel rente a été payée par le dit meunier jusqu’à l’année 1717…
Autre courrier du 30 juillet 1719, au même
- … vers l’année 1696, les magistrats de la dite ville de Rufac auroient acquis une place à bâtir un moulin, située dans le ban et finage de la dite ville, le dixième décembre de ladite année… et abandonnèrent cette mesme place à titre d’emphytéose au nommé Gaspar Schrepfer, avec un autre terrain communal proche la même place et aux environs, de la consistance d’environ quatre arpents, pour par luy tenir comme de ses autres biens propres, à la charge d’y faire bastir un moulin et de payer annuellement à la ville douze résauds de mouture pour un canon annuelle. Mais comme ledit Schrepfer ne se trouvant point en état de faire ce bâtiment, il céda son droit du consentement des dits magistrats à Martin Hunold et au suppliant (Hummel) moyennant cinquante Escus et au surplus aux conditions portées par le contrat du 10 décembre 1699. Le 12 janvier 1711, il y eut un contrat de société de faite entre le suppliant et le dit Hunold pour la construction du moulin par lequel il a été stipulé que le dit Hunold fera voiturer tous les matériaux sur la place et qu’au surplus le suppliant payeroit le prix des dits matériaux et fera construire le moulin à ses frais et qu’ensuitte il en jouirait seul, moyennant qu’il payeroit à la ville le canon annuel des douze résaults de mouture, à Monsieur l’évêque de Strasbourg comme Seigneur du lieu pour le droit de chute d’eau six résaults et au dit Hunold annuellement neuf résauts, touttes ces conditions ayant été exécutées de part et d’autre, le suppliant ayant acquité régulièrement le canon à la ville jusqu’en 1717 ; qu’ayant esté troublé en la jouissance du terrain commun que lesdits magistrats luy avoient abandonné par le contrat emphitéotique par les habitants de ladite ville comme d’un pâturage commun cela a donné lieu au suppléant de refuser le payement du canon des douze résaults de mouture, à moins que les magistrats ne fassent cesser ce trouble et le fassent réintégrer en la possession dudit communal, ce refus ayant produit la requeste que les dits magistrats ont présentée à vostre Grandeur le six du présent mois, tendante à ce que le suppliant soit condamné de payer et livrer entre les mains du receveur de la dite les douze résaults de mouture annuelle avec les arrérages qui en suivent…
L'affaire de s'arrêtera pas là... d'autres suppliques suivront les premières, l'une à François Joseph Christophe d'Aheville en 1745 et une autre à Monseigneur Barthelémy de Vanolles, en 1744 (celui qui a donné son nom à la Promenade des marronniers, porte nord de Rouffach....)
Le canal des 12 moulins, à la hauteur de la Hummelmuehle: un élément de notre patrimoine qui mériterait d'être préservé et entretenu...
Qu'est-il advenu de ce moulin ? Je n'ai pas encore trouvé de document me permettant d'en retracer l'histoire jusqu'à nos jours. Peut-être un lecteur en saura-t-il plus? Quelques traces existent qui confirment la présence de meuniers sur le site, en particulier jusqu'en 1888 où Jean-Baptiste Billing, meunier, y habitait. Mais au début du siècle suivant, rien! Quand le moulin a-t-il cessé son activité, pour devenir une ferme, puis des logements et une entreprise de machines agricoles ?
Histoire à suivre...
Gérard Michel
Sur la photo en tête de l'article, on aperçoit un petit édifice blanc qui intrigue plus d'un passant! Il s'agit d'un oratoire, érigé à la fin des années 1950 à l'initiative du Dr. Hubert Schneider, médecin-chef honoraire de l'hôpital de Sierentz, figure connue et estimée de Rouffach,
Voir article Journal L'Alsace: L'oratoire oublié du Docteur Schneider, Juillet 2011
Plan et arpentage du ban de la Ville de Rouffach A.D.H.R. C1172 / 22
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