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Orgues et organistes de Rouffach: l’orgue Hans Klein de Notre-Dame  (1604-1606)

1489, 1571, 1604, 1606
A.M.R. A / CC 23/1 de 1489, A / BB 8 de 1571, A/ DD 29 de 1606
2
Détails
MétiersPersonnages
  • Hans Klein
  • Orgue
  • facteur d'orgue
  • Chrysostomus Lotzer

L’orgue Hans Klein de Notre-Dame de Rouffach  (1604-1606)

Cet article est un extrait, corrigé et refondu, d'un article publié en 1982 dans Archives de l'Eglise d'Alsace, Tome 2 de la troisième série. Il est le premier de deux articles consacrés aux Orgues et Organistes à Rouffach, le second paraîtra deux années plus tard, en 1984. Les deux articles sont le fruit de la complicité de Gérard Michel, organiste titulaire des orgues de Notre-Dame de Rouffach, alors historien débutant et novice en paléographie et de Pierre Paul Faust, archiviste de la Ville de Rouffach, dont la maîtrise a été d'un immense secours pour la lecture des manuscrits anciens.

Charlatan "Orgelpfüsscher" ou victime d'un complot?

Le lecteur pourra suivre ici l'histoire du nouvel orgue Hans Klein de l'église Notre Dame de Rouffach de 1606 dont les archives de Rouffach ont conservé un rare dessin et un dossier complet avec devis, contrat, expertises et contre-expertises qui ne manqueront pas de l'intriguer... ce Hans Klein, bourgeois de Strasbourg était-il vraiment, comme le laissent entendre les expertises de deux "experts" un "Orgelpfüsscher", un charlatan peu zélé, où était-il la victime d'un complot fomenté par des jaloux cherchant à nuire ?  Au lecteur de juger!

La   présence d'un orgue dans l'église paroissiale  de Rouffach   est  attestée depuis   1489. Un   document  nous   apprend que,  cette année-là, Hans  Knabe,  inscrit à   la  corporation des Tailleurs, Snyder Zunft , était  organiste et, de ce fait, dispensé du paiement  de la  taille, Gewerf 1. Mais il est fort probable que cet  instrument n'ait pas été le premier.

Pour l'instant, les archives sont restées muettes  au sujet des  orgues antérieurs, de   même qu'elles le sont sur tout ce qui touche le facteur d’orgues et la  composition de cet instrument  de 1489.

Le    premier document  précis date du 2 juillet 15712. C'est le contrat pour la  réparation de l'orgue et des soufflets, passé entre les représentants de la paroisse et de la ville et Chrisostome  Letzer, facteur d'orgues de Fribourg. Il s'agit d'une  rénovation et d'un accord de l'orgue ancien.

Selon les termes de ce contrat, facteur d'orgue s'engageait  également à confectionner un sommier, ein Laden, pour  le positif de dos, Ruckh posituf, de   même que six soufflets neufs ainsi que les porte-vent nécessaires : ... item VI neuwer Belg   von guttem, neuwem, saufern Holtzwerckh, dessgleichen   Canalen darzü  soll er   auch  verfertigen  und bereyten,  und so die  gemacht seind, solls die Statt inn irem Costen  hollen und hier  fieren lassen.

Le facteur d’orgues est également chargé de remplacer les tuyaux qui seraient manquants et de réparer et ressouder ceux qui sont abîmés afin qu’ils puissent à nouveau être utilisés dans l’orgue. Il lui est également demandé de vérifier les principaux (la montre ou jeux de façade) du grand orgue et du positif (le petit orgue), de les nettoyer et de les polir.

…Item es ist auch abgeredt, wo es sach  were, das etlich Pfeiffen mangelbar oder gebruchen  weren, die soll er schuldig sein widerumb  zu erneüwern und zu löthen, damit  sy widerumb im  werck gebrucht  werden magen. ... Item wo auch  etlich  Pfyffen zu  diser Orgell allerdings manglen    würden, die soll er auch mit   Neuwen pfiffen ersetzen und zurüsten. ... Item  die Principal im cleinen und grossen  werckh  soll er gleicher gestalt  ersuchen, ussbutzen  und ballieren … 3

 

  • 1 Archives municipales  de la Ville de Rouffach (A.M.R.), Fonds A, Série CC, n° 23/1.
  • 2 A.M.R.  Registre du  Magistrat, sous le titre «Verding der Orgell und Bellg », Fonds A, Série BB 8/178' et 179.
  • 3  A.M.R., A/BB 8/178' et 179.

page 50

Cet orgue devait être terminé pour la Saint Michel, sans doute de la même année, puisqu'il ne s'agissait que d'une réparation et coûterait à la ville 72 florins,  auxquels devaient s'ajouter 2 florins payés par le curé et deux  autres payés par l'organiste.

L'orgue de Hans Klein

Le 4 juillet 1604, Hans Klein, bourgeois de Strasbourg et facteur d'orgues, s'offre  à  remplacer l'ancien instrument, arrivé en fin de vie, in Abgang kommen 4, s'agissait-il encore de l'orgue remis en état et  complété par Chrisostome  Letzer ? C'est probable, encore qu'à  Rouffach, en  matière d'orgue, il faille être très prudent, les orgues de l'église Notre-Dame ayant,  nous  le verrons plus loin, une  existence  souvent assez brève... 

Description et emplacement   de  l'orgue

L'ancien orgue est donc en ruines et il convient de le remplacer par un nouvel instrument  dont   Hans  Klein fournira le dessin et le devis 5. Il s'agit, on peut le voir, d'un orgue à trois tourelles, comportant 8 jeux, sans positif de dos, avec  pédale en tirasse. Sur  le dessin, le plus grand   tuyau  de montre   présente  cette  annotation : diese pfeyf sol 8  fhuslang sein, ce tuyau doit mesurer 8 pieds, (env. 2 mètres 60). L'instrument  est flanqué  de deux volets, destinés à être rabattus sur la façade, autant pour protéger les  tuyaux  de montre que pour décorer l'instrument ; à ce sujet,  il convient  de remarquer  que  le dessin comporte une  erreur puisque, tels qu'ils sont représentés, les volets ne peuvent  pas   recouvrir totalement les plate-faces.

Ces volets,  selon toute vraisemblance, étaient décorés, à la  manière d'un retable ; l'ensemble était donc destiné  à être vu des fidèles. Il existait à  Rouffach, dans l'église paroissiale un jubé, séparant le chœur  de la nef, et dont  il  subsiste  encore aujourd'hui d'importants vestiges. Le conseil du magistrat en a décidé la démolition en septembre 1700, mais cette décision ne prit effet qu’en février 1718.

L’instrument de Hans Klein était-il placé sur ce jubé ? Le devis évoque le mot Lettner qui servirait à supporter l'instrument, un mot qui désigne le jubé, clôture du chœur, mais qui, à cette époque désigne aussi une tribune, au fond de la nef…und hierbei ist das fundament   oder Lettner ausgedingt,   dessen wie  auch  mauren und   dergleichen 7.

Jubé ou tribune au fond de l’église? Pour l’instant, nous n'avons trouvé aucun document qui permette de répondre à cette question…

 

  • 4 A.M.R., A/DD/29/1.
  • 5 A.MR., A/DD/29/8.
  • 6 Au sujet du jubé de Rouffach, cf. la thèse de Dieter GRAF, Die Baugeschichte der Marienkirche zu Rufach, Inaugural-Dissertation der Doktorwürde der philosophischen Fakultät der Albert-Ludwigs-Universität zu Freiburg   1964.
  • 7 A.M.E., A/DD/29/1.

Page 51

Hans   Klein semble prêter une attention toute particulière aux soufflets du nouvel orgue et en particulier à l'enclos qui devait les protéger: il insiste pour qu’ils soient conçus de telle façon qu’ils soient à l'abri des rats, souris et chauves-souris qui pourraient y nicher et les détériorer. De plus il demande à ce que les souffleurs soient scrupuleusement choisis et qu'on ne permette  pas aux  jeunes garçons  d'accéder  aux soufflets.

Hans  Klein s'engage à livrer cet orgue  pour   Pâques 1605, en  échange de quoi la ville promet de lui payer  350 florins.

Le devis de Hans  Klein

Le devis, reproduit  sur le plan, ne manque   pas d'intérêt pour  l'histoire de la facture d'orgue. 

L'instrument comprendra   8 jeux : Principal, Octaf, pusauna,    copel, holflette, quent, Sedetz, Mixtur, Principal 8 pieds, Prestant 4 pieds (à l’octave du jeu précédent), trombone (un jeu d’anches), une flûte « creuse », une quinte, une sedetz ou sedecima qui est une double octave aiguë, sans doute ici une doublette de 2 pieds et un jeu de mixture.  Hans Klein  propose de fabriquer les tuyaux du  Principal, du   bourdon, de la flûte et de la quinte,  qu'il désigne   comme les  4 plus grands  jeux, die 4 grössten register, en bois, car, selon lui, ils sont aussi doux et plaisants mais bien plus stables que ceux de métal dan sie eben so liblich und fil bestendiger  send dan von  Medal 8. De plus les tuyaux  en métal  se détériorent rapidement : man sieht das das  Medal verfaultt und durch  das Schwitzin  em salbetter  drine wachst  der es dan heftig  verherd, wie   man dan  albereydt seht  in  diesem werck   im  Münster  (...) und  das Holzwerck  noch  gar  gut ist 10 …

Tous les  autres tuyaux seront en métal, ainsi cet instrument sonnera  plus fort et plus agréablement que tout autre : so weys ich das theses  werck so starck und so lieblich je einer geherdt ist worttin 18

Un tel instrument, poursuit  Hans  Klein, vaudrait bien 400 florins, d'autant plus  que peu d'éléments de l'ancien orgue peuvent être récupérés. Les soufflets, Hans Klein  n'en précise pas le nombre, doivent également  être agrandis; quant  au buffet, Corpor, il tombe en ruines : das Corpor   wil  gar zerfaln, so sind die fligel auch nicht mer werdt, wie es dan der augen  schein selber gibt.» 11

Tous les 8 jeux doivent également  pouvoir être  utilisés à la pédale. De plus cet orgue sera pourvu d'un tremblant et de l'indispensable rossignol : auch soll  in  dises Werck einen gutter trimulant  gemacht  werttin und ein  Vogelgsang12.  Par  contre,  il n'y aura pas de positif de dos,  et l'argument   avancé par  Hans Klein  en  faveur de sa  suppression  est  pour le  moins original : …was  das  rug posadif  anbelangt   beger ich in  emn

  • 8  A.M.R., A/DD/29/8.
  • 9  A.M.R'., A/DD/29/8.
  • 10 A.M.R., A/DD/29/8.
  • 11 A.M.R., A/DD/29/8.
  • 12 A.M.R., A/DD/29/8.

Page 52

Werck    zusamen   zu machen  und  ist auch fil nutzlicher dan sie gar  unbestendig  sindt, dan wan ein Organist pedaliter schlegt, so bewegt sys  und bleybt   nicht gestendt  13 : pour ce qui est du positif, le facteur propose de le placer à l’intérieur du buffet où il sera, selon lui, bien plus utile, parce qu’habituellement,  les positifs de dos, lorsque l’organiste utilise le pédalier, bougent et le son devient instable !

L'affaire de l'orgue Hans Klein 

Cet  instrument  devait donc normalement être  livré pour Pâques 1605. Les  archives de la ville n'ont malheureusement  pas  conservé le procès-verbal   de réception  qu'on n'a certainement pas manqué d'établir à ce moment-là. Ainsi que le prouve   un  document de  1606 14, Hans Klein avait garanti  son ouvrage   pour une durée  d'une  année à  compter  de la date de livraison. Cette  année  de  garantie  arrivait donc  à  terme  au  printemps 1606.

La ville ne  devait guère être satisfaite de l'instrument qui  lui avait été livré, puisque le  19 avril étaient  convoqués  par le conseil trois, pas moins, organistes et facteurs d'orgues, chargés de relever les insuffisances, vices  de construction et détériorations  pouvant être  observés  sur l'orgue de Notre-Dame de Rouffach.

Les  archives de la Ville de  Rouffach  n'ont conservé  que deux  de  ces rapports d’expertise,  mais  on peut aisément,  après  avoir lu les deux  premiers, deviner  le contenu du troisième. En effet,  jamais  expertise d'orgue n'aura été  plus  incendiaire : un  an  à peine après son installation, cet orgue  est, semble-t-il, une ruine, c'est l’œuvre,  diront les experts,  d'un facteur   peu habile   ou peu consciencieux...  Le premier  de ces   deux rapports est signé Melchior Störcklin, religieux et organiste à Marbach 15. Le second  est établi par Johann  Huodt,   Orgelmacher    und  bürger  zu freyburg in  Breisgau16.

Le rapport de Melchior Störcklin

Le  rapport  du premier,  Melchior  Störcklin,  est  sans doute le  plus sévère. Selon l'organiste de Marbach, la plus grande part des tuyaux du principal répondrait  mal ou pas du tout: ... im Principal  befinde es sich, dass etliche  und schier das größte teil der Pfeifen nit recht  angehen  oder die recht  natürliche Stimm von  sich  geben, zusonderheit die understen od. größten Pfeiffen.17

Dans les principaux, montre et prestant,  il se trouve que plusieurs et presque la totalité des tuyaux répondent mal ou sonnent mal, en particulier les tuyaux les plus graves, les plus grands…

Toujours  dans le principal, Störcklin  remarque

  • 13 A.M.R., A/DD/29/8.
  • 14 A.M.R., A/DD/29/5.
  • 16 A.M.R., A/DD/29/2.  S'agit-il du Störcklin cité par BARTH  d'après VOGELEIS dans : Elsass, das Land der Orgeln, in Archives de l'Eglise d'Alsace 1965-66, p. 252 ? Les dates correspondraient, mais BARTH donne comme prénoms P. Wilhelm.
  • 16 A.M.R., A/DD/29/3.  Dans Elsass, das Land der Orgeln,  BARTH cite à plusieurs reprises Hans Hutt, auteur du petit orgue de choeur de Saint-Martin de Colmar (1608, 8 registres) et de l'orgue de Riquewihr (1609). Dans Saisons d'Alsace, no 69, Bilan de la facture d'orgue et de l'organologie, p. 69, M. MEYER-SIAT semble attribuer à Hans Huodt le grand-orgue de Battenheim (1616), en précisant toutefois que l'affaire n'était pas totalement élucidée.
  • 17 A.M.R., A/DD/29/2.

page  53

que certains tuyaux sonnent plus  fort que d'autres,  alors que, selon l'expert, ils  devraient tous être bien égaux :… sie sollen aber alle  ungefürlich gleichstimmen, die (...) keine  die ander überschreien…18. Selon l’expert, ils devraient tous sonner en harmonie et non pas que les uns sonnent plus fort (ne hurlent plus fort!) que les autres !

Le  paragraphe   suivant  fait état d'une insuffisance majeure,  toujours dans le principal  : ... item eben in diesem Register befinde   es sich, das pfeiffen  von andern   Registern zue diesem  und volgents in  allen Registern zuestehen   laufen, also das eine einzige Pfeiff zwo  stimm   gibt    13

Dans ce principal, certains tuyaux d’autres registres, étrangers les uns aux autres parlent ensemble lorsqu’une note est abaissée, si bien qu’en appuyant une seule touche on entend plusieurs notes de tuyaux étrangers! Ce défaut majeur d’un sommier d’orgue, appelé emprunt, est causé par une fuite d’air entre deux gravures voisines, due à un décollement accidentel ou un vice de construction, c'est encore  aujourd'hui ce qui  peut  arriver de plus grave dans  un  orgue. Ces emprunts seraient dus, toujours selon les termes de  l'expertise, au peu de zèle ou au  manque   d'habileté du  facteur dans la fabrication des sommiers (Windladen) :... dan in Wendig die  Windtladen   unfleißig gemacht,   und volgendts  der  Windt  nit recht  beschlossen wirt 20

Le  point  suivant    concerne l'accord de l'orgue: ... dieses Register  soll vornammlich    voll eingestimbt  sein, dan die  andern  Register sollen sich auf dieses  refirn. Weyl aber  dieses nit recht  gestimbt, so sind  volgendts die andern  diesem  gleich an der Stim  21 Le principal est mal accordé et comme on accorde tous les jeux en se référant au principal, l’ensemble de l’orgue sonne faux !

Les   mêmes défauts sont signalés à  propos du  prestant, octava, et du bourdon,  Copelwerck   oder verdeckte  register, dont il est dit en plus que les basses répondaient mal et même que l'on entendait  plus le bruit provenant du vent que le son émis par le tuyau! Le quatrième jeu, que Störcklin appelle Schwegel, (Schweitzerpfeiff , Schweitzerpfeife ou Zwerchpfeife, flûte traversière) ainsi que  les  suivants,  Quint, Cymbal et Mixtur  oder Hindersatz , révèlent  les  mêmes  défauts.

La  description  de l'état des tuyaux ne manque pas de surprendre. Un an très  exactement  après la mise en service de l'orgue, voici ce  que découvre l'organiste  de Marbach  : so befind ich aber das das Pfeiffenwerck derrnaßen verschnitzen, zerspalten, zerkrumbt, gebogen und zuegedruckt  also das sie  die Stimm nit lang   können behalten  22

Les tuyaux sont si entaillés, tordus et écrasés qu’il est impossible qu’ils puissent sonner et rester au ton!

De plus ces tuyaux  sont si serrés qu'ils se touchent : also das sie keine rechten Stimm von sich geben sondern treren und  schättern 23, aucun ne peut vraiment sonner librement et s’entrechoquent (avec un bruit de casseroles !)   Quant au vent qui   alimente ces   tuyaux,  il est dit de  lui qu'il  était fort  irrégulier, schwankend und schuckendt, instable avec des à-coups ! Un grand nombre de soupapes ferment mal, à  cause de  la faiblesse des ressorts. Ces mêmes  soupapes  sont jugées trop  larges, ce qui a pour conséquence  une  traction  lourde et un  toucher trop ferme.

Störcklin  réservera pour la fin de son  rapport un autre  défaut majeur: ... Die Recht und beste Prob halt das Werck nit, in ansehung weil im ab oder   niederdrucken des Klaviers die Register beschloßen   und zu  seind,  solichmaßen   und zu  grob   angehen, ursach dann die  Windtladen und Register seind unfleißig gemacht worden und darumb halt es

  • 18  A,M.R., A/DD/29/2.
  • 19  A.M.R., A/DD/29/2.
  • 20  A.M.R., A/DD/29/2.
  • 21  A.M.R., A/DD/29/2.
  • 22  A.M.R., A/DD/29/2.
  • 23  A.M.R., A/DD/29/2.

page 54

den Windt  nit. Dieses ist der vornehmste Hauptmangel » 24

L'expert s'empresse  d'ajouter que cette liste de malfaçons est  loin d‘être exhaustive et qu’il y aurait encore beaucoup à dire! : …Sumariter zu  reden, so  wird in diesem Orgelwerck durchaus in allen Sachen gar einen schlechter Fleißprob und Werschafft gesehen und gespart. Es wären  zwar von des Werck besser durchsuecht und geprobiert würde andere Mängel zu finden. Diese jetzt gemeldt seindt aber die größten… 25

Frère  Melchior Störcklin  termine son long rapport de trois pages d'une écriture serrée et nerveuse  par une formule qu'il nous a semblé intéressant de reproduire: …Diese obgemelte Mängel  hab  ich ohn einige  gefar niemands   zu Lieb  noch zu  Leid, sonder  wie die Warheit an im selbsten solches bezeugt, nach  meinem   besten  Judicio und   Salva Consientia   welches ich vor Gott  trauw sicherlich zu verantworten erfunden… 86

Qui songerait à accuser un religieux de l’abbaye de Marbach de mauvaise foi, de mensonge et de partialité?

Le rapport de   Johan Huodt

Le  rapport établi par Johan Huodt n'est  guère plus charitable. Il note, lui aussi, le manque  d'étanchéité des  sommiers   et les emprunts  : ... Es würt   befunden das  die wint ladt der  uff das Pfeiffenwerk    stot,  zwüsen den registern und   wint fürung  der   Wint   zuesamrnen  lauft und sich  die Pfeiffen  haren lassen, so alle register abzogen. Das ein großer mangel ist. Auch   befunden so  alle register abzogen  und ein  clavis nach  den andern drückt, etliche  pfeiffen hören lassen  das   auch ein großer   mangell ist  27

Il ajoute un détail important  que le  religieux de  Marbach n'avait  pas signalé. Mais il avait bien précisé qu’il restait encore beaucoup à redire ! ... Auch befunden  das Clafir  dem organisten nit recht   breuchlich so man daruf greift wirt  der Claves  umbs   halb  hin ab  gedrückt  das kein pfeiff anspricht und  das ventill nicht uf gat  98

Cette fois, il est question du toucher de l’orgue : pour faire parler un tuyau il faut enfoncer la touche de plus de la moitié pour que la soupape s’ouvre enfin !

Le  facteur  d'orgue de   Fribourg ne  montre guère d'indulgence  pour son confrère  de Strasbourg,  puisqu'à  plusieurs  reprises il utilisera dans son rapport  le mot unfleißig, de peu de zèle, de peu de conscience professionnelle et de savoir faire : auch befunden    das ... die  Balg gar unfleißig gemacht.      auch befunden   das  pfeiffenwerck ser unfleißig gemacht   59

Pour les amateurs de paléographie: le rapport d'expertise de Johan Huodt 1606, page 1

Rapport d'expertise de Johan Huodt, page 2

On  peut imaginer  aisément,  sans courir trop de risques de se  tromper, ce que  pouvait dire le troisième rapport.. 

La fin de la polémique

Quatre jours après la  journée des  experts  du 19 avril, le 23 avril 1606, Hans Klein  reconnaît  avoir touché de  la ville de   Rouffach

  • 24 A.M.R., A/DD/29/2.
  • 25 A.M.E., A/DD/29/2.
  • 26 A.M.R., A/DD/29/2.
  • 27 A.M.R., A/DD/29/3.
  • 28 A.M.R., A/DD/29/3.
  • 29 A.M.R., A/DD/29/3.

Page 55

la  somme de 240 florins 30. Et c'est là qu'on ne comprend plus  très bien : pourquoi  la ville paie-t-elle, pendant la période couverte par la  garantie, un acompte sur un  ouvrage  que tous  les experts  s'accordent à trouver lamentable?

La  contre-expertise de  Johannes N.

Le  7 juillet 1606,  Johannes N. Pollweilerischen   instrumentist , musicien instrumentiste de Bollwiller expertise à   nouveau l'orgue  et son  rapport sera   transmis à la ville  de Rouffach  par les  soins de Hans  Klein,  le 8 août   1606 81. Deux mois et demi  ont donc passé entre ce  rapport de l'expert bollwillerois et les trois premiers. Que  s'est-il passé entre    temps? Nous   ne saurions   répondre.

Toujours  est-il que cette  nouvelle  expertise, la dernière cette  fois, est souvent flatteuse et toujours très indulgente, ainsi qu'on  pourra le voir.

Johannes N. trouve d'abord que  l'orgue est parfaitement  accordé,  le principal comme   tous les autres jeux. Il  admet cependant   qu’effectivement,  certains  tuyaux   parlent plus fort  que d'autres. En   présence   de quelques  membres   du Conseil, on a   cherché à porter  remède à  ce défaut, sans toutefois y parvenir. Il semble d'ailleurs tout à fait impossible d'arriver à  une   harmonisation parfaite,  étant  donné le procédé même de la fabrication des tuyaux : dann jederzeit eine bosser als die  ander  in dem giesen   und  machen gereth  ! 32

Les   experts du  19 avril avaient  relevé   comme   défaut   majeur  les emprunts  d'une  gravure à l'autre et  d'une façon générale  le peu  de  soin dans  la confection  des   sommiers. Là  encore, l'expert  de Bollwiller   ne verra  aucune malfaçon : zuem 4. haben wir alle  Register abgezogen und beschlossen,  und   das Clavir getruckht. Da ist  khein einige  Stim am Clavier gehert vvorden, allso das die laden, welches das fürnembst  ist, wol versorgt ist  33

Et si on avait décelé  des emprunts  quelques  mois  plus tôt, c'est tout simplement   parce qu'on   avait omis de  resserrer   quelques vis : ... ist ursach gewesen, das die schrauffen  nit starckh  genug   angezogen  sein gewesen  34

Johannes N. semble prêt à trouver une explication, sinon une excuse  à toutes les malfaçons signalées par les  autres experts, ainsi qu'en  témoigne le  cinquième paragraphe   de  son  rapport:  dass  das  Clavier   zimblich hart,  ist nicht newes, dann  under  zwainzig werckhen werden  nit  they gefunden  die leiss zueschlagen sein, da aber dises werckh  fein mit  bescheidenheit offt gebraucht wirdt, ist guet  darfür, auf  das  es je genger   und linder wirdt  ! 35 Si les claviers sont durs et bruyants, rien de plus normal: sur vingt orgues, il n'y en a pas trois qui n'aient pas pareils défauts, qui disparaîtront avec le temps; en utilisant l'instrument fréquemment, de manière douce et raisonnable, le toucher deviendra doux et léger et fluide!

  • 30 A.M.E., A/DD/29/4.
  • 31 A.M.R., A/DD/29/5 Johannes N.  n'a pu être identifié.
  • 32 A.M.R., A/DD/29/5.
  • 33 A.M.R., A/DD/29/5.
  • 33 A.M.E., A/DD/29/5.
  • 34 A.M.R., A/DD/29/5.
  • 35 A.M.R., A/DD/29/5.

page 56

Le paragraphe   suivant est  encore plus  étonnant.  On se souvient  que l'un  des rapports   précédents relevait  le   mauvais état  des  tuyaux  qui étaient, pour   la plupart, cisaillés, déchirés, fendus, tordus et écrasés. Rien   de plus  normal,  selon notre expert,  qui oublie  cependant   que cet orgue  n'est  en service que  depuis un  an: ...  das die Pfeiffen  zimblich verschnitten  und  vertruckht, kinden    wir  dem Orgellmacher   khein  Ordnung   geben, ursach, der  em,  wann er  stimbt, so stimbts er eintweder  mit dem   Stirnmhorn, der ein    schneidt darauss,  der  ander  trukhts zue  samen, der  dritt schlizts voneinander,  allso  wie  es   einem guet  gedünckht,  so braucht  ers ...  ! 86 Que les tuyaux soient tailladés ou écrasés, rien de plus normal: parmi les facteurs d'orgues, lorsqu'ils accordent, certains utilisent l'accordoir, mais d'autres écrasent l'extrémité du tuyau, d'autres en coupent un bout, d'autres enfin l'entaillent, chacun fait à sa guise!

Johannes N.  admet  que les soufflets sont bruyants, mais est là défaut mineur  pouvant  être   réparé aisément  Il conviendrait  également, à l’avenir, de  mieux  choisir le souffleur : gehört ein  flisiger  Orgeltredter darzue, nit das einer darauf hupft undt  spring,  sonder fein, stet und sitsam ziehe 27  et en engager un qui ne courre ni ne saute sur les tables des soufflets!

En conclusion, l'expert  estime que cet orgue est tout à fait acceptable et en  état  d'être reçu  définitivement par  les autorités de  Rouffach,  la garantie  consentie  par  maître  Klein  étant venue   à  terme.  Il faudrait cependant  qu'à  l'avenir l'instrument  soit traité avec  plus d'égards,  que n'importe  qui ne puisse  plus manipuler  les  tuyaux et  ouvrir les layes pour accéder aux sommiers, et surtout qu'on veille  à l'utiliser souvent afin que la vermine  ne puisse s'y installer! 

La  réception définitive de l'orgue

Le 10 août 1606,   Hans  Klein, der  Orgelmacher,  Bürger  zue Strassburg  38, fait parvenir à la ville de Rouffach la quittance de ce qu'elle lui devait pour les travaux effectués dans   l'église paroissiale. Nous apprenons ainsi  que le marché   initial faisait état d'une somme de 360 florins à laquelle il fallait maintenant ajouter 80 florins : le devis initial proposait, on s'en souvient, quatre  jeux devant être construits en  bois. Or, en fin de compte, ces jeux, sans doute à la  demande  de Ia ville, ont été réalisés en métal  :... da ich an statt der erst gefelligen und vorwilligten   hültzin Pfeiffen andere von  Metall giesen, fertigen  und anrichten 39 Ce  qui fait un total de 440 florins auxquels il faudra encore ajouter, et  c'est là un détail intéressant, 2 florins pour   travaux de peinture  : darumb das ich das holtzwerckh, Fliegel und anders an  derselben  Orgel, mit  weisser farb eingefast und angestrichen. 40

Dans cette même lettre,  Hans Klein  renouvelle sa garantie, en  des termes qui ne permettent   pas de douter  de son  extrême conscience  professionnelle. Mais peut-être avait-il  beaucoup à se  faire pardonner ? ... so hab ich  mich,  nach  wie vor, bey  Treuw, Ehr und Glauben verbunden,

  • 36  A.M.E., A/DD/29/5.
  • 37  A.M.R., A/DD/29/5.
  • 38  A.M.R., A/DD/29/6.
  • 39  A.M.R., A/DD/29/6.
  • 40  A.M.R., A/DD/29/6.

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zuegesagt  und versprochen,  und  tue das hiemit fürbedächtlig,  das ich  umb these  meine  Arbeit  und   außgemachte Orgell Jahr  und  Tag  guete wehrschafft  geben  und  tragen. Und wo  daran, inmittels  einiger Unfleiss, presten oder mangel, es seye an pfeiffen, Clavier, Pedall und Windtladen, Ventillen  bälgen oder anderm dergleichen befunden   werden   und erscheinen solten  (wie ich nit verhoff) dieselben, ungeacht und mit   hindansetzung aller andrer meiner  geschefften  und verhinderungen, ohnverzugenlich   in bestimbter Zeit, so balt ich  dessen vergewisst,  in  meinem selbst  und ohne  des Statt kosten  trewlich  gewißlich ersetzen oder verbessern, oder das solches würckhlich beschehe  verschaffen 41

On  ne  saurait   mieux dire... A titre de comparaison,   l'orgue actuel, cet orgue   «…sauvagement hybride,…dont toutes  les pièces ont une origine différente sans   aucune unité de  style, et qui fonctionne  tout  de même,   pour  des raisons évidentes... » 42 et qui, signalons-le  au  passage est tout de même un  Claude Ignace Callinet de 1855,  cet orgue donc  était garanti  par Callinet pendant  dix ans:  «... le dit facteur garantit pendant  dix  années la solidité de son  ouvrage   à partir du  jour de   l'achèvement... » 43  Le langage employé par Callinet est bien moins pittoresque  que celui de  Hans Klein,  mais au  moins  son instrument  a  tenu  pendant plus de  150 ans  et fonctionne encore ...

Le  dernier document concernant l'orgue Hans Klein est le décompte des dépenses relatives à l'orgue, établi par la ville de Rouffach et qui fait apparaître  un total de 442 florins 44, très exactement  la somme que l'on retrouve  dans le mémoire de Hans  Klein.

Voilà donc terminée l'histoire de l'orgue Klein de  Rouffach. Cet instrument   aura d'ailleurs une vie très éphémère  puisqu'en  1626, un   peu plus de vingt ans après, il sera  entièrement   démonté  et remplacé par   un orgue  neuf, construit  en  Suisse   par un  facteur  d'orgues  de   Bremgarten, Thomas Schott. Le  5 mai 1626, cet orgue traversa le Rhin  à Neuenbourg et arriva le soir même à Rouffach,   chargé dans cinq  voitures.  Le montage de l'orgue sera  terminé vers le 11 juin 1626 45.

Le premier  document   dans  lequel il est à  nouveau   question   d'orgue date de 1694 46.  Le siècle suivant, le XVIIIème, a laissé aux archives  de Rouffach un dossier  complet sur l'orgue, que l'on  peut suivre depuis février 1758, date du  premier  devis de  Dubois  jusqu'à l'orgue actuel, en passant par les travaux  de  Joseph Rabiny,  François  Callinet et  Joseph Callinet.

  • 41  A.M.R., A/DD/29/6.
  • 42  P. MEYER-SIAT,   Les Callinet, facteurs d'orgues à Rouffach et leur œuvre en Alsace, Istra 1965, p. 100.
  • 43  Registre des  délibérations du Conseil de Fabrique, délibération du 23 avril 1854.
  • 44  A.M.R., A/DD/29/7.
  • 45  A.M.R., A/DD/29/9.
  • 46 Cité par VOGELEIS     dans Quellen und .Bausteine zu einer Geschichte der Musik und des Theaters im Elsass, Strasbourg 1911.

L'histoire de l'orgue à Rouffach,  celle également des  organiers et des organistes, est une longue histoire, riche en péripéties de toutes  sortes, mais histoire toujours  passionnante,   dont une autre   page sera tournée  au printemps  1982, avec  la restauration Alfred Kern. 

                                                        Gérard    MICHEL

Article publié le 10 septembre 2020 par Gérard MICHEL.

Commentaires

# théo Linder 10-09-2020 11:48
Belle documentation sur les querelles de compétence entre concurrents !
Bravo pour ce travail et merci pour les informations originales, intéressantes pour un amateur affectif des organiers
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# Moyses Rémy 10-09-2020 09:10
Merci pour cet énorme travail/ très intéressant à lire
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