Le journal Le Monde titre dans son Billet de Blog du 20 décembre 2021 :
Les victimes des chasses aux sorcières entre le XVIe et le XVIIIe siècles bientôt officiellement innocentées en Ecosse…
Près de 4 000 personnes ont été jugées pour sorcellerie en Ecosse. Un texte visant à blanchir leur mémoire a été déposé au Parlement écossais, et devrait être voté d’ici à l’été 2022.
En Ecosse, selon des chiffres publiés en octobre 2019, la chasse aux sorcières aurait fait quatre à cinq fois plus de victimes que la moyenne européenne !
Après une campagne de deux ans, un projet de loi visant à innocenter les accusé(e)s a été déposé au Parlement écossais et a obtenu le soutien du gouvernement et de la première ministre. Les militants sont sur le point d’obtenir des excuses officielles au nom de 3837 personnes, dont 84% de femmes dont la plupart ont péri dans les flammes du bucher !
En Alsace, près de 2 Millions d’habitants. En Ecosse un peu moins de 5 1/2 Millions. En Ecosse 4000 victimes. En Alsace, elles seraient 1606 dont 500 pour le Haut-Rhin, affirment les auteurs de ces statistiques qui oublient de citer leurs sources et de préciser dans quels services d’archives ils les ont trouvées ! On reste évidemment pantois devant l’extrême précision de ces chiffres auxquels il ne manque que des décimales !
Pour Rouffach, aux archives municipales de la Ville et aux archives départementales du Bas Rhin de Strasbourg, j’ai relevé 178 noms, mais seulement une centaine de dossiers plus ou moins complets de procès et condamnations suivies d’exécutions dans presque tous les cas, en l’espace de 80 ans, entre 1585 et 1664. Ces chiffres sont le résultat de recherches effectuées dans des documents originaux que j’ai tous eus en mains, transcrits, commentés et traduits, pour un certain nombre. Mais je ne suis pas au bout de ce défrichage et déchiffrage,, il reste encore beaucoup de liasses inexplorées, et d’autres noms apparaîtront certainement dans un proche avenir ! C’est évidemment plus long et plus fastidieux qu’un copié-collé…
L’Alsace blanchira-t-elle elle aussi un jour la mémoire de ces enfants, hommes et femmes, emprisonnés dans des conditions inhumaines, interrogés, torturés et livrés vivants aux flammes d’un bûcher ?
... et Rouffach?
Gérard Michel
Le lecteur trouvera ci-après un document signé François Boegly, fruit de ses recherches généalogiques dans les actes notariés et registres paroissiaux conservés aux archives départementales de Colmar. En première partie, il trouvera quelques notes biographiques sur 4 victimes, accusées de sorcellerie, issues de la même famille , exécutées dans les flammes du bûcher... Et à la suite, quelques notes au sujet de onze autres victimes...
CUENTZ Odile, Madeleine, Anne, Agnès, « sorcières » …
A la fin du XVIème siècle se marient plusieurs CUENTZ de Rouffach.
- Odile se marie vers 1575 avec Melchior KNECHTLIN, [1] les 2 de Rouffach
- Appolonie se marie le 21. 10. 1583 à Rouffach avec Valentin HECK, les 2 de Rouffach
- Anne se marie le 14.01.1590 avec Jean KÖBEL de Wasselone
- Elisabeth se marie le 17.09.1590 avec Quirin HERMANN de Hetzingen ( ?)
- Jean Balthasar se marie le 18.11. 1596 avec Elisabeth BITTLINGER. Il est prévôt de Rouffach (pas de naissance à Rouffach)
- Odile CUENTZ est brûlée comme sorcière en 1615. Elle est mariée à Melchior KNECHTLIN né vers 1550, fils de Michel, l’ancêtre dont nous ignorons les origines et de Barbe HUNOLT de Rouffach. Au décès de Michel KNECHTLIN en 1576, l’inventaire précise que Melchior est son unique héritier mâle. L’autre héritière est Odile BIRCKLIN, fille d’Elisabeth KNECHTLIN, sœur de Melchior, qui avait épousé Jean BIRCK dont nous ignorons également les origines.
- Madeleine CUENTZ, brûlée comme sorcière le 23.1.1615 est mariée à Jacques ANSHELM[2], né vers 1515, fils de Nicolas ANSHELM, greffier du bailliage de Rouffach et de Catherine HEINRIAT. La tombe de ses beaux-parents est à l’église des Récollets, elle porte les armoiries de la famille ANSHELM que l’on retrouve sur le puits du « Klingentaler Hof », érigé au 16ème siècle et vendu au début du 20ème siècle par la famille WEINGAND à la municipalité de Guebwiller qui l’a placé dans le parc de la Marseillaise.
- Anne CUENTZ, brûlée comme sorcière après le 23.1.1615 et dite « die STROHMEYERin », nous est inconnue.
- Agnès (N) veuve de Louis CUENTZ est brûlée comme sorcière après le 23.1. 1615, nous est inconnue.
De quelques autres « sorcières »…
- Agnès,[3] veuve de Nicolas MEYERHOFFER, barbier à Rouffach, est brûlée comme sorcière après le 23/1/1615. Nous ignorons son identité, mais le couple a un fils, Nicolas MEYERHOFFER qui épouse à Rouffach, le 14.2.1631 Madeleine MISSLER, cérémonie dont son beau-frère, Melchior MEYERHOFFER fut témoin.
- Susanna BECHER [4], veuve de Walter DIDENEY est brûlée comme sorcière après le 23.1.1615. Le couple nous est connu par un fils, Walter DIDENEY qui épousera à Rouffach le 18.1.1625 Catherine REINBOLD d’Ensisheim. Charles CUENTZ est témoin.
- Catherine GÖGLER est brûlée comme sorcière après le 23.1.1615. Elle est mariée à (N. ENGEL) qui se console rapidement en épousant à Rouffach le 29.1.1618 Anne KOLFINGT de….
- Anne RIBER (Rüber) est brûlée comme sorcière après le 23.1.1615. Elle est mariée à Veltin MAULBECK (mariage à Rouffach 28.8.1589) dont elle a trois enfants survivants : Valentin, Martin et Georges. Le veuf ne s’est pas remarié.
- Marie ZOPPFF est brûlée comme sorcière après le 23.1.1615. Elle est la femme de Georges SCHLEGEL qui se consolera rapidement en épousant à Rouffach le 25.9.1616 Madeleine MAUCHEL, une veuve.
- Véronique SCHILLINGER [5] dite la TRUTTMÄNNIN est brûlée comme sorcière après le 23.1.1615. Elle est originaire de Lauffenburg, pays de Bade et mariée à Nicolas TRAUTMANN depuis le 14 novembre 1594 à Rouffach. On ne note qu’une seule naissance, Jacques, en 1599. Le veuf ne s’est pas remarié.
- Elise OFFLATErin [6] est brûlée comme sorcière après le 23.1.1615. Elle est l’épouse de Simon RESCH (mariage le 28.1.1583). Les deux étaient originaires de Rouffach. Le couple a 5 enfants jusqu’en 1599 (Barbe, Christine, … ?..., Jean et Ursule RESCH.)
- Anne MAGELERin dite WASSERWEIBLIN [7] est brûlée comme sorcière après le 23.1.1615. Il s’agit probablement de Anne MOGGER ou MAGER, la femme de Jean OFFLAT, probable frère d’Elisabeth OFFLAT, la sorcière. Le couple n’a qu’un enfant, Madeleine, et le veuf ne se remarie plus.
- Ursule BECK, [8] dite la RUDENMÄGERin est brûlée comme sorcière après le 23.1.1615. Elle est mariée à Nicolas RUDENEY (vers 1583) dont elle a eu 4 enfants : Ursule, Amalie( ?), Nicolas et Jean (reconnu comme épileptique en 1606). Le veuf ne s’est pas remarié.
- Marguerite OTTLERIN [9], jugée en 1664 est emprisonnée à domicile contre serment et probablement célibataire. Nous n’en avons pas d’autre renseignements. Elle est, peut-être, la sœur de Jean OTTLER, marié à Anne IMLER, à Rouffach le 28.01.1591 et d’Ambroise OTTLER, marié à Marie GABRIEL (Rouffach, le 18.04.1616).
- Jacques RUEL est brûlé comme sorcier après le 23.01.1615.
- Il est marié à Ursule FREY (à Rouffach, le 16.07.1590), les deux de Rouffach. Le couple est sans enfants. Il était probablement veuf d’Odile HEINLEN (dont un enfant, Nicolas) et peut-être aussi d’Ursule FREY, sa seconde femme, car il est remarié une troisième fois à Barbe SCHNEIDER dont il a eu un enfant, Nicolas (receveur de la léproserie)
Remarques :
- je n’ai rien trouvé concernant la femme de Nicolas BONA, Marschalkh, accusée de sorcellerie en 1612, ni de Jean NELL, dit Pfeifferhänsel.
- les "sorcières" n’ont pas d’enfants, ou très peu (3 à 5) comparées aux autres femmes (8 à 12 et parfois davantage). Ont-elles noué l’aiguillette de leurs maris ? Les veufs se remarient rarement…
Notes:
[1] Melchior KNECHTLIN, conseiller au Magistrat et Odile CUENTZ ont cinq enfants
- Georges né vers 1578
- Odile née à Rouffach le 4.9.1581
- Jean Melchior né le 1.1.1584
- Elisabeth née à Rouffach le 8.2.1586
- Véronique née à Rouffach le 25.3. 1588
Il existe un présumé portrait de Melchior, daté de 1581, qui le représente à l’âge de 32 ans.
L’ainé, Georges KNECHTLIN, sera receveur épiscopal, Amtschaffner , à Rouffach en 1610 et receveur épiscopal à Châtenois à partir de 1617. Il est marié à Catherine BARTHOLOME, dite ACKERMEISTER. Odile, sa sœur, sera l’épouse de Jean WEINOLT, prévôt de Rouffach.
C’est la filiation à partir de Georges qui aboutit à Antoine Joseph KNECHTLIN, avocat au Conseil Supérieur d’Alsace et chanoine de Plombières : enfant unique de Maria Humbert Christophe KNECHTLIN, le greffier de la ville de Rouffach, nommé le 9.3. 1684 et de Marie Agnès SCHWEND. Célibataire, il décède à Rouffach le 20.3.1765 et dans son testament, il fera hériter de ses biens, le Klingentaler Hof , Chrétien Antoine WEINGAND et son épouse Anne Marie BECK de Ribeauvillé.
[2] Jacques ANSELM était receveur de l’hospice du Saint Esprit mais aussi de la cour colongère et dimière du couvent de Klingental situé à Bâle et ce jusqu’à son décès à Rouffach le 25.11.1614 d’après Th. WALTER mais cette date est introuvable dans les registres paroissiaux de Rouffach. Il est donc décédé juste un an avant que son épouse ne soit brûlée comme sorcière : elle devait avoir au moins 60 ans.
[3] Agnes BERTSCHin, Clausen MEYERHOFERs des Scherers Wittiben:
Voilà ce que dit la sentence de son procès:
…dem Scharpfrichter an die Handt gelüffert,
von demselben hinaus zue bestimbten Walstatt gefüert,
alda vorderist uf Leitern geschindet oder gebunden und
(rajout dans la marge: mit dem Strickh vom Leben zum Todt…) stranguliert,
folgendt deren Cörper ins Feür geworffen und durch
dasselb verzehrt, also zu Eschen gemacht, auch nachgehent
dieselbe Eschen vom Erdreich abgeschafft und
darin verdolben werden, Inen allen und jeder zu
wol verdiente Straff, andern dergleichen auch meiniglichen
Jung und alt zu einem ganz eschröckhlichen Exempell
... de la barre, elle sera remise aux mains de l'exécuteur qui, de là il la conduira au lieu habituel du supplice, elle sera d'abord liée sur une échelle sur laquelle le bourreau la fera passer de vie à trépas en l'étranglant d'une corde. Puis son corps sera jeté dans les flammes qui le dévoreront et le réduiront en cendres. Ces mêmes cendres seront débarrassées de la surface de la terre pour y être enterrées. Pour elle, ce sera là une punition hautement méritée et pour tous les autres, jeunes ou vieux, un exemple terrifiant et dissuasif...
[4] Susanna BECHERin, Walther DIDENEYs Wittiben zu Ruffach AMR FF 11/ 55 a (G.M.)
[5] Verena SCHILLINGerin, jezo Geörg SIGELINs Weib :
Verena SCHILLING sera arrêtée et incarcérée le 6 novembre 1615, ses aveux sont du 14 et 16 novembre 1615, elle confirme ses aveux devant les 7 témoins le 19 novembre 1615 et le verdict qui la condamne au bûcher, avec Agnes BERSCH et Ursula BECKH sera prononcé le 27 novembre 1615. La sentence, ainsi que le précise le Malefiz Recht du 27 novembre, sera exécutée le même jour, pour les trois condamnées, allégée (?) par une mesure de grâce spéciale, puisqu’elles seront toutes les trois étranglées avant d’être brûlées. (G.M.)
[6] Elise OFFLATErin, Veuve de Diebolt Golttner, die Platz Else genant (A.D.B.R. Strasbourg) (G.M.)
[7] ANNA MOCKHERin das Wasserweiblin elle est l’épouse de Claus BILLICH. L’inventaire de ses biens a été dressé le 3 et 4 décembre 1615, vraisemblablement au lendemain de son exécution. A.M.R. A FF 12/9 (G.M.)
[8] La femme dont il est question est Ursula BECKH, veuve de Claus RUDENEI et épouse de Claus ROST, Einung Pott.
Son procès a eu lieu le 27 novembre 1615, elle a été condamnée, jugée et exécutée le même jour, en compagnie de deux autres femmes, Agnès BERTSCH et Verena SCHILLINGER. (G.M.)
[9] Margaretha OTTLERin, Benedict SPENGLERs Burgers zue Rueffach Hauβfraw A.D.B.R. (G.M.)
François Boegly
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