Dessin du XVIIème siècle montrant un Juif allemand prêtant un serment juif.
Les archives municipales de Rouffach conservent dans leurs réserves plusieurs Schwehrbuch, littéralement livres des serments, du XVIème et XVIIème siècle. Ils renferment entre autres les textes des serments que devaient prêter les serviteurs de la ville au moment du renouvellement annuel de leur charge. On y trouve également les règlements des différents offices et professions de la ville : en premier lieu les serments des membres du Magistrat puis celui des bourgeois « ordinaires », des bouchers, meuniers, aubergistes, gourmets jurés, chargeurs et porteurs de vin, etc. Ces textes sont régulièrement mis à jour, corrigés d’une année à l’autre, ce qui explique les nombreuses ratures, surcharges, ajouts dans les marges, qui en rendent souvent la lecture assez malaisée.
Le livre des serments de 1613, A.M.R. BB 126, se termine par le serment du bourreau de la ville Eines Henckhers und Nachrichters Aidt et le serment du juif, Der Juden Aidt.
Juifs brûlés vifs pendant la peste noire
Page du Liber chronicarum 1493
La présence juive en Alsace est attestée depuis l’an mil. Les Juifs d'Alsace se constituent en communautés, d'abord "protégées" par l'Empereur, l'évêque, les municipalités. Ils n’auront pas à souffrir des expulsions décidées par les rois de France, mais seront persécutés lors de l’épidémie de peste noire qui sévit en Europe de 1347 à 1349. Sous prétexte que les Juifs auraient empoisonné, ou fait empoisonner les puits, provoquant la Peste noire, on massacrera la collectivité juive de presque toute l'Alsace, en confisquant, bien entendu, leurs biens.
Une communauté juive s'était établie très tôt à Rouffach. Dès le 13ème siècle, fut édifiée une synagogue dont le bâtiment subsiste rue Ullin. Depuis les massacres de 1309 et 1338, plus aucun Juif n'a habité Rouffach. La tradition parle d'un herem, une véritable mise au ban de la société juive, un interdit prononcé contre cette ville.
Nous proposons ici un premier article sur ce sujet , un épisode sombre de l'histoire de Rouffach, aussi sensible que celui des procès de sorcellerie du dix-septième siècle...
L'effroyable chasse aux sorcières n'a pas épargné les enfants. Dans son article des Saisons d'Alsace n° 75 du printemps 2018, Louis SCHLAEFLI rapporte que trente enfants originaires de Molsheim ou qui y résidaient, furent sacrifiés: douze garçons et cinq fillettes entre 8 et 11 ans, neuf garçons et une fille entre 13 et seize ans. L'âge de trois autres victimes n'est pas précisé.
Rouffach n'a pas été en reste, mais dans une bien moindre mesure: nous n'avons trouvé, pour l'instant, que cinq dossiers dans lesquels sont impliqués des enfants et des adolescents, tous des garçons. Nous avons choisi de présenter dans cet article les cas de Jacob KNORHAUWER, onze ans, celui de Paulus GERTLER quatorze ans et celui d'Adam MONER quinze ans.
Ces enfants, ces femmes et ces hommes, victimes d'un des plus dramatiques épisodes de notre histoire, méritent qu'on ne les oublie pas, qu'on entretienne leur souvenir et pourquoi pas, comme le suggère Jacques ROERIG, auteur de plusieurs ouvrages sur les procès de sorcellerie en Alsace et en Lorraine, qu'on les réhabilite...
Erneüwerung der Statt Ruffach Zins Anno Dmi. 1554 beschehen. A.M.R. A / AA 9
De quoi s’agit-il ?
Erneüwerung der Statt Ruffach Zins , c’est-à dire renouvellement du livre censier de la ville de Rouffach.
Nous disposons aux archives municipales de Rouffach d’un livre censier de la ville de Rouffach de 1492 à 1520. Il nous est impossible aujourd’hui de dire s’il y a eu entre 1520 et 1554, date du présent document, une autre copie, mise à jour : ces livres sont d’utilisation fréquente, avec de nombreuses corrections, surcharges, ratures correspondant à des mises à jour régulières nécessaires après des décès, ventes, rachats, etc. Il est donc nécessaire, au bout d’un certain temps, comme cela se fait également pour les obituaires, de « remettre au propre », de recommencer un nouveau livre qui recopie l’ancien mais en tenant compte des modifications intervenues entretemps. Et cela se fait de manière officielle, en présence du Schultheiss Diebolt WOLFART, de deux représentants du conseil mandatés par le Magistrat, et de la plupart des Zinsleuthen, directement concernés.
Quel peut être l’intérêt pour un historien, de déchiffrer, transcrire, traduire, analyser et commenter un tel document qui, finalement, ressemble à un banal document comptable, plutôt peu engageant. L’intérêt pourtant est considérable, c’est avec ce type de document qu’on écrit l’histoire et qu’on peut pénétrer dans l’intimité de la vie quotidienne du Rouffach ancien.
Voyons un peu ce que, au-delà des chiffres, nous apprend ce document :
saint Urbain, saint patron des vignerons, bénissant la ville de Rouffach photo G.M.
En parcourant les archives anciennes, les comptes rendus des séances du Magistrat notamment, on découvre rapidement qu’on buvait beaucoup, et surtout beaucoup de vin. Rouffach a toujours été une terre à vignes, les ressources ne manquaient pas, les occasions de boire étaient nombreuses et on ne les manquait jamais !
Les fêtes religieuses étaient beaucoup plus nombreuses qu’aujourd’hui et finissaient souvent par des repas en commun bien arrosés. D’autres occasions donnent lieu à des banquets et à des libations : la reddition des comptes annuels des différents offices de la ville, le jour du Schwörtag, le zwölften Tag , la réception de nouveaux bourgeois, la visite du seigneur ou d’un prince étranger, le repas qui suit l’exécution d’une sorcière, la fête de la dédicace de l’église, toutes les fêtes familiales, etc.
On boit chez soi, soit de sa propre production, soit du vin acheté chez l’un des nombreux Gassenwirth qui vend son vin über die Gasse et chez qui on ne peut pas consommer sur place, ou chez le Schildwirth qui dispose d’un établissement signalé par une enseigne et propose à sa clientèle du vin, mais aussi des repas et éventuellement un hébergement. Mais on boit aussi dans les Zunft Stuben et la , Raths Stube les poêles des corporations, qui elles aussi, débitent du vin, et souvent en grande quantité…
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
Cette page contient des liens vers des outils et sites partenaires autour de la paléographie, l'histoire et l'Alsace.
© 2024 Obermundat